Maria rêve
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Pays:
Français
Thème (s):
Amour, Fidélité, Regard d'amour
Date de sortie:
28 septembre 2022
Durée:
1 heures 33 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Lauriane Escaffre, Yvo Muller
Acteurs:
Karin Viard, Grégory Gadebois, Noée Abita
Age minimum:
Adolescents et adultes

Maria rêve, comédie romantique française de Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller, 2022. Avec Karin Viard et Grégory Gadebois.

Thèmes

Regard d’amour, amour, fidélité.

S’il n’est pas sans susciter réserves et regrets, notamment sur la brisure d’un couple fidèle, ce film léger et bien mené a du moins le grand mérite d’inviter à réfléchir sur la cause de la rupture autant que celle de la liaison.

 

Bien entendu, comment ne pas regretter la concession facile à la passion romantique versus la fidélité longue durée, l’influence délétère du laxisme préparé par les générations X et Y, puis diffusé par la génération Z, l’infidélité préparée en pensée (après avoir entendu le discours de la jeune étudiante sur le fantasme triolique, Maria caresse le bras de son mari tout en fermant les yeux sur un tout autre homme) qui conduit à l’adultère en acte, et l’adultère d’un moment qui se consomme en possible rupture ?

Toutefois, relevons déjà que l’histoire ne cède pas au schéma actuel si fréquent et si convenu qui fait se succéder presque dans l’instant : tu me plais, je t’embrasse et nous copulons (la crudité du verbe traduisant la cruauté infrahumaine du geste). Mais surtout, Maria rêve propose un diagnostic d’une rare justesse : la place et l’importance du regard d’amour au sein du couple. Une femme, mais aussi un mari et donc le couple ne peuvent demeurer authentiquement fidèle que si chaque conjoint ne cesse de regarder l’autre avec l’émerveillement de l’amour.

En effet, Gabriel Marcel, l’un des très rares philosophies à s’être penché sur le mystère de l’intersubjectivité, adjoignait systématiquement à « fidélité » un adjectif qui est aussi important que le substantif : « créatrice ». Appliquant la distinction pour lui fondamentale de l’avoir et de l’être, il s’opposait résolument à la conception fixiste et mortifère d’un attachement au serment inaugural. De fait, la vie est flux, l’environnement mobilité permanente, l’autre mutation incessante. S’ils ne sont plus les mêmes, la fidélité à la promesse posée le jour du mariage ne peut que devenir paradoxalement synonyme d’infidélité. Autrement dit, il y a une loyauté à un naguère momifié et mortifié qui est une trahison à l’égard du présent toujours nouveau, ne vaut guère mieux que le cocuage et y prépare secrètement. Or, ce renouvellement permanent n’advient que par un accueil lui aussi toujours surpris d’autrui, c’est-à-dire du conjoint. Donc, par le regard constamment inédit que je porte sur lui.

Et tout le film se joue entre deux regards : celui d’un mari qui est tellement habitué à la présence de sa femme et tellement rassuré par sa pérennité, qu’il l’a en quelque sorte identifié à l’une des pièces de son mobilier, ne remarque pas qu’elle change et change en profondeur et, au terme, finit par ne plus la voir. Révélatrice est cette scène où, allongé dans le lit conjugal, Oratio rêve à voix haute et vibrante d’une maison et ne voit pas que sa femme, elle aussi très émue, songe à tout autre chose.

Tout autre est le regard d’Hubert qui, au-delà de la femme de ménage, discerne en Maria le possible qu’elle-même ignore. D’ailleurs, si le couple Rodrigues a duré aussi longtemps dans cette pétrification létale et fatale, cela tient à ce que, la première, Maria a d’abord porté sur elle-même le regard que son mari ne fait que confirmer : une femme de ménage voit tout, parce qu’elle n’est vue par personne. Le confirme admirablement et symboliquement un rebondissement inattendu du scénario. Alors que Maria commence à fantasmer sur Hubert, Oratio décide soudain de multiplier les signes de reconnaissance (non content d’admirer la beauté de son épouse, il la verbalise), d’amour (pour une fois, il prépare son petit déjeuner) et de changement (après de multiples et instantes demandes de Maria, il remet enfin en question son attitude de fermeture à l’égard de leur fille partie avec son meilleur ami). Or, cette seule modification d’attitude suffit à éteindre les fameux de l’amour adultérin chez Maria et à la retourner vers lui.

Symbolique est également le jeu du voir et de l’être-vu. Dans ce haut lieu de l’esthétique – en sa double significaiton : sensation (et d’abord vision) et création – qu’est l’École des Beaux-Arts, Maria s’est fermement défendue de céder à la tentation vis-à-vis d’Hubert dans une scène drolatique qui rappelle Lost in translation (c’est en parlant de son mariage, donc en regardant le bien qu’il constitue, qu’elle écarte l’adultère qui, comme tout péché, est inattention volontaire au mal). Elle accepte d’être vue, posant pour les étudiants, et donc d’attirer-attiser le désir d’Hubert seulement lorsque d’abord elle a été transformée par son regard d’amour et donc est assurée de cet amour qui, presque toujours chez la femme, précède son désir – ce qui est tout l’opposé chez l’homme.

Malheureusement, le changement d’Oratio ne durera qu’un instant. Incapable d’interpréter le signe pourtant patent qu’est la destruction intentionnelle de son cher magnétophone, il en rachète aussitôt un autre, montrant, là aussi symboliquement, tout son enfer-mement dans un passé fétichisé. Joint à l’évidence, de fait bouleversante, qu’est la profonde métamorphose d’Hubert qui, bousculé par la parole de Maria, consent à tout changer dans sa vie de routine confortable, comment l’immobilisme du mari ne précipiterait-il pas Maria qui rêve et se donne désormais le droit de vivre ses rêves, vers celui qui est seul capable de les concrétiser ?

 

Si donc l’infidélité de Maria – de surcroît justifiée par l’attitude de leur fille – s’explique, elle n’est pas pour autant excusée. En effet, emportée par le volcan de la passion, elle n’a pas écoutée la voix de la raison qui est aussi celle du cœur, lui demandant d’entrer, avec endurance et confiance, dans un dialogue avec son époux. S’étant elle-même murée dans ce regard qui lui interdisait de rêver à l’artiste qui sommeillait en elle et se trouve désormais frappé d’insomnie, elle est la première responsable de cette dessiccation confondue avec la fidélité. Il est donc injuste que, sans tomber dans la victimisation qui ferait de son mari le coupable de sa situation, Maria en fasse tout de même la victime très douloureuse de son abandon.

Pascal Ide

Mariée à Oratio (Philippe Uchan) depuis 25 ans, Maria Rodrigues (Karin Viard) est une femme de ménage réservée, timide et un peu solitaire. Elle est aussi rêveuse et ne se sépare jamais de son petit carnet à fleur, dans lequel elle note les poèmes qu’elle invente. Un jour, Maria est mutée à l’École des Beaux-Arts. Là-bas, elle découvre un monde totalement différent du sien. Il y règne une énergie créatrice, une fraîcheur désinvolte, où la seule règle est l’affranchissement de toute règle. Surtout, elle y rencontre Hubert (Grégory Gadebois), le gardien fantasque de l’école. Ces bouleversements extérieurs ne vont pas tarder à devenir intérieurs. Comment sa vie et notamment son couple vont-ils eux-mêmes évoluer ?

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