Maestro(s), drame français de Bruno Chiche, 2022. Librement inspiré du film israélien Footnote de Joseph Cedar, 2011. Avec Yvan Attal, Pierre Arditi, Miou-Miou, Caroline Anglade.
Thèmes
Relation père-fils, Musique.
Maestro(s) a su harmoniser psychologie et éthique dans ce duel qui se conclut en beauté par un duo joyeux et pacifié.
Bien entendu, dans le conflit entre ce père et ce fils trop proches par le talent et la carrière, il y a autant d’Œdipe que de rivalité mimétique – même si, écrite trop à distance, cette critique ne me permet plus d’annoter la partition et préciser les composantes de cette mimésis. Mais il est heureux que le réalisateur ne cède pas au jeu trop unilatéral et trop déterministe allant du père manquant au fils manqué, pour oser aussi montrer comme, dans l’autre sens, le fils a sa part et sa responsabilité dans les fermetures auxquels, désormais comblé d’honneurs et de reconnaissance, il continue à consentir. C’est ainsi qu’il oppose la sérénité d’un père qui apprend à renoncer à son rêve de toujours et la crispation d’un fils qui, en accédant à ce même idéal, la Scala, n’a pourtant pas gagné la quiétude à laquelle il s’attendait. Ainsi, dans un astucieux paradoxe qui se refuse au simplisme des antagonismes unilatéraux, le scénario met en scène un père qui, bien qu’esthétiquement classique, est psycho-éthiquement plus flexible qu’un fils qui, bien que musicien d’avant-garde, demeure humainement plus rigide.
Certes, le spectateur s’attend à une réconciliation entre les deux hommes, le genre dramatique oblige. Certes, il aimerait mieux en comprendre les ressorts, même si le mystère des cœurs appartient à l’invisible qui est inaccessible à l’image. Mais nous serons heureusement surpris par cette codirection finale à la fois bicéphale et monocordiale, d’abord alternative, puis simultanée : non contente d’attester la réconciliation, elle rassemble la compagne aimée de François enfin devenue épouse et la compagne échaudée par la veulerie de Denis et réchauffée par son pardon. Voire, par contagion, elle va jusqu’à donner sens à cette erreur qui était réellement diabolisante, mais, à son insu, potentiellement symbolisante : « C’est grâce à moi », murmure la secrétaire gaffeuse aussi désarmante que charmante à son patron, le directeur de la Scala. D’autant que, sans état d’âme, cet anti-père utilitariste a poussé Denis au meurtre symbolique de François et, sans empathie, lui lance cette injonction surplombante : « Étonne-moi ». Et si, systémiquement, cette gaffe qui a réussi à dégripper la mécanique blessée père-fils, se refusait aussi à la logique des concerts qui, plus mercatique qu’esthétique, fait fi de l’éthique ?
« Amour et vérité se rencontrent » (Ps 84,11), parce qu’ils deviennent symphoniques dans un troisième transcendantal, souvent oublié : l’unité qui est communion.
Pascal Ide
Chez les Dumar, on est chefs d’orchestre de père en fils : François (Pierre Arditi) achève une longue et brillante carrière internationale tandis que Denis (Yvan Attal), lui aussi renommé, vient de remporter une énième Victoire de la Musique Classique. Quand François est contacté par Alexandre Mayer (André Marcon), le directeur de la Scala, il apprend qu’il a été choisi pour diriger l’orchestre du célèbre opéra, c’est la consécration, son rêve de toujours. Il décide de partir s’installer à Milan avec sa compagne, Hélène (Miou-Miou). Mais Dumar fils apprend par Mayer qu’il y a méprise : sa secrétaire Carla (Valentina Vandelli), a confondu Dumar (pas Dumas !) fils et Dumar père. Denis, qui a, lui aussi, toujours rêvé de diriger La Scala, hésite à annoncer la nouvelle – de même qu’il n’ose avouer à sa compagne, Virginie (Caroline Anglade), qui est mal-entendante, qu’elle n’est qu’une violoniste moyenne. Ses proches, notamment Jeanne (Pascale Arbillot), l’agent et ex-femme de Denis, insistent pour qu’il prenne enfin sa liberté à l’égard de la figure paternelle. Ayant toujours fui la vérité, Denis osera-t-il dire la vérité ?