Secrets et mensonges
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Pays:
Franco-britannique
Année:
1996
Thème (s):
Adoption, Amour, Triangle dramatique de Karpman, Vérité
Durée:
2 heures 22 minutes
Directeur:
Mike Leigh
Acteurs:
Brenda Blethyn, Marianne Jean-Baptiste, Timothy Spall
Age minimum:
Adolescents et adultes

Secrets et mensonges, drame franco-britannique de Mike Leigh, 1996. Avec Brenda Blethyn, Marianne Jean-Baptiste, Timothy Spall.

Thèmes

Adoption, amour, vérité, TDK.

L’être humain a comme premier et fondamental besoin d’être aimé, et aimé inconditionnellement. Après avoir vu sa réalisation concrète (l’enveloppement) la dernière fois, nous allons étudier une de ses contrefaçons les plus redoutablement efficaces : le comportement victimaire. En fait, celui-ci s’inscrit dans un ensemble de trois attitudes connues en psychologie sous le nom de triangle dramatique de Karpman, du nom de son inventeur : sauveteur (S), victime (V) et accusateur (A). S exige d’autrui qu’il reçoive le bien qu’il fait et V qu’autrui lui fasse du bien. Le dysfonctionnement vient de ce que l’on impose à l’autre de donner ou de recevoir. Sous des dehors souvent lisses, ces comportements aliènent la liberté, font donc violence et engendrent de la violence, autrement dit l’attitude A. Enfin, ces rôles sont complémentaires et donc permutent, même si l’on adopte souvent une porte d’entrée privilégiée : une mère de famille peut successivement couver ses enfants (S), exiger leur aide (V) et se plaindre de leur ingratitude (P).

Secrets et mensonges, qui n’a pas usurpé sa Palme d’Or, constitue une fine mise en œuvre de ces postures boiteuses. À l’âge de dix-sept ans, Cynthia (Brenda Blethyn) a eu une fille, Hortense, d’un homme de couleur qui l’a ensuite abandonnée. Très culpabilisée, elle a caché l’événement à toute sa famille et vit donc dans la dissimulation (d’où le titre du film). Nous retrouvons Cynthia avec son autre fille, Monica. Dans une brève scène (de 55 mn. 11 sec. à 57 mn. 07 sec.), la relation va très vite se tendre, pour devenir d’une violence verbale insupportable. Or, tout s’explique par le mécanisme décrit, la mère adoptant tout à tour les trois pôles V, S, A. Reprenons quelques échanges caractéristiques.

Tout commence par une demande anodine de la mère : « Ton copain, tu le vois pas ce soir ? » Apparemment informative, la question est en réalité intrusive. La suite montrera qu’elle comporte un double-message et que la mère cherche déjà à se positionner en S. Mère : « Tu devrais rester plus souvent à la maison. (silence) Tu fais attention avec le garçon, hein, ma chérie ? » S’inquiétant pour Roxane, la mère semble attentionnée. Ce serait oublier le point essentiel : sa fille ne lui a rien demandé. La posture S se présente donc maintenant à visage découvert. La fille ne s’y trompe pas, qui répond : « Comment ça ? » Déjà, le ton est agressif, le corps tendu. L’intrusion sauveteuse a produit son fruit néfaste (quoique non obligatoire) : Monica répond à l’invasion par l’accusation. La mère reprend et désormais ne lâchera plus sa fille : « Tu vas dire que ça ne me regarde pas. Mais, chérie, tu prends la pilule ? » On notera que Cynthia fait de nouvel appel à « chérie » : la gentillesse inattendue de la formule en décalage avec le contenu, redouble la violence de l’intrusion par celle de la manipulation. Suit toute une série d’échanges où le ton ne cesser de monter : la mère, en S, multiplie les propositions de moyens pour éviter une grossesse et la fille, en A, multiplie les demandes de « changer de disque ». Jusqu’au moment où, folle de rage, Monica fuit le « jardin » pour trouver refuge dans sa chambre : « J’en ai marre de t’entendre ». Mais Cynthia la suit et fait irruption : « Ma chérie ! Roxane, si je te dis cela, c’est pour ton bien ». Telle est la justification qu’avance toujours le sauveteur. Mais il oublie que le bien à respecter, c’est justement la liberté de l’autre. D’ailleurs, Cynthia nie en acte ce qu’elle affirme en parole et son acte est de haute portée réelle et symbolique : elle pénètre sans autorisation le lieu d’intimité par excellence qu’est la chambre de sa fille.

Un dernier échange va l’attester tout en portant la relation à un paroxysme de violence : « C’est pas grave si t’as un bébé, je m’en occuperai » , dit la mère, de nouveau en pseudo-aide. La fille répond, excédée : « Ça te regarde pas, enfin ». Cynthia répond avec une agressivité inattendue : « Si, ça me regarde. Tu me laisseras pas un bébé sur les bras. Ah, ça non ! » Ici, la sauveteuse démasque, jusque dans sa parole, la persécutrice (A) qui sommeille toujours en elle. La fille se lève, en rage, repousse sa mère. La porte claque. Roxane part chez son petit ami, se donne à lui ou plutôt l’utilise, dans une fièvre des corps qui cherche à exorciser l’insupportable intrusion de la parole maternelle et se venger d’elle en congédiant toute prudence. De son côté, achevant le processus de confusion incestuelle, Cynthia s’abat, le corps secoué de pleurs, sur le lit de sa fille. S’enfermant et enfermant l’autre dans une attitude victimaire, elle a donc adopté successivement les trois pôles du triangle dramatique.

Cynthia peut-elle s’en sortir ? On l’a compris : la thématique de ses disputes tourne autour de l’angoisse de l’enfant non désiré ; et son scénario de S ne fait que répéter sa culpabilité de la grossesse inattendue et du secret de famille. « J’ai tellement honte. Je ne peux plus vous regarder », dit-elle, lorsqu’elle rencontre Hortense. Pour sortir de son jeu mortel, il lui faudrait entendre son besoin d’être aimée inconditionnellement. Et, pour cela, une écoute enveloppante. Qui la lui donnera ? Paradoxalement, ce sera Hortense, lorsque, dans une demande merveilleuse d’équilibre, elle exprimera à Cynthia et son désir de la rencontrer (et donc un amour commençant) et le respect de sa liberté (tout ce que doit apprendre le sauveteur) : « Me permettez-vous de vous voir ? »

Pascal Ide

A la mort de sa mère adoptive, Hortense, une jeune femme noire de vingt-sept ans, décide de partir à la recherche de sa véritable mère. Elle apprend avec stupéfaction que sa vraie mère, Cynthia, est blanche et qu’elle a une fille de vingt ans, Roxanne, avec laquelle elle vit. Quant à Cynthia, elle est paniquée quand elle apprend l’arrivée de cette enfant oubliée depuis longtemps.

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