Madadayo

Cette histoire vraie de 17 années d’amitié de Yaken Ushida, professeur d’allemand parti à la retraite, avec ses élèves reconnaissants est aussi une discrète et profonde méditation sur l’apprivoisement de la mort. Il passe d’abord par le jeu du « Loup y es-tu ? » des étudiants auquel répond le « Pas encore prêt » (Madadayo, en japonais) paisible et souriant d’Ushida.

Mais cette domestication se prépare surtout par l’acceptation des petites morts que sont les détachements : de ses cours et des élèves qu’il a enseignés pendant 30 ans ; de la maison dans lequel il emménage avec joie et qu’un bombardement détruit. Cependant le détachement le plus douloureux est celui de son chat bien aimé, Nora : il fait partie de la famille ; aussi sa disparition lui cause une infinie tristesse ; mais pour cet homme à l’imagination et à la sensibilité si affinées, à cet homme qui a peur dans le noir, car il a une âme qui sait que l’obscurité est la disparition de la menace, la perte de Nora ne peut que symboliser la perte de sa propre vie.

Or, chaque perte consentie (« On accumule beaucoup trop au cours d’une vie. J’ai tout perdu au cours d’un bombardement », expliquera-t-il plus tard), chaque purification de celui qui est surnommé « or pur », est récompensée, après coup, d’un bien plus grand, reçu gratuitement : ses élèves lui sont redonnés comme des disciples qui le chérissent, peu à peu accrus de leurs enfants et petits-enfants ; la nouvelle maison réalise son désir d’un étang qui dessine un anneau infini ; surtout, un étrange chat noir et blanc, Kurz (ou Kuru) arrivera par le trou de la haie par lequel Nora était arrivé un beau jour.

Comment aurait-il peur ? Aussi, le jour venu, la mort trouve le vieux Sensei (maître chéri) prêt. « Le lièvre blessé [dont la chair était à vif] a été sauvé par le Dieu des Moissons », chante-t-il en pleurant. Alors, l’enfant qu’il est devenu peut cesser de jouer au loup et marcher vers le Ciel rouge qui l’attend. Le film prend une gravité d’autant plus grande lorsqu’on sait qu’Akira Kurosawa a voulu se suicider et que, maintenant âgé de 86 ans, il a retrouvé le goût de vivre.

Pascal Ide

« Ma dada yo » signifie en japonais « pas encore ». Ce film decrit les relations du professeur Hyakken Uchida, celebre ecrivain, avec ses anciens eleves qui a la fin de sa vie organiserent chaque annee une fete pour son anniversaire qu’ils nommaient « Maada-Kai », qui veut dire « Etes-vous pret ».