L’ombre d’Emily (A Simple Favor), thriller américain de Paul Feig, 2018. Inspiré du roman de Darcey Bell, Disparue, 2017. Avec Anna Kendrick et Blake Lively.
Thèmes
Jalousie, homme-femme.
L’ombre d’Emily est pour moitié, l’anti-Mademoiselle de Joncquières. D’un côté, nous est montrée une femme installée dans son narcissisme triomphant, manipulatrice et transgressive jusqu’à anéantir physiquement et psychiquement l’autre. Donc, l’équivalent de la marquise de la Pommeraye – l’assassinat en plus. De l’autre, est mise en scène une femme un tantinet perfectionniste et manquant totalement de confiance en elle. En serait-elle la contre-figure ? Le film fait mouche en montrant les effets identificatoires de la fascination mimétique qu’Emily exerce sur Stephanie. Toutefois, il perd toute crédibilité et tout intérêt scénaristique lorsque, trop vite, Stephanie passe de son impuissance initiale à la toute-puissance finale. Surtout, il nourrit la plus inquiétante désespérance, lorsqu’il propose comme seule issue, voire comme victoire de la justice, ce double narcissique, insupportable d’égocentrisme. Bref, tout le contraire du cheminement de générosité, de vérité et donc d’humilité, arpenté par le marquis des Arcis.
Demeure une question lancinante : face à cette logique indifférenciatrice et violente de la fusion qui conduit inéluctablement à la fission, que sont les hommes devenus ? Dans ce monde féminin où l’altération conduit à la corruption, la juste virilité (qui est puissance sans domination) viendra-t-elle désaltérer notre besoin d’altérité ?
Pascal Ide
Stephanie Smothers (Anna Kendrick), icone de banlieue parfaite : coquette, polie et aimante, elle participe aussi à toutes les activités de l’école de son fils qu’elle élève seule depuis la mort de son mari et anime un blog d’astuces pour maman. Ce qui fait la gloire de cette femme fait aussi son rejet : moquée par les autres parents, elle n’a pas d’amis. Jusqu’au jour où, par le biais de son fils Miles (Joshua Satine), ami de Nicky Townsend-Nelson (Ian Ho), elle rencontre sa mère, Emily Nelson (Blake Lively). De prime abord, tout oppose les deux femmes : cette dernière est mariée, travaille en ville, très bien habillée, jure, boit et est très confiante en elle, alors que Stephanie vit seule, mère au foyer, coquette sans plus, polie, sobre et affectée d’un important complexe d’infériorité. Pourtant, une après-midi, elles commencent à échanger autour d’un martini et jouer au jeu de la vérité. Ce qui n’était qu’une rencontre devient alors une habitude, au point que, contre toute probabilité, les jeunes femmes deviennent les meilleures amies.
Un jour, Emily appelle Stephanie pour lui demander « une simple faveur », récupérer son fils après les cours. Mais la soirée passe, puis un jour et un autre sans que la jeune femme fasse signe. Très inquiète, Stephanie contacte Sean (Henry Golding), le mari d’Emily qui est en déplacement, pour lui faire part de la disparition de son épouse. Alors qu’une enquête de police est ouverte, Stephanie, qui connaît la disparue de l’intérieur, mène la sienne, ce qui la conduit à découvrir des secrets de plus en plus nombreux et de plus en plus inquiétants…