Ozark, série télévisée dramatique américaine de Bill Dubuque et Mark Williams, diffusée depuis le 21 juillet 2017 sur Netflix. Trois saisons de dix épisodes d’une heure. En juin 2020, la série a été renouvelée pour une quatrième et dernière saison, qui comprendra 14 épisodes répartis en deux parties. Avec Jason Bateman et Laura Linney.
Thèmes
Drogue, mensonge.
Une série à la technique ébouriffante, mais à l’éthique dé-routante…
Les multiples prix qui ont salué Ozark (32 nominations aux Primetime Emmy Awards, etc.) l’attestent, les personnages et l’histoire sont une vraie réussite – sans rien dire des petites trouvailles comme un sigle de générique (un O divisé en quatre parties) qui change à chaque épisode. Au casting époustouflant d’authenticité se joint une authentique complexité des différents protagonistes – les méchants exceptés, et encore, je parle du seul cartel mexicain. De fait, selon la typologie immortalisée par Sergio Leone, ils se répartissent en trois catégories : les bons, c’est-à-dire les innocents et les personnages véritablement altruiste (le pasteur Mason Young et son épouse, les enfants Byrde, du moins au début) ; les méchants, c’est-à-dire ceux qui sont aussi égoïstes que cruels (hors les différents mafieux, le couple Snell) ; les truands, c’est-à-dire ceux qui sont en partie bourreaux en partie victimes (le couple Byrde, Roy Petty, Ruth Langmore, l’agent fédéral, Buddy).
Quant au scénario, non seulement il multiplie les rebondissements les plus inattendus, mais il ménage d’intenses suspenses, notamment lorsque, dans la première saison, pèse de plus en plus sur la tête de Marty une triple fatwa.
Une série sur le trafic de drogue – sujet qui fascine les Américains et, indirectement, les Français – peut donner lieu au meilleur comme au pire, selon la place accordée à l’éthique. Pour une famille dont les époux sont (presque) toujours fidèles et qui ont accueilli deux enfants, l’on peut imaginer que la part accordée à la loi morale sera consistante. Que nenni ! La critique sociale est acide : aucun milieu ne résiste, les motivations presque partout affichées sont utilitaristes. Voire, face à la tentation représentée par les sommes d’argent impressionnantes brassées par la drogue, seul le pasteur ne succombe pas. L’éducation est laxiste (Charlotte, quinze ans, fume des joints et a une relation sexuelle par ailleurs catastrophique avec un « urbain » de passage, le tout avec la bénédiction des parents), les valeurs familiales progressistes (sans rien dire de la culture systématique du mensonge, l’avortement est évoqué comme une évidence) et les valeurs politiques binaires (le vilain capitalisme versus le vertueux Obama), etc.
Même le couple Byrde est emporté dans cette faillite laxiste. Certes, au terme de la première saison, grâce à un louable pardon, qui est à saluer, Marty et Wendy se retrouvent, sinon se réconcilient, après l’écart adultérin de celle-ci. Mais, la saison suivante, Marty ne voit aucune objection à ce que sa femme se prostitue pour convaincre un politique de voter une loi. Surtout, jamais les époux ne semblent être travaillés par leur conscience morale : l’unique motivation qui les a fait basculer vers le blanchiment d’argent mafieux, donc vers le grand banditisme, est vénale. Ignorant tout de la doctrine de la coopération formelle (certes, ils ne dealent ni ne fabriquent, etc., mais ils aident ces activités), ils n’éprouvent donc aucune culpabilité à favoriser une action individuellement et socialement destructrice. Voire, s’ils sont amenés à se prononcer sur le sujet, ils se défendent en affirmant contre les condamnations prétendument simplistes, comme Jonah s’en fait le porte-parole en cours : « C’est plus complexe que cela… »
Au total, et c’est révélateur d’une dérive actuelle généralisée, au cinéma et dans la société, une seule valeur demeure debout dans ce tsunami moral généralisé : l’amour et le respect des enfants. Ils sont autant la cause que l’effet de leur idolâtrie. En effet, même s’ils ne sont pas irréprochables, Marty et Wendy sont des parents vraiment attentifs qui font tout pour défendre Charlotte et Jonah. Un seul problème, mais il est de taille : ils ont fini par les rendre complices de leurs crimes… « Je pense que vous êtes le diable », disait Mason à Marty de Marty…
Bien entendu, chaque critique ne manque pas de faire le rapprochement avec la série jumelle à grand succès, Breaking Bad (série télévisée américaine de Vince Gilligan, 5 saisons, 62 épisodes, 2008-2013, aussi sur Netflix). Mais autant l’on sent constamment le cynisme affleurer dans cette série d’humour (ou plutôt d’ironie) noir, autant Ozark flirte avec le dramatique, voire le tragique, sans une once de légèreté. La logique éthique des personnages ne donne guère à espérer d’évolution de fond, j’ai donc cessé de regarder la série à partir du milieu de la deuxième saison et me suis contenté de lire les résumés précis de chaque épisode qu’offre le site Wikipédia – tout en attendant la quatrième saison pour savoir s’il y aura tout de même une repentance finale…
Pascal Ide
Après qu’une opération de blanchiment d’argent pour un cartel mexicain de la drogue a mal tourné, le conseiller financier Martin « Marty » Byrde (Jason Bateman) propose de faire amende honorable en mettant en place une opération de blanchiment plus importante dans la région du lac des Ozarks, au centre du Missouri. Quittant Naperville, dans la banlieue de Chicago, Marty déménage avec son épouse, Wendy (Laura Linney), leur fille Charlotte (Sofia Hublitz) et leur fils Jonah (Skylar Gaertner), dans le lointain lieu de villégiature estivale d’Osage Beach. En arrivant dans le Missouri, les Byrdes qui pensent ne plus avoir affaire qu’à la mafia mexicaine, se retrouvent en plus mêlés à des criminels locaux, les familles Langmore, notamment Ruth (Julia Garner), et Snell, notamment Jacob (Peter Mullan), un producteur local d’héroïne, et sa femme Darlene (Lisa Emery), et plus tard à la mafia de Kansas City. Sans rien dire du FBI qui veut à tout prix piéger Marty, à travers le personnage tenace de l’agent Roy Petty (Jason Butler Harner).