My Lady (The Children Act), drame juridique anglais de Richard EYRE, 2017. Adapté par Ian McEwan de son roman éponyme (L’intérêt de l’enfant, Paris, Gallimard, 2015). Avec Emma Thompson, Fionn Whitehead, Stanley Tucci.
Thèmes
Amour, fidélité, travail, vérité.
Ce remarquable film, joué par une remarquable actrice, les deux tout en demi-teintes, nous conte un changement autant imperceptible qu’irréversible, dont les raisons sont elles-mêmes aussi discrètes que puissantes.
Cette métamorphose s’atteste dans l’infime, mais profond décalage entre la première et la dernière scènes.
Voici une femme toute donnée à sa mission de juge de la Haute Cour britannique. En effet, elle est dévouée au-delà des limites par excellence que constituent l’espace et le temps. D’une part, elle emporte d’imposants dossiers à la maison, perméabilisant dangereusement la frontière entre sa vie conjugale et sa vie professionnelle. D’autre part, à son mari qui lui demande quand elle compte aller se coucher, elle répond qu’elle ne sait pas, autrement dit que toute durée disponible sera remplie par le travail en cours. Sans autre horizon que son labeur de juge, Fiona Maye y place donc sa finalité ultime. De ce fait, elle n’est pas tant indifférente à son époux qu’inattentive ; dès lors, le passage du tennis de double à single devient le symbole d’un devenir autrement plus inquiétant, celui du couple à la simple juxtaposition de ceux que l’on appelle justement con-joints. Cette formulation est encore trop symétrique.
Il faut dire plus et pire. Alors que Jack continue à l’aimer et le lui témoigner, Fiona a définitivement centré son énergie et ses priorités sur une vocation qui est aussi une mission. En épousant les causes des plaignants, elle a pratiquement épousé sa profession. Plus encore, elle l’a décidé unilatéralement et sans doute progressivement, presque inconsciemment – comme tant de plis vicieux. Les relations structurant sa vie privée ont donc fini par ressembler furieusement à celles, pyramidales, que la juge entretient avec les avocats et leurs clients : top-down. Alors qu’elle peut être dérangée à toute heure par son travail, elle n’en a plus une à accorder à son mari. La priorisation du temps manifeste au plus près la hiérarchisation de ses valeurs. Certes, on comprendra à demi-mots qu’elle a non seulement dû tailler sa place dans ce milieu presque exclusivement masculin, mais choisi le secteur le plus critiqué par la gent virile, les affaires familiales dont elle est devenue la spécialiste incontestée. Mais elle a étendu cette lutte, et la structure de domination qu’elle entraîne, à l’ensemble de sa vie. Il n’est pas jusqu’à sa fécondité dans le travail qui, mise en perspective avec la stérilité (supposée telle) de son couple, qui ne manifeste une nouvelle fois la hiérarchie qui anime son couple et mine son mari.
La dernière image va révéler le bouleversement inattendu, mais pourtant tellement espéré. D’abord, My Lady va participer de loin et incognito aux si tristes funérailles du garçon qui l’a tant aimé – courant ainsi le risque inouï d’être accusée d’une des transgressions les plus graves pour un juge, la collusion avec un plaignant, bref de sacrifier son impartialité à la subjectivité et à l’affectivité. Autrement dit, elle témoigne qu’elle est prête à subordonner le droit à la morale, à l’opposé même du principe qui l’a conduit à une décision hautement impopulaire que la presse a sanctionné en parlant d’une « cour royale d’injustice ».
Puis, dans un second temps, nous voyons le haut juge soudain si humain rejoindre Jack qui, respectueusement, l’attendait à distance. Alors, un plan fixe montre les corps se rapprocher insensiblement, jusqu’à ce que, tout aussi imperceptiblement, Fiona passe son bras sous celui de son mari. Et le couple, tendrement, rêveusement, s’éloigne parmi les tombes nimbées de l’éternelle verdeur vitale qui n’évoque pas tant la mort que la pérennité de la tradition. Or, si la logique pervertie et inversée de la libido peut faire croire que les affinités des corps favorisent celles des âmes, la logique autrement plus profonde et durable de l’amour-don enseigne que le corps exprime le cœur, donc que ce voisinage extérieur témoigne de la réconciliation intérieure. Mort aux forces centrifuges dont la pire n’est pas l’adultère charnel et occasionnel, mais l’adultère spirituel et beaucoup plus pérenne de l’idolâtrie laborieuse, le couple est réenfanté.
