Les animaux fantastiques, les crimes de Grindelwald
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Pays:
Britannique, Américain
Thème (s):
Bien, Mal
Date de sortie:
14 novembre 2018
Durée:
2 heures 15 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
David Yates
Acteurs:
Eddie Redmayne, Katherine Waterston, Dan Fogler
Age minimum:
Adolescents et adultes

Les Animaux fantastiques 2. Les Crimes de Grindelwald (Fantastic Beasts: The Crimes of Grindelwald), fantastique américano-britannique de David Yates, sur un scénario de Joan K. Rowling, 2018. C’est le deuxième des cinq opus de la série Les Animaux fantastiques qui constitue une « extension du monde des sorciers », se focalise sur plusieurs personnages présents dans la saga Harry Potter et débute soixante-cinq ans avant celle-ci. Avec Johnny Depp, Eddie Redmayne, Katherine Waterston, Zoë Kravitz, Jude Law.

Thèmes

Bien, mal.

Si l’intrigue de ce deuxième volet de la série Les Animaux fantastiques – qui est le dixième de la franchise du monde des sorciers (dont le scénario est de Joan K. Rowling) – s’est grandement améliorée, elle demeure encore très imparfaite, de sorte que l’intérêt réside principalement dans la profondeur indéniable des personnages.

 

Le scénario du premier des cinq volets annoncés des Animaux fantastiques (même réalisateur, 2016) était décevant. Nous nous en sommes expliqués dans le compte-rendu auquel nous renvoyons. Avouons-le, l’enjeu principal est toujours indécis au terme du deuxième volet de la franchise. Ou plutôt, il demeure indécis : concerne-t-il l’action (la victoire contre le mal incarné par Grindelwald) ou l’identité des protagonistes ?

Demeure une galerie psycho-éthique passionnante où toute la finesse, disons plus, la profondeur humaine, voire chrétienne de Rowling fait… merveille.

Plus, beaucoup plus, que le taciturne et si peu humanoïde Voldemort, Grindelwald constitue un personnage aussi fascinant qu’inquiétant. Non seulement il est narcissiquement ombiliqué sur lui-même (ses seules relations à autrui sont manipulatrices et utilitaires) et monstrueusement indifférent à autrui (sans nul état d’âme, il commande l’assassinat du petit enfant), mais il est assurément pervers : lors de sa libération initiale, il jouit de la terreur de Rudolph Spielman, qu’il ne sauve d’une mort assurée qu’à l’ultime minute. Double comme son iris, cet être hypocrite exerce sa violence tyrannique sous la pire forme : celle de la séduction, du mensonge et de la flatterie. Même le stupéfiant aveu final qui ferait de Credence un autre frère d’Albus, un certain Aurelius Dumbledore, n’est peut-être qu’une nouvelle et suprême pseudo-révélation. Les réseaux sociaux multiplient les hypothèses et les débats.

Rowling forge ainsi l’un des personnages les plus démoniaques de l’histoire du cinéma. Certes par sa puissance. Dans la scène au cimetière du Père-Lachaise, qui se déroule en 1927, Grindelwald dévoile la seconde Guerre mondiale, déployant un pouvoir proprement divin de prescience. Mais plus encore par son dessein proprement satanique. Comme il l’avoue à Confiance, Grindelwald ne souhaite pas asservir, mais bien au contraire, être servi par des sujets libres. Double est donc son action : suffisamment convaincante pour laisser l’autre autonome, mais suffisamment séduisante pour le conduire jusqu’à sa propre vénération. Tel n’est-il pas l’unique objectif de l’Adversaire : que l’homme chute librement dans un péché mortel, l’y confirmer habituellement, jusqu’à le désespérer de tout salut, et enfin, l’inviter à l’adorer comme le véritable prince de ce monde ?

 

Autant Grindelwald est autocentré, autant Leta Lestrange est décentrée d’elle-même. Son sacrifice est un modèle du genre, aussi courageux (elle s’affronte au grand mage noir alors qu’il est armé de la redoutable baguette de Sureau) que généreux (elle risque sa vie et, de fait, la perd), aussi prudent (non seulement elle fait diversion, mais son deuxième sort brise le crâne que Gellert Grindelwald utilise pour lire dans l’avenir) qu’efficace (son maléfice parvient aussi à toucher la sorcière française Vinda Rosier), aussi intelligent (elle feint de rejoindre Grindelwald qui y croit) qu’aimant (elle transmet un ultime « Je vous aime » aux deux frères Dragonneau, son vieil ami Newt et son fiancé Theseus, avant d’être calcinée par le feu magique). Le don d’elle-même est d’autant plus admirable que son histoire est traumatique. Son offrande est l’attestation d’une résilience : mille conditionnements ne font pas un déterminisme ; l’un peut engendrer le différent. Décidément, Rowling est une grande narratrice parce qu’elle est une grande éthicienne : elle a sondé le cœur de l’homme, en ses ombres et en ses lumières. Certes, chez la romancière britannique, les premières semblent souvent l’emporter, mais, quel que soit le prix à payer, et celui-ci prend toujours la forme d’un sacrifice, le pessimisme n’a jamais le dernier mot. Comment, de ce point de vue, ne pas se réjouir de la belle scène de pardon ?

