Les trois jours du Condor
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Pays:
Américain
Thème (s):
Hasard
Date de sortie:
21 novembre 1975
Durée:
1 heures 57 minutes
Évaluation:
****
Directeur:
Sydney Pollack
Acteurs:
Robert Redford, Faye Dunaway, Max von Sydow
Age minimum:
Adolescents et adultes

Les trois jours du Condor (Three Days of the Condor), thriller américain de Sydney Pollack, 1975. Inspiré du roman Les Six Jours du Condor (James Grady, 1974). Avec Robert Redford et Faye Dunaway. Oscar du meilleur montage.

Thèmes

Hasard.

Du remarquable thriller du surdoué Sydney Pollack, je gardais le souvenir d’un film intense, qui avait réussi à conjuguer suspense de l’intrigue et profondeur des personnages. Le revoyant presque un demi-siècle après son visionnement en salle, je ne me rappelais pas toute sa richesse thématique : la situation internationale à l’époque du premier choc pétrolier ; la politique étatsunienne avec ses mensonges, sa corruption, son machiavélisme (« La CIA est pourrie ») ; le courage d’un homme seul s’affrontant à l’institution (ce que résume la dernière image qui est aussi celle de l’affiche) ; la solitude secrétée par la grande ville ; la psychologie du tueur à gages perfectionniste, dont le sang est aussi froid que sa conscience morale est gelée ; la littérature comme reflet de la vie (mission de l’unité clandestine) et l’art comme reflet de la personne (la photographie comme révélatrice de Kathy). Ici, je souhaiterais seulement pointer un thème qui pourrait passer inaperçu, mais n’est pas si latéral qu’il paraît : le hasard.

 

Le fortuit est présent dès le début de l’histoire, puisque lui seul explique que le Condor ait échappé à la tuerie dans la Société américaine de littérature historique. C’est aussi par hasard qu’auparavant, il était tombé sur le réseau d’espionnage clandestin. Et c’est aussi par accident qu’il rencontrera Kathy Hale dans le magasin.

Le thème vécu (in actu exercito) est aussi explicité (in actu signato) lors de l’échange entre le tueur et son contact à la CIA. Plus encore, il réapparaît au terme, lors du dialogue improbable entre G. Joubert et le Condor. L’assassin, habituellement si réservé, si méthodique (jusqu’à être machinique), indifférent aux enjeux politiques, s’enquiert du mode de fonctionnement de l’espion qui a totalement échappé à sa logique : « Comment avez-vous choisi la fille ? L’âge ? La voiture ? – À l’aveuglette. Au hasard ».

 

Du coup se produit un déplacement de la problématique. Dans la vision du spectateur, le monde se découpe en bons et en méchants et, surtout à l’époque où il n’était pas si usuel de remettre en question l’institution, en ce qui est légal et ce qui est illégal. Dans la vision du tueur, le monde se répartit en déterministe et aléatoire. Or, il se trouve que le comportement inopiné du Condor échappe à deux logiques réglées : celle de l’administration étatique ; celle du commando armé. Donc, en déplaçant la ligne de partage entre les personnages et les logiques, le cinéaste offre une critique implicite, mais profonde du système technicien (au sens de Jacques Ellul), qu’il soit politique ou assassin – le second, apparemment contraire, révélant le premier. Voilà pourquoi les traits caractéristiques du Condor en font un homme hors-système, donc hors-nécessité, échappant par en haut au déterminisme sécurisant autant les gouvernants que leur ombre portée meurtrière. Tout dit son érudition littéraire (la discussion dans le bar), sa grande débrouillardise technique (qui flirte presque avec McGiver), l’intensité de son attention (« Tu as un regard à quoi rien n’échappe »), son empathie (il résone en profondeur avec les photographies de Kathy, au point de deviner que son monde est celui de l’« in-between », « l’entre-deux »). Ainsi ce que Turner perd en compétence de terrain, il le gagne en créativité et donc en imprévisibilité.

