Les Éternels

Le nouveau Marvel est encourageant, même s’il est aussi décevant.

C’est trop peu dire que nous attendions du vingt-sixième opus le renouvellement de l’univers cinématographique. Certes, il est le troisième de la phase IV, après le vraiment discutable Black Widow (Cate Shortland, 2021) et le vraiment honorable Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux (Destin Daniel Cretton, 2021). Toutefois, la création d’un univers digne des précédents volets n’intervient qu’avec la mythologie inédite élaborée par Eternals – et qu’une femme soit pour la première fois aux commandes d’une telle superproduction n’est sans doute pas étranger au climat inédit de cet épisode prometteur. Sans atteindre la profondeur éthique et, parfois, métaphysique, d’un Christopher Nolan, la vidéaste fait bouger les lignes et, plus encore, interroge les frontières : celles, éthiques, du bien et du mal, de la liberté responsable et de la victimisation déresponsabilisante ; celles, ontologiques, entre les individualités (l’Uni-Mind qui connecte tous les Éternels et permet par exemple à Druig d’endormir Tiamut), voire entre Dieu (ou plutôt ce dieu qu’est Arishem) et ses créatures. Derechef, lorgnant du côté de Thanos, le « méchant » adopte le discours du Titan fou justifiant de la manière apparemment la plus rigoureuse le mal qu’il va commettre (détruire la Terre), au nom du bien plus grand qu’il va créer (faire surgir de nouveaux mondes à la faveur de l’Émergence).

Rappelons d’un mot le discernement. Certes, il y a dilemme (en l’occurrence : entre deux biens ou entre un mal et un moindre mal) ; mais celui-ci ne fait sens que pour une morale utilitariste qui pèse et calcule les biens et donc les relativise. Mais le dilemme n’existe pas pour une morale déontologique pour qui existent des devoirs absolus (ici, ne jamais tuer, donc ne jamais sacrifier un innocent), ni pour une morale téléologique pour qui existent des biens absolus (ici, la vie d’un innocent, a fortiori, de toute l’humanité), donc des maux que l’on ne peut jamais commettre.

Pour autant les critiques n’ont pas manqué de souligner les multiples faiblesses, par exemple d’une musique peu inspirée ou d’un scénario, long, bavard, brouillon. Entre autres, celui-ci ne respecte pas assez le timing du parcours du héros (en l’occurrence, du super-héros), en s’étendant trop sur la quête du rassemblement de ces nouveaux Avengers que sont les Éternels : s’il est affectivement gratifiant, il est effectivement amortissant. J’ajouterais ce qui est pour moi une faiblesse d’importance. Bien évidemment, les affrontements sont graphiquement maîtrisées, scénaristiquement originales, esthétiquement spectaculaires. Mais, les limites des pouvoirs n’étant pas nommées, les règles des combats deviennent floues, les durées indéterminées et les victoires arbitraires.

L’option pour cette fantasy néopaïenne fait partie des conventions du genre et s’avère suffisamment malléable pour être remplie par diverses visions métaphysiques. Ma principale réserve est, comme toujours, éthique. Celle qui a reçu les Oscars du meilleur film et de la meilleure réalisatrice pour Nomadland (2020) fait, pour la première fois dans l’univers Marvel, un triple choix de poids que je récuse : voyeuriste (pour la première fois, nous voyons, certes discrètement, mais réellement, deux super-héros faire l’amour), gay (pour la première fois, nous voyons un super-héros homosexuel embrasser son compagnon en premier plan et élever avec lui un enfant) et autolytique (pour la première fois, nous voyons un super-héros, et non des moindres, Ikaris, se suicider. Qu’il s’effondre en larmes en refusant de tuer Circé, puis qu’il lui demande pardon sont assurément deux actes d’amour, mais ne fait assurément pas de son attentat contre sa propre vie un acte d’amour ; qu’il soit rongé par la culpabilité explique, voire excuse peut-être son acte, mais assurément ne le moralise pas).