 

Entre ces deux extrêmes, s’étal(onn)ent les différents personnages, riches de leur complexité, et donc de leur capacité évolutive. Tel est par exemple le cas du Gollum-Smeagol de l’univers Animaux fantastiques qu’est Croyance ou, au féminin, de la légilimancienne Queenie qui a rejoint le camp de Grindelwald. Attardons-nous sur le seul personnage de Norbert. Au point de départ, le zoosorcier ne choisit pas son camp. Certes, il agit par rectitude de conscience, se refusant à la logique machiavélique (la fin justifie les moyens) qui préside aux choix violents du ministère de la Magie britannique. Mais derrière cet idéalisme qui l’honore se cache aussi un individualisme défensif qui lui fait fuir le monde des humains et, avec autrui, sa mission. Aussi, au terme, sa dernière parole traduit-elle un saut… fantastique. En avouant avec élan à Thésée : « Je choisis mon camp », Norbert s’arrache à sa neutralité confortable. Il quitte le ciel platonicien des Idées-idéaux pour venir habiter la terre aristotélicienne des engagements prudents.

 

Osons enfin poser la question qui dérange. Rowling déploie avec la rigueur et la maîtrise qui la caractérisent une intrigue complexe à multiples rebondissements dans le prolongement (ici inversé, puisqu’il s’agit de préquelle) de Harry Potter. Mais où est la (sub)créatrice d’univers ? Passons la promesse, faite il y a vingt ans, de ne rien rajouter à la saga. Mais autant le septénaire Harry Potter (salué par ses plus de 450 millions d’exemplaires vendus dans le monde, traduits en soixante-dix-neuf langues dans deux cents pays !) a inventé un nouveau sous-genre dans le genre fantastique, le récit d’apprentissage du sorcier, autant la franchise Animaux fantastiques semble se contenter d’être une très honnête histoire fantastique.

Faut-il donc croire que le (sub)créateur ne (sub)crée jamais qu’un seul univers qu’il peut, certes, enrichir, mais non pas oublier, quand bien même il se transporterait dans un autre monde ? Faudrait-il aussi penser que cette puissance merveilleuse du merveilleux qu’est l’imaginal s’enracine si profondément dans le cœur (à l’instar de la mémoire) que ses plus fécondes inventions sont aussi une que le cœur est un ? L’œuvre des quatre (peut-être) plus grands romanciers du xxe siècle, le français Proust, l’irlandais Joyce, l’autrichien Musil et l’anglais (déjà cité plusieurs fois) Tolkien semble l’attester. À l’anthropologie de le montrer…

Pascal Ide

Au terme du premier opus, en 1927, Gellert Grindelwald (Johnny Depp) est enfermé au MACUSA. Au début du suivant, six mois plus tard, il s’apprête à être transféré sous haute surveillance vers l’Europe. Une escouade d’Aurors ainsi que Rudolph Spielman (Wolf Roth), haut placé au ministère de la Magie britannique, sont mobilisés pour le voyage. Mais Grindelwald a réussi à séduire Abernathy (Kevin Guthrie) pour qu’il rejoigne ses rangs au cours de son isolement. Libéré, Grindelwald neutralise tous les sorciers présents et disparait en ne laissant la vie sauve qu’à Abernathy et Spielman.

Trois mois plus tard, Newt Scamander, Norbert Dragonneau en français (Eddie Redmayne), passe un entretien au ministère britannique notamment devant Spielman, dans le but de retrouver son permis de voyager, perdu après avoir « détruit » New York. Son frère Thésée (Callum Turner), fiancé à Leta Lestrange (Zoë Kravitz), participe à la réunion. Norbert se voit alors proposer un marché : retrouver Croyance Bellebosse (Ezra Miller), l’obscurial qui a survécu a l’attaque des Aurors, en échange de ses titres de transport. Norbert refuse et quitte le bureau en apprenant que Grimmson (Ingvar E. Sigurðsson), un chasseur de bêtes, est engagé à sa place pour ce travail. En retournant chez lui, il est intercepté par Albus Dumbledore (Jude Law), qui le remercie d’avoir ramené l’oiseau-tonnerre aux États-Unis pour lui et l’informe de la présence de Croyance à Paris, en espérant que Norbert le retrouve avant Grindelwald. Il lui donne une carte d’un lieu sûr dans la capitale, avant de transplaner.

Une fois rentré chez lui, Norbert a la surprise d’y retrouver son ami Jacob Kowalski (Dan Fogler) et Queenie Goldstein (Alison Sudol) qui est amoureuse de Jacob. Il apprend que Tina (Katherine Waterston), la sœur de Queenie dont lui, Norbert, est amoureux, fréquente un Auror, après avoir eu le cœur brisé suite à un article mensonger faisant état du mariage prochain de Norbert avec Leta Lestrange. Norbert comprend aussi que Queenie a envoûté Jacob afin qu’ils puissent se marier à Londres. La raison en est que les Non-Majs et les sorciers ne pouvant se cotoyer en Amérique. Une fois le sort levé, Jacob tente de lui faire entendre raison, en sachant que leur vie est à New York et que Queenie serait enfermée si leur relation s’apprenait. Queenie, désespérée, s’emporte et quitte Londres pour retrouver Tina, de séjour à Paris. Norbert, contrarié, décide lui aussi de rejoindre Tina et en profite pour tenter de retrouver Croyance.

Mais, peut-être plus encore que la question de son détournement de Grindelwald, se pose la question de son identité. En effet, le premier film a révélé que la violente, voire perverse, Mary Lou Barebone n’est pas sa mère biologique. Croyance serait-il le demi-frère perdu de Leta et le fils de Corvus Lestrange Senior, c’est-à-dire Corvus Lestrange Junior, ainsi que le pensent Albus Dumbledore, ainsi que Yusuf Kama, un autre demi-frère de Leta mais du côté de leur mère (Laurena Kama) ?

Voire, l’interrogation la plus fondamentale ne porte-t-elle pas sur le comportement étrange de Dumbledore ? Pourquoi demande-t-il à Norbert de trouver Croyance au lieu d’accomplir lui-même une mission pour laquelle il est bien mieux préparé, et surtout pourquoi n’affronte-t-il pas celui qui est à l’origine même de tout le mal, Gellert Grindelwald ?

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