En déplaçant la différence première entre contingent et nécessaire, Pollack n’annule pas celle, tout aussi primordiale, du bien et du mal, mais invite à la considérer autrement : à partir des structures de péché. En effet, les gouvernants qui commanditent l’assassinat de la cellule clandestine ne sont pas des sociopathes avides de sang, mais des technocrates à sang froid, qui délèguent leurs basses œuvres. Que la CIA en particulier et que la politique pragmatique en général puissent engendrer et justifier une telle action (le massacre d’innocents), montre combien une telle politique, qui rime avec machiavélique, sont des organisations intrinsèquement peccamineuses. Face à ce système qui broie les individus et les consciences, seul peut résister un homme non seulement créatif, mais courageux, voire héroïque, et surtout follement généreux, c’est-à-dire prêt à mettre en jeu son propre bonheur (il sera voué à la solitude) et même sa propre existence (il ne sera jamais sûr qu’un tueur ne mettra pas fin à ses jours et à chacune de ses journées).

 

Le film contient encore un autre enseignement sur le hasard. Turner, disions-nous, avoue avoir choisi Kathy à l’aveuglette. Pourtant, ces deux âmes se ressemblent beaucoup plus que ce que produit habituellement le casuel : même hyperesthésie artistique, même isolement jusqu’à l’esseulement, même haut idéal (justice et vérité d’un côté, beauté de l’autre), et surtout même grand altruisme (lui, dont on a dit qu’il va tout sacrifier pour faire éclater le scandale ; elle qui, très vite, met librement sa disponibilité à son service : « J’aimerais t’aider »). Synchronicité, dirait Jung. Je préfère dire : par déchiffrement des microsignes et par résonance affective, Turner a choisi Kathy en l’entendant dans le magasin. Ainsi se vérifie une autre loi règlant les processus stochastiques – et expliquant que « la rareté » soit une note définitoire du hasard – : la secrète préparation qui transforme le possible en probable et l’inattendu en espéré. Certes, le par hasard est le par accident du par rencontre. Mais, comme toute rencontre adéquate à son essence, elle est secrètement préparée, à l’insu même de celui qui rencontre, par le désir qui est promesse de communion.

Pascal Ide

Joseph Turner (Robert Redford) travaille, avec le nom de code « Condor », pour une unité clandestine de la CIA qui s’affiche sous le nom : American Literature Historical Society. Cette unité est chargée de trouver des fuites dans les méthodes de l’Agence et éventuellement de nouvelles sources de renseignement d’origine source ouverte. Pour cela, une veille permanente de tous les écrits publiés à travers le monde est effectuée par Joseph et ses collègues, notamment Janice Chon (Tina Chen) à qui le lie une amitié particulière.

La veille du jour où le film commence, Turner adresse un rapport à sa direction dans lequel il mentionne un réseau d’espionnage clandestin, probablement externe à la CIA, mais en contact avec celle-ci. Le lendemain, une équipe de trois tueurs, commandée par un géant froidement déterminé, G. Joubert (Max von Sydow), arrive à l’agence et en élimine les sept membres. Sauf Turner qui, à cause de la pluie, est passé par derrière pour la pause déjeuner. Quand il revient, il trouve, atterré, tous ses collègues assassinés. S’engage alors une course contre la montre (d’où le titre) pour échapper aux tueurs. Dans sa course-fuite, Turner enlève Kathy Hale (Faye Dunaway), une femme vivant seule, photographe indépendante de profession, qui accepte de l’aider : une intrigue amoureuse entre les deux fugitifs se noue autour de l’enquête que mène Turner. Un des trois tueurs à gages, déguisé en postier, s’introduit dans le domicile de Kathy Hale pour l’assassiner, mais Turner réussit à le tuer.

Turner comprend vite que, pour échapper à la mort, il lui faut aussi comprendre qui a commis ces meurtres. Plusieurs indices le poussent à penser que des agents de la CIA sont à l’origine du drame. Il découvre que Leonard Atwood (Addison Powell), directeur adjoint des opérations de la CIA avait planifié, à l’insu de ses supérieurs, l’occupation militaire de puits de pétrole au Moyen-Orient à partir de ce réseau clandestin. Voilà pourquoi, suite à la découverte du Condor, il avait décider d’éliminer physiquement son unité. Face aux découvertes de Turner, la direction de la CIA décide alors d’éliminer Atwood pour effacer le scandale. Le film se termine sur un entretien entre Turner et J. Higgins (Cliff Robertson), son patron direct, qui lui explique le fonctionnement parfois extralégal de la CIA. Au terme du film, l’ancien agent de la CIA conduit alors Higgins devant le siège du New York Times et lui fait comprendre qu’il va dénoncer le scandale.

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