Les guetteurs

Si l’idée de The Watchers est astucieuse et plaisante (pour qui aime le genre), pourquoi ce goût d’inachevé en sortant du cinéma ?

1. L’amateur de film à mystère rentrera volontiers dans ce long-métrage qui convoque le symbole si riche de la forêt en toute son ambivalence. D’un côté, sa beauté abondante, vivante, apaisante, voire guérissante. De l’autre, sa taille démesurée, son ombre inquiétante, l’effacement de tout repère, terrestre et céleste, l’hébergement de créatures sinistres, l’enfouissement de secrets inavouables et le défoulement des pulsions enfouies mais non enfuies (« La colère fait surgir le pire en nous »).

Bien évidemment, le spectateur ne manquera pas de relever les continuités entre l’œuvre profuse du père (qui est d’ailleurs producteur) et le premier film de la fille : la narration linéaire ; le croisement des genres fantastique et horrifique ; la subcréation imaginative d’un monde qui se veut cohérent ; l’opposition entre un dedans claustrophobe et un dehors libérant, et donc une histoire de délivrance ; le resserrement de l’intrigue sur un mini-groupe de protagonistes ; le twist final (qui, ici, se démultiplie).

2. Mais, convoquer la figure tutélaire du père, c’est aussi se rappeler la grande irrégularité de ses inspirations et de ses réussites. Nous revenons donc à notre question : pourquoi avons-nous tant de facilité à entrer dans l’histoire et tant de difficulté à y demeurer ? La raison principale semble être la volonté de trop en dire et de trop en montrer. En effet, la fantasy se nourrit de mystère. Or, par nature, celui-ci se voile tant aux yeux qu’à l’intelligence, du moins en mode rationnel [1] – et cela vaut tant pour le bien que pour la violence. La leçon de Spielberg dans la scène initiale de Jaws (1975) ou de Jurassic Park I (1993) a été oubliée : le mal est d’autant plus angoissant qu’il demeure inapparent et donc que l’on n’en manifeste que les effets destructeurs. De même, le père oscille trop entre le fantastique et la science-fiction, ainsi que notre critique du film Old (M. Night Shyamalan, 2021) a tenté de le montrer. Or, le premier est à la seconde ce que l’imagination est à la raison. Voilà pourquoi nous retrouvons ce trop-plein d’explication final.

3. Demeure, soyons honnête, une touche personnelle et plus féminine : des personnages attachants, une héroïne orpheline et battante, une histoire de guérison-rédemption d’une vie tracassée et même fracassée, un regard excusant et même rédimant sur les méchants-méchantes du récit que sont les fées (ce qui équilibre l’exclusion du seul homme de la Coop…) et, surtout, ce beau message d’espérance sur l’être humain : s’il lui arrive de fauter par orgueil et jalousie, il est aussi « capable d’amour et de pardon ».

Pascal Ide

[1] Cf. Pascal Ide, Être et mystère. La philosophie de Hans Urs von Balthasar, coll. « Présences » n° 13, Namur, Culture et vérité, 1995, chap. 1.

Mina (Dakota Fanning) est une immigrante américaine travaillant dans une animalerie à Galway, en Irlande. Elle a du mal à accepter la mort de sa mère, qu’elle a provoquée par inadvertance quinze ans plus tôt, ce qui a conduit à sa séparation d’avec sa sœur jumelle Lucy (aussi interprétée par Dakota Fanning). Le patron de Mina lui demande de livrer un précieux perroquet, un conure doré, à un zoo près de Belfast. En route, sa voiture tombe en panne, la bloquant dans une forêt qui n’apparait sur aucune carte du monde. Perdue, elle nomme le perroquet Darwin. Elle suit une vieille femme, Madeline (Olwen Fouéré), jusqu’à un bâtiment aux allures de bunker, surnommé « La Coop » (« Le Poulailler »), et rencontre deux autres occupants, Ciara (Georgina Campbell) et Daniel (Oliver Finnegan).

