Microcosmos n’est ni un documentaire scientifique, ni une leçon de choses, mais une leçon d’altérité. Claude Nuridsany et Marie Pérennou réussissent à nous faire entrer dans « un monde démesuré » « caché sous la prairie ».
Thèmes
Nature.
Ils ont en quelque sorte réussi à faire de l’ethnologie animale : cet univers dont on croyait que Jean-Henri Fabre, le Virgile des insectes, l’avait rendu familier, révèle ici toute sa différence. Plusieurs moyens y contribuent. Tout d’abord, se refusant à tout commentaire vocal, le film invite à « faire silence ». Ensuite, les moyens techniques ont permis de filmer les insectes à hauteur d’insecte, comme si l’un faisait un reportage sur l’un de ses cousins. De ce fait, nous sommes plongés dans un monde où tous les paramètres physiques bougent, aidés par une heureuse reconstitution des bruits à la dimension de l’insecte : une journée d’homme est une vie d’insecte ; les paramètres physiques prennent un tout autre sens : les moustiques font du surf sur l’eau stagnante, l’araignée argyronète construit une sorte de nasse pour sa proie avec un matériau qui n’en est pas un pour nous… l’air, qu’elle emprisonne avec ses pattes couvertes de poils hydrofuges ; nous prenons alors conscience qu’un craquement de terre devient un secousse tellurique, une pluie un véritable cataclysme et une minuscule épine un redoutable obstacle pour le scarabée sacré.
Enfin, le film s’est refusé à montrer les habituelles scènes de prédation ou de rituel de cour. Or, ces épisodes brutaux et très chargés affectivement incitent à la projection ou au jugement. Et lorsqu’un faisan vient se délecter de fourmis affolées par les coups de tonnerre terriblement efficaces de son bec, son envol harmonieux fait taire toute réflexion désabusée sur la férocité de la lutte pour la vie dans la nature. Aussi montrer les gestes de la vie quotidienne de l’animal (toilettage matinal, repas de famille des chenilles attablées à une même feuille) introduit à une contemplation émerveillée.
Grâce à ce respect de l’originalité du petit peuple de l’herbe, à ce refus de tout anthropomorphisme, peut s’élever une véritable hymne d’action de grâces. Comme les pattes avant de la mante religieuse au clair de lune, notre âme monte en prière.
Pascal Ide
Voyage sur terre à l’échelle du centimètre. Ses habitants: insectes et autres animaux de l’herbe et de l’eau. Grand prix de la commission supérieure technique, Festival de Cannes 1996.