Que le cheminement du cœur est mystérieux, surtout dans l’atmosphère ouatée de la high society anglaise. Retrouver la trace de ce chemin, c’est comme pister des pas dans l’eau : « Par la mer passait ton chemin, tes sentiers, par les eaux profondes ; et nul n’en connaît la trace » (Ps 76,20). Ce passage du plus assurément distant au plus discrètement proche s’explique par le jeu d’au moins quatre causes.
- La cause la plus patente est bien entendu l’irruption d’Adam ou plutôt la rencontre de deux cœurs secrètement assoiffés d’amour et d’absolu, le premier étant aussi livré que le second protégé.
Fiona est en train d’agoniser à côté de la source d’eau vive qu’est l’amour de Jack. Si elle s’est peu à peu éloignée au dehors de son plus grand ami qu’est son époux, c’est parce qu’elle s’est d’abord distanciée au dedans de son cœur, lieu de la simplicité vraie, humble et aimante. L’on peut en égrener quelques mécanismes, tristement banals : accablée de travail, elle l’a, en pratique sinon en théorie, placé parmi ses priorités ; sécurisé par l’amour constamment disponible de Jack, elle a fini par sombrer dans la routine, mère de la tiédeur et de l’amnésie ; ayant oublié que, jamais inertes, les relations humaines qui ne sont pas alimentées, ne font pas du sur-place mais régressent, elle ne les a plus arrosées par la gratitude et la générosité depuis longtemps. Quant aux autres relations tissant sa vie, elles se distribuent entre celles, exclusivement et excessivement verticales et ritualisées, que symbolisent de manière si limpide la pyramide au sommet de laquelle elle trône à distance des plaignants comme des avocats, et les rares relations horizontalisées qui, médiatisées et protégées par l’esthétique anesthésiante de la musique de chambre, ne sont pas plus nourrissantes.
Quadruplement vulnérable, par sa juvénilité, son tempérament fragile, son appartenance socio-religieuse excluante et sa pathologie gravissime, Adam viendra fissurer cette forteresse invisible mais ultra-protégée de Fiona. Du plus extérieur au plus intérieur.
Il touche son cœur de juge qui a gardé intact son sens de la vérité. En effet, en écoutant avec la plus grande attention les deux partis en présence (les parents et l’hôpital), Fiona prend conscience que les deux plateaux de la balance sont équilibrés. Plus secrètement, elle est divisée. D’un côté, la décision est déjà prise, puisque le Children Act voté au Royaume-Uni en 1989 stipule que le juge doit s’attacher à faire primer « l’intérêt de l’enfant » (d’où le titre du livre et du film coscénarisé par l’auteur), autrement dit la loi (et pas seulement la jurisprudence) a tranché en faveur de la vie, non sans faire violence à la liberté de ce vivant. De l’autre, sa conviction intime est que la personne en cause doit prendre sa décision, surtout si la considérer comme un non-adulte irresponsable relève de l’idéologie doublée d’un irréalisme irrecevable. D’ailleurs, Adam se fait l’écho de cette conviction par la parole admirablement non-victimaire : « C’est mon choix », qu’il répètera au terme avec solennité : « My choice, My Lady ». Dès lors, le juge Maye a objectivement besoin d’un troisième élément pour se forger une conviction intime (ce qui ne veut pas dire subjectiviste) : « Je veux entendre l’avis d’Adam ». C’est donc en tant que juge, dans l’exercice objectif de sa fonction – et non pas en tant que femme attristée ou attirée par la situation ou la personnalité exceptionnelles du jeune malade –, qu’elle requiert l’audience avec Adam, quand bien même la loi semble y contredire.
Mais si Adam rejoint passivement Fiona en sa quête sans concession de la vérité, il la rejoint plus encore activement par sa soif ardente de vérité (« J’ai tant de questions à vous poser ») – de sorte qu’ici s’ébauche une première communion, prémisse d’une mutualité qui pourrait rimer avec amitié.
Adam rejoint le juge Maye pour une deuxième raison, encore plus interne à sa profession. Aujourd’hui, les experts vont répétant, non sans raison, que le juge doit conserver le plus possible sa neutralité à cause du danger de cécité né du stress et de la détresse empathique. C’est trop réagir et donc passer d’un extrême compassionnel à un autre extrême idéalement rationnel. La vérité d’un jugement portant toujours sur la souffrance d’une personne (justement appelée plaignant) ne peut demeurer froidement et exclusivement distancée. À la connaissance de la règle universelle du droit s’adjoint non moins nécessairement celle de la situation singulière, plus, la perception du vécu affectif et de son épaisseur historique ; or, autant à la première suffit la raison, autant la second requiert une authentique connaturalité, donc l’amour. Et l’amour, loin de nuire à l’objectivité, la sert : « l’amour même est connaissance [1] », disait le pape Grégoire le Grand au vie siècle ; « L’amour est l’intellect même », écrivait Guillaume de Saint Thierry, six siècles plus tard [2]. Or, Fiona montre à plusieurs reprises qu’elle se laisse toucher et pas seulement éclairer : dans sa préparation comme dans son écoute lors du procès, dans ses paroles (« Vous vivez la plus grande épreuve de votre vie ») comme dans ses rares gestes.
Ici encore, le jeune homme rejoint cette grande dame quand, à sa question : « Comment sait-on que c’est mal ? », en convoquant implicitement la distinction pascalienne entre la connaissance de la raison et celle du cœur : « C’est dans le cœur. On ressent que c’est mal ». Voire, Adam la précède lorsqu’il donne, en illustration de cette loi… l’infidélité.
Adam fait aussi battre son cœur maternel. Comment le ton ivoire de ce beau grand corps malade, dramatisé par l’annonce de la mort très prochaine, ne remuerait-il pas les entrailles miséricordieuses de Fiona ? De fait, elle le console en chantant un poème de Keats comme une mère berce le petit avec qui elle rentre en symbiose. De fait aussi, elle va véritablement l’enfanter à son être adulte – de même qu’en retour, Adam va l’éveiller à son être sponsal depuis trop longtemps ensommeillé.
Il touche enfin son cœur de femme et de femme épousée. L’on sait qu’il n’est ni sec, ni loin : Fiona a aimé Jack et s’est sentie aimée. Ce qui est conjugué au passé doit aussi l’être au présent. C’est ainsi que, simplement en effleurant le piano du regard, elle laisse affleurer avec une gratitude émue, le souvenir de ce que cet instrument symbolise : certes, l’affection de ses amis, mais, avant tout, l’amour de son époux. Or, la ferveur qu’Adam, le bien prénommé, éprouve pour elle ne participe pas que de la piété filiale. Il est peut-être dupe de sa passion, lui qui s’imagine pouvoir vivre sous le même toit comme un étudiant assoiffé d’apprendre d’elle. Mais, elle, autrement plus mûre, sait qu’il se vit autre chose dans le cœur d’Adam et, en tout cas, assurément, dans le sien. Elle le sait à son propre trouble intérieur lors de leur renconte nocturne dans le manoir. Voilà pourquoi, avec grande justesse (sic !), elle se retranche derrière sa fonction de juge, d’épouse et de femme d’une autre génération, en répétant la même question : « Que veux-tu ? », aux réponses partielles d’Adam. De même, elle introduit une distance (exprimée dans cette belle formule : « Je vais vous regarder partir ») qui n’est pas rejet (puisqu’elle est doublée de la reconnaissance de sa valeur : « Vous avez du talent. Votre talent vous attend »). Et si par impossible, elle doutait encore, son corps en sait plus qu’elle – ce qui ne signifie pas, docteur Freud, que cette inclination soit seulement sexuelle –, qui lui fait consentir à ce bref baiser volé.
- Si discret soit Jack, sa médiation est considérable. Ce serait trop concéder à l’exclusivisme romantique, plus, ce serait erroné autant qu’injuste, de le réduire à être un pâle repoussoir qui ne sait plus éveiller la flamme de son épouse ou, pire, un quinquagénaire en plein démon de midi, qui la trompe misérablement avec une étudiante en adoration : « Ce n’est pas seulement sexuel », explicite-t-il, lorsqu’il fait observer à Fiona : « on ne s’embrasse même plus ».
Tout d’abord, une telle interprétation oublierait la vérité profonde de son propos – lorsqu’il exprime suaviter et fortiter une réelle asymétrie : « J’ai quitté ce mariage deux jours ; toi, tu l’as quitté depuis des années » – et de sa vie – Jack ne cache pas à son épouse sa tentation de liaison, témoignant ainsi en creux de son attachement. À ce sujet, je ne peux que conseiller la lecture d’une suggestive parabole de Jean Monbourquette que vous trouverez sous le nom : « La légèreté du pardon ».
Ce serait aussi nier la persévérance de Jack (il ne cesse de proposer sans imposer de multiples invitations de sorties), donc sa permanente initiative (le beau risque de donner), sa fidélité peut-être héroïque (faudrait-il parler d’un syndrome Abélard, lorsqu’un brillant esprit comme lui ne saurait manquer d’attirer de non moins brillantes Héloïse ?), sa repentance (jusque dans l’humble geste d’attendre sa femme assis par terre, au dehors et une durée indéterminé, alors qu’il est bien entendu en possession des clés de leur appartement) et son respect du tempo de Fiona (« Veux-tu que nous parlions ? »).
Or, toutes ces vertus sont autant de dispositions qui coulent et découlent de la charité dont Paul nous dit qu’elle est « patiente », « serviable », se « réjouit de la vérité », « pardonne tout », etc. (1 Co 13,4-7) Car le plus admirable chez Jack réside bien dans le témoignage de son amour sans faille – ce qui ne veut pas dire sans défaillance. Amour en parole (combien de fois répète-t-il avec sincérité : « Je t’aime ») et en acte (à commencer par l’achat du si cher piano…).
Ce serait enfin manquer une riche symbolique. Un couple ne tient et n’est riche que de la présence de ses deux pôles, masculin et féminin. Les westerns, bibliquement inspirés, de John Ford nous ont habitué à les répartir selon les couples dedans et dehors, stabilité et exode : au cowboy aimanté par l’appel de l’aventure et les combats héroïques contre l’ennemi répond la fidélité de l’épouse qui toujours l’attend sur le pas de la porte ouvrant autant sur les grands espaces que sur le chaleureux foyer. Or, ici, tout au contraire, nous voyons une femme toujours éloignée de sa maison et, lorsqu’elle s’y retrouve physiquement, elle demeure toujours psychiquement au tribunal, au point de pouvoir être dérangée à toute heure. Nous admirons donc d’autant plus que Jack consente à épouser cette reconfiguration imposée par Fiona, devenant alors le pôle intime qui toujours attend et relance l’amour. En contrebalançant les forces centrifuges, symboliquement viriles, qui ont conduit son épouse, à son insu, à cette infidélité de cœur (et non de corps), il a ainsi permis et permet au couple de tenir sur la longue durée. Ajoutons que cette inversion de la symbolique anima-animus est d’autant moins étonnante qu’Emma Thompson se présente volontiers non seulement comme une féministe, mais comme une militante.
- Ni Adam, ni Jack ne pourraient ainsi toucher le cœur de Fiona si celle-ci ne se laissait d’abord approcher. Dans un superbe passage, Adam répond à une question de la juge avec son ingénuité désarmée, en faisant fi de toute convention et en nivelant toute hiérarchie artificielle : « Je vous dirais de vous mêler de ce qui vous regarde ». Prise au dépourvue, Fiona éclate d’un rire joyeux d’une confondante sincérité, comme s’étonnant elle-même de s’entendre s’esclaffer. Soudain dépouillée de tout masque, le personnage laisse toute sa place à la personne capable d’une simplicité ouvrant à la réciprocité.
Cet être si vivant et si hypersenseible qu’est Adam n’a pu être abreuvé par des parents qui ont fait de Dieu, ou plutôt de leur religion (« Vous m’avez sauvé de ma religion »), un obstacle entre la souffrance de leur enfant et leur cœur compatissant. Aussi, lorsque le jeune homme ressent la présence im-médiate du cœur de la juge qui, loin d’interposer la triple distance de sa fonction, de la loi et de la géographie, le respecte, l’écoute, compatit, et s’abaisse jusqu’à chanter, comment ne fondrait-il pas, au double sens du terme ? « Les vrais, les seuls regards d’amour, sont ceux qui nous espèrent », disait Paul Baudiquey [3].
- Il faudrait enfin évoquer un quatrième pôle, à la fois omniprésent et récusé : Dieu.
D’une part, Dieu est malmené : par la crise de foi d’Adam, dans les cours de Jack, par l’obscurantisme des parents, par les démêlées de Fiona avec rien moins que l’archevêque de Canterbury et par ses prises de position frontalement opposées aux positions de la communauté anglicane (du moins sa branche non libérale qui opine le plus vers l’Église catholique) sur l’avortement.
D’autre part, Dieu est beaucoup plus là qu’il n’y paraît, mais purifié des oripeaux qui le travestissent et le trahissent. Il est explicitement nommé dans la bouche de My Lady qui ne se présente en rien comme agnostique et encore moins comme athée. Il est implicitement acteur dans de multiples gestes dont le plus important est le double pardon croisé que les époux s’accordent. En paroles, lorsque, à la tendre supplique de Jack « Dis-moi tout », Fiona répond humblement : « Je ne sais si tu m’aimeras encore ». En gestes : une première fois, lorsque Jack serre la main de son épouse ; une seconde fois, lorsque, nous l’avons dit, Fiona prend le bras de son époux.
Le plus long pèlerinage, dit-on souvent, est celui qui va de la tête au cœur. Fiona Maye, la femme de tête qui est aussi une femme du droit, va renaître comme femme de cœur dans une descente kénotique qui est le mouvement même de l’amour. Mais, pour certains, le pèlerinage le plus décisif chemine en sens inverse. Adam, l’homme de cœur, va naître à la vérité sur sa religion et sur lui-même, à travers une passion qui est autant amour que souffrance et rédemption. Fiona a sauvé Adam en le rendant à sa liberté, donc à lui-même, désormais face au bonheur et à la vérité ; Adam a sauvé Fiona en la rendant à Jack. De plus, Fiona a éveillé cet enfant à son cœur d’adulte, alors qu’Adam a révélé à cette femme si adulte combien elle pouvait encore se comporter comme un enfant (en boudant son mari). Ainsi, ces chemins croisés sont aussi des destins croisés qui ne vont pas, car ils ne peuvent pas, s’entrelacer.
Pascal Ide
[1] « Lorsque nous aimons les choses célestes que nous entendons, nous connaissons déjà les choses aimées, car l’amour même est connaissance [amor ipse notitia est] » (Grégoire le Grand, Homiliae in Evangelia, II, Homélie 27, 4, PL 76, 1207a).
[2] « L’amour est l’intellect même [Amor ipse intellectus est] » (Guillaume de Saint Thierry, Lettre aux frères du Mont-Dieu [Lettre d’or], § 173, trad. Jean Déchanet, coll. « Sources chrétiennes » n° 233, Paris, Le Cerf, 1976, p. 282).
[3] Paul Baudiquey, Rembrandt, le retour du prodigue, coll. « Un certain regard », Mame, 1995, p. 71.
Magistrate respectée à la Haute Cour de Londres, Fiona Maye (Emma Thompson) travaille assidument et tardivement, sur un dossier. Son mari, Jack (Stanley Tucci), vient lui proposer une partie de tennis en double pour samedi prochain. Trop absorbée, Fi ne répond pas. À la veille d’un week-end, une requête urgente lui parvient : un médecin demande à la justice de l’autoriser à soigner de force un adolescent atteint de leucémie, Adam Henry (Fionn Whitehead). Témoin de Jéhovah, il refuse en effet toute transfusion sanguine ; de plus, ayant encore 17 ans et 9 mois, il est soumis à la décision de ses parents dont il partage la foi. Fiona doit trancher : « l’intérêt » du jeune homme se trouve-t-il dans le respect de ses convictions religieuses ou dans le traitement médical qui pourrait lui sauver la vie, mais qu’il faudrait lui imposer ? Où trouver les critères pour discerner, sinon – ce qui relève d’une exception proche de la transgression – en se rendant au chevet du patient ? En même temps, Jack annonce à sa femme qu’il voudrait avoir une liaison. Le couple à la dérive résistera-t-il à la puissante aimantation exercée par ce pur jeune homme sur le juge ?