Le patient anglais

La littérature occidentale depuis cinq siècles présente une constante troublante : de Tristan et Iseult à Belle du Seigneur, tous les romans d’amour sont aussi des romans de mort.

Les films actuels ne dérogent pas à la règle. Tel est le cas de Le patient anglais : le cœur, cet « organe de feu », comme le dit Katharine, soit se consume dans les flammes de l’avion, soit se glace dans une grotte sans lumière ni chaleur.

Plus encore, cette connexion entre amour et mort est mis au goût du jour. (Attention, je dévoile la fin). Je veux parler de l’acte d’euthanasie commis par Juliette Binoche en toute fin. Il n’est pas seulement irrecevable au plan éthique, il est psychologiquement incohérent : Hana est une femme pleine d’amour, toute donnée à ses malades, « un cœur d’or », dit son amie tragiquement décédée. De plus, dans sa rencontre avec le Sikh, elle vient de se réconcilier avec la vie. Elle s’est rendu compte que tous ceux qui l’aiment ne sont pas fatalement voués à la mort violente. Comment pourrait-elle donc la donner ?

Mais revenons à notre question : la seule éternité dont puisse rêver l’amour est-elle celle de la mort ?

Au fait, de quel amour parle-t-on ? De l’amour-fou, de la passion. Cet amour déchire, divise, au lieu d’apaiser : « Quand est-ce que tu as été le plus heureux, demande Laszlo Almasy ? – Maintenant. – Quand est-ce que tu as été le plus malheureux ? – Maintenant. » Plus encore, la passion est un amour narcissique. Le comte d’Almasy apparaît comme un indépendant égoïste qui aime conquérir, mais pas se lier. Jusqu’au jour où il se fait piéger et perd son autonomie chérie. Va-t-il découvrir le vrai don ? Non pas. Une allégorie éloquente le suggère. Ce savant géographe est un fou de désert ; et, au fond, ce qu’il aime, chez Katharine, c’est sa passion, le désert. N’est-ce pas le « détroit d’Almasy » (la fourchette sternale !) qu’il préfère dans le corps de sa bien-aimée ? Or, ce détroit rappelle étrangement les ombres et les reliefs du sable du désert. Le générique le suggère admirablement.

L’amour-passion ne conduit donc à la mort que parce qu’il est amour de soi. En revanche, l’amour de don conduit à la vie et à la vie éternelle : « la charité demeure », dit saint Paul.

Pascal Ide

En 1945, quatre personnes dechirées par la guerre se réfugient dans un monastère abandonné de Toscane pour se guérir de leurs maux. Peu à peu le passé va resurgir et la présence d’un homme mystérieux et méconnaissable, le patient anglais, va bouleverser le destin de ceux qui croisent son chemin.