Pascal Ide

Au commencement, après le Big Bang d’où sont sorties les Pierres d’Infinité, les Célestes naquirent et construisirent ensemble des systèmes solaires dont chaque planète contient une graine permettant de faire naître l’un d’entre eux à chaque fois que l’Émergence se produit. Ils créent différentes espèces mais une de leurs créations, les Déviants, échappent à leur contrôle et deviennent peu à peu des prédateurs (et l’ennemi le plus ancien de la race humaine). Pour protéger les autres espèces, un des Célestes appelé Arishem (David Kaye) créa un peuple unique de guerriers et guerrières dotés de capacités puissantes et chargés de les éradiquer, les Éternels. Une fois la mission terminée, leurs souvenirs sont effacés et stockés pour en créer de nouveaux à chaque nouvelle mission.

En 5 000 avant J.C., en Mésopotamie, dix Éternels – Ajak (Salma Hayek), Ikaris (Richard Madden), Circé ou Serci en anglais (Gemma Chan), Makkari (Lauren Ridloff), Druig (Barry Keoghan), Kingo (Kumail Nanjiani), Phastos (Brian Tyree Henry), Thena (Angelina Jolie), Sprite (Lia McHugh) et Gilgamesh (Don Lee) – arrivent sur Terre à bord de leur vaisseau spatial, le Domo, afin de protéger les hommes des Déviants. Une fois ceux-ci exterminés et donc leur mission accomplie, les extraterrestres créent Babylone, deviennent les protecteurs des hommes et continuent à vivre cachés parmi les hommes, sans toutefois intervenir dans leurs conflits entre eux ou, par exemple, avec Thanos.

Divers événements vont toutefois venir troubler la vie et la mission des Éternels. Ikaris tombe amoureux de Circé et ils se marient un siècle plus tard. De même, Druig et Makkari, Gilgamesh et Thena éprouvent des sentiments l’un pour l’autre. Au xv^e siècle, Babylone chute et Thena souffre d’un trouble psychologique la poussant à attaquer ces compagnons. De son côté, en désaccord avec leur manière violente de résoudre les conflits, Druig quitte les Éternels et devient chef d’une communauté non violente. Responsable de la mission, Ajak propose aux autres de se séparer eux aussi et de vivre leurs vies. Enfin, pour une raison mystérieuse, Ikaris quitte Circé peu de temps après.

De nos jours, Circé et Sprite vivent ensemble à Londres. Circé a maintenant une relation avec Dane Whitman (Kit Harington), qui travaille au Natural History Museum comme elle. Lorsque le trio est attaqué par le Deviant Kro (voix : Bill Skarsgård), Ikaris apparaît et chasse la créature. Réalisant que les Déviants sont de retour, Circé révèle son identité à Dane et le quitte, afin de réunir les autres Éternels restants. Ils se rendent dans le Dakota du Sud pour découvrir que leur chef, Ajak, a été tué par Kro avant qu’il ne se rende à Londres, obtenant ainsi ses pouvoirs de guérison. Alors qu’ils se recueillent, Circé reçoit la sphère privée d’Ajak qui permet de communiquer avec Arishem, qui révèle que la mission des Éternels n’était pas de combattre les Déviants mais de préparer la Terre à l’« Émergence ». En effet, après les événements d’Avengers: Endgame, les Avengers ont réuni les six Pierres d’Infinité et, d’un claquement de doigts, ont fait revenir sur Terre la moitié de la population de l’Univers ; or, cette action a dégagé une telle énergie que l’« Émergence » a débuté. Arishem explique alors que les Célestes ont envoyé les Déviants pour détruire les prédateurs au sommet de la planète pour assurer le développement de la vie, mais les Déviants ont évolué et chassé les populations de la planète, ce qui a entraîné l’envoi des Éternels pour les abattre. Il révèle aussi que la Terre a atteint la population nécessaire à la naissance de Tiamut, un autre Céleste, aussi nommé le Céleste Rêveur ou, ce qui est bien moins sympathique, le Grand Renégat ou l’Apostat. Cette naissance entraînera donc la destruction de toute la Terre avec lui.

Ayant appris à aimer l’humanité, les Éternels se rassemblent et décident alors d’empêcher l’Émergence, donc de s’opposer au plan d’Arishem. Mais, si dispersés et surtout si divers, réussiront-ils à se rassembler à temps pour s’opposer à une telle menace ? De plus, comment lutter contre une entité aussi puissante qu’un Céleste, Tiamut ? Surtout, Ikaris aaurait-il quitté Circé dont il est amoureux pour une raison qui pourrait mettre en péril l’unité de l’équipe et donc l’avenir de la planète Terre ?