Madeline explique que des entités mystérieuses appelées The watchers (« les observateurs », « les veilleurs » ou « les guetteurs ») observent le groupe à travers la fenêtre en miroir de la Coop chaque nuit. Madeline explique les règles à Mina : la nuit, les guetteurs tuent quiconque s’aventure à l’extérieur de la Coop ; le jour, personne ne doit entrer dans les Terriers, les tunnels souterrains où les guetteurs se retirent en raison de leur aversion pour la lumière du soleil.

Le groupe est bloqué dans la forêt depuis plusieurs mois sans rencontrer de guetteur. On apprend que John (Alistair Brammer), le mari de Ciara, a quitté la coopérative il y a quelques jours, mais n’est pas revenu. Un jour, Mina, aidé par Daniel, explore un terrier et déterre plusieurs objets comme un caméscope. Elle échappe de peu à un guetteur. Cette nuit-là, John apparaît à la Coop mais Madeline refuse de le laisser entrer. Lorsque « John » ne donne pas de signes prouvant son identité, il disparaît et les guetteurs tentent alors de briser le miroir. Mais Madeline renvoie les objets pour les apaiser.

À l’arrivée de l’hiver, une hostilité s’installe entre les membres du groupe jusqu’au moment où Daniel forcent Mina et Madeline à demeurer hors de la Coop pendant la nuit. Cherchant refuge dans la forêt, les femmes voient les guetteurs, qui sont des créatures humanoïdes cherchant à imiter les humains. En observant que Madeline et Mina sont absentes de la Coop, les guetteurs réagissent avec colère.

Madeline et Mina réussissent finalement à réintégrer le bunker. Madeline révèle alors que les guetteurs sont des fées métamorphes qui tentent d’apprendre à mieux imiter les humains.

La nuit suivante, les guetteurs attaquent la Coop. Mais le groupe réussit à s’échapper par une trappe cachée dans le sol qui mène à un bureau souterrain. Mina découvre les journaux vidéo du professeur Rory Kilmartin (John Lynch), le créateur de la Coop. Kilmartin était venu dans la forêt pour étudier les créatures, et en avait même capturé une et s’était lié avec elle. Lors de sa dernière venue, le professeur découragé explique comment s’échapper de la forêt et demande que ses recherches soient détruites ; la vidéo se termine en le montrant en train de remonter dans la Coop tuer le guetteur capturé et se suicider.

Le lendemain, le groupe suit les instructions du professeur et utilise Darwin pour les guider jusqu’à la rivière à l’orée de la forêt. En chemin, Madeline leur montre une borne de pierre, expliquant que, autrefois, les humains avaient fait la guerre aux fées, qu’ils les ont privées de leurs ailes, chassées sous terre et emprisonnées dans la forêt. En atteignant le bateau du professeur, un guetteur, imitant John, tue Daniel. De son côté, Mina se rend à l’université où enseignait le professeur pour détruire ses notes. Là, elle apprend que les humains et les fées vivaient autrefois en harmonie, certains s’accouplant même et produisant une progéniture hybride, les Halfelines, qui est capable de résister à la lumière du jour.

Mina rend visite à Ciara. Premier coup de théâtre : à partir des photographies trouvées chez John, elle lui révèle que Madeline était la guetteuse qu’il avait capturée et était devenue son épouse. Deuxième coup de théâtre : lorsque la vraie Ciara arrive à la maison, Mina comprend que Ciara se révèle être en fait une Madeline déguisée. Madeline change de forme, assomme Ciara et attaque Mina. Elle raconte qu’elle était une paria parmi les guetteurs en raison de sa capacité à vivre pendant la journée et qu’elle envisage de tuer et remplacer Mina. Troisième coup de théâtre : celle-ci apprend à Madeline qu’elle est une hybride, mi-fée, mi-humaine et qu’il peut y en avoir d’autres comme elle ; elle la persuade alors d’abandonner sa haine envers les hommes. Renonçant à ses desseis meurtriers, Madeline déploie ses ailes et s’envole. Plus tard, nous voyons Mina se réconcilier avec Lucy et Madeline, sous la forme d’une enfant humaine, veiller sur Mina.