Le Complexe du castor (The Beaver), drame américain de Jodie Foster, 2011. Avec Mel Gibson, Jodie Foster, Jennifer Lawrence.
Thèmes
Guérison, maladie psychique.
Dans son troisième film, l’actrice et réalisatrice américaine s’affronte à la maladie psychologique la plus répandue sur la planète et l’une des plus dévastatrices pour celui qui la subit et son entourage : la dépression.
De prime abord, Jodie Foster est si pessimiste qu’elle ne propose que deux solutions : la pendaison ou l’amputation. En effet, Walter traite son mal en se dédoublant, et ainsi en croyant l’exorciser. Mais il n’a fait que déplacer le symptôme, voire, en l’hypostasiant, il le pérennise. De même, son fils aîné Porter qui subit de plein fouet la souffrance du père sans recevoir la compassion qu’il est en droit d’attendre de sa mère, ne semble avoir d’autre issue que de subir sa souffrance psychique et de la métaboliser en souffrance physique. Enfin, si Meredith est assurément héroïque dans sa persévérance, elle a tort en sa motivation : rêvant nostalgiquement du passé, croyant que le vrai Walter est celui qu’elle a épousé, elle nie donc le présent, c’est-à-dire la trouvaille curative de son époux et s’empêche, autant qu’elle l’empêche (et s’empêche) de trouver une issue nouvelle dans l’avenir. Son déni pugnace la conduira d’ailleurs au contraire même de ce qu’elle veut, la séparation.
Heureusement, une troisième voie s’ouvrira pour Walter. Elle s’incarne dans l’heureux échange final : le dialogue rétabli qui dénonce les deux voies mortifères de la fusion et de la fission (« J’ai alors voulu »), pour s’achever dans une communion au-delà des mots (belle embrassade doublement émue du père et du fils).
Pour l’aîné, la solution sera symbolisée par une ouverture inattendue : à force de se cogner la tête contre la paroi de sa chambre, ce n’est pas son chef qui a cédé, mais le mