Mort sur le Nil
Loading...
Pays:
Américain
Thème (s):
Conversion, Guérison, Vérité
Date de sortie:
9 février 2022
Durée:
2 heures 7 minutes
Évaluation:
****
Directeur:
Kenneth Branagh
Acteurs:
Kenneth Branagh, Gal Gadot, Emma Mackey, Armie Hammer
Age minimum:
Adolescents et adultes

Mort sur le Nil (Death on the Nile) est un film policier américain de Kenneth Branagh, 2022. Adapté du roman éponyme d’Agatha Christie, 1937. Avec Kenneth Branagh, Gal Gadot, Emma Mackey, Armie Hammer.

Thèmes

Guérison, conversion, vérité.

Sur les fils de chaîne d’un Whodunit particulièrement riche et complexe, Kenneth Branagh a su croiser les fils de trame (ou plutôt de drame) d’une histoire inattendue aux riches résonnances humaines et peut-être plus qu’humaines.

 

Mort sur le Nil est l’une des plus fameuses des quarante enquêtes que le Sherlock Holmes belge a menées. Quand j’emploie l’épithète « fameuse », je parle pour l’ancienne génération. Si elle n’a pas lu ce classique de la romancière anglaise, elle n’a sans doute pas échappé à l’une de ses multiples adaptations, théâtrale (je n’en connais qu’une), télévisées, cinématographiques (dont la plus fameuse est celle de John Guillermin, en 1978, au casting éblouissant). Mais c’est une heureuse initiative de nos vidéastes contemporains d’actualiser nos chefs d’œuvres et d’ainsi y donner accès aux digital natives qui ne lisent plus que ses écrans. Spielberg l’a récemment fait avec brio (mais sans génie) avec West side story (2021).

 

Comme souvent chez cette femme si finement observatrice et empathique qu’est Agatha Christie, l’intrigue multiplie les fausses pistes et les rebondissements, avec un sens de l’observation sans concession de la high society friquée d’avant la seconde guerre mondiale. Nous ne serons pas déçus, même si le diagnostic est aussi pessimiste que le remède absent – sans rien dire d’une concession flagorneuse à la culture gay.

Toutefois, à ce double regard, dramatique et microsociologique, il manquait une troisième approche, psychologique ou plutôt superbement éthique. De prime abord, cette inclusion du paramètre personnel Hercule Poirot dans la trame neutre et objective de l’enquête donne à penser que Kenneth Branagh sacrifie au goût pessimiste, voire déconstructif du jour qui consiste à enraciner le présent dans le passé, plus précisément, à faire surgir un talent rayonnant d’une histoire traumatisante – comme si le plus pouvait sortir, purement et simplement, du moins.

Je pense que, une fois n’est pas coutume, cette interprétation minimaliste manque l’essentiel. Loin d’être psychanalytique, l’apport du réalisateur est systémique, et systémique d’un genre particulier : il ose impliquer l’intouchable héros non pas par excès (l’histoire collective de l’enquête finira par bénéficier à son histoire personnelle), mais par nécessité ; sa présence intervient non pas par adjonction extrinsèque et accidentelle, mais par inclusion intrinsèque et essentielle.

Expliquons en comparant enquête policière et guérison psychique. Dans la plupart des thérapies, le soignant adopte (ou arbore) une posture neutre, c’est-à-dire extérieure. Sans le savoir, le thérapeute extérieur perpétue l’image idolâtrique du Dieu païen qui demande à être aimé sans jamais condescendre à aimer. Apparemment généreux de son savoir et de son écoute, en réalité, il ne va pas jusqu’au bout de l’amour et s’arrête en chemin en se dérobant à la réception en retour qui le ferait entrer dans une véritable communion et l’excepterait de la posture supérieure. L’on doit au grand psychothérapeute Mony Elkaïm d’avoir effectué cette révolution-révélation. Il n’y va pas que d’un acte d’humilité qui, en s’incluant, conjure le risque de toute-puissance du sujet sachant et bientôt omniscient. Le psychothérapeute ajoute une chance de plus au système de changer et d’évoluer [1].

Il en est de même dans l’enquête qui, en dernière instance, est quête de vérité. De fait, la supériorité hautaine qui sera frontalement diagnostiquée par conduira Hercule Poirot à être aveuglé et laisser s’accomplir rien moins que trois assassinats.

Tout basculera quand le détective omnipotent et omniscient perdra son cher ami M. Bouc. Personnellement affecté, il ne pourra plus que personnellement s’impliquer dans la quête de la vérité vitale – sans se départir de ses talents qui sont, non pas créés par la blessure, mais révélés et déployés par elle.

Mais, à nouveau, ne nous trompons pas. Et c’est ici que le cinéaste-acteur est le plus original. Le changement qui s’opère en son héros-personnage n’est pas seulement psychique. Celui qui fut doublement traumatisé – une première fois, en étant défiguré dans les tranchées et en se culpabilisant de ne pas avoir pu sauver son capitaine, une deuxième fois, en perdant celle qu’il aimait plus que sa vie – n’est pas seulement guéri de sa crainte d’aimer à nouveau, libéré de sa protection mentaliste froid et affranchi de la croyance limitante que la passion s’oppose à la raison et que la tête comprend bien si et seulement si elle est coupée du cœur – la désinhibition alcoolisée aidant.

Poirot accède à une véritable conversion éthique – non sans lorgner vers la spiritualité. Certes, il parle de Dieu en bonne part. Mais, plus encore, il se voit asséner par cette mère blessée un jugement qui, de manière précise, lui refuse les quinze actes caractéristiques de la charité (cf. 1 Co 13,4-7). De plus, loin de réactiver la blessure et d’ingénument l’identifier à une clôture, il sait avec gratitude y lire le chemin fécond qui lui a permis de déployer ses talents d’observation et de déduction, faisant de lui le meilleur détective privé du monde.

Enfin et par-dessus tout, le héros ne parvient au possible bonheur d’aimer que parce qu’il devient aussi héraut de la vérité, et la vérité au sens le plus étymologique et le plus profond qui est le dévoilement : en cessant de se cacher derrière ses moustaches maniaquement (plus que soigneusement) peignées, il consent à cette blessure et lui permet de rimer non plus avec fermeture, mais avec ouverture. Dans la scène finale, aussi superbe qu’inattendue, « amour et vérité se rencontrent » (Ps 84,11).

Pascal Ide

[1] Cf. Pascal Ide, « De la thérapie systémique à l’Incarnation rédemptrice. L’approche novatrice de Mony Elkaïm », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 66 (2021) n° 1, De Boeck Supérieur, p. 221-257.

1914, bataille de l’Yser. Le simple soldat belge Hercule Poirot (Kenneth Branagh), qui se destine à une carrière de fermier, réussit, par ses observations et ses déductions, à prendre un pont tenu par les Allemands et sauver tout son bataillon. Malheureusement, il ne peut sauver la vie de son capitaine et se trouve lui-même grièvement blessé au visage. Sa fiancée venue le retrouver en hôpital de campagne lui dit son amour inconditionnel… et qu’il portera la moustache.

Londres, 1937. Poirot est devenu un célèbre détective privé. Se rendant dans un bar, il observe notamment Simon Doyle (Armie Hammer), le fiancé de Jacqueline de Bellefort (Emma Mackey) qui en est follement épris. Celle-ci lui présente sa meilleure amie, la richissime et magnifique héritière Linnet Ridgeway (Gal Gadot). Simon et Linnet tombent instantanément amoureux l’un de l’autre.

Quelques semaines plus tard, Linnet et Simon, jeunes mariés, partent en voyage de noces sur le Nil et se retrouvent à l’hôtel à Assouan. Ils sont accompagnés notamment de Louise Bourget (Rose Leslie), la femme de chambre de Linnet, Salome Otterbourne (Sophie Okonedo), une chanteuse noire et sa fille, Rosalie (Letitia Wright), Lord Windelsham (Russell Brand), un ancien prétendant de Linnet, Miss Marie Van Schuyler (Jennifer Saunders), une vieille et riche américaine, flanquée d’une infirmière qui est bien plus qu’une dame de compagnie, Mrs Bowers (Dawn French). Et, lorsque Jacqueline, la jeune femme délaissée, paraît, son ancienne amie commence à craindre le pire et demande à Poirot, qui se trouve dans l’hôtel, de les accompagner dans leur croisière à bord du vapeur S. S. Karnak. Le meilleur détective du monde accepte, d’autant qu’il se retrouve avec l’un de ses grands amis, M. Bouc (Tom Bateman). Dès le lendemain, Linnet est retrouvée assassinée. Dans ce huis clos étouffant, Poirot se tourne aussitôt vers la suspecte la plus probable, Jacqueline. Mais celle-ci est protégée par un alibi inattaquable. Interrogeant chacun des passagers, Poirot découvre que, si chaque passager a lui aussi un alibi, il a encore davantage une bonne raison de tuer Linnet : jalousie, amour, vengeance, cupidité. Et si le plus apparemment innocent s’avérait être réellement coupable ?

[/vc_c

Les commentaires sont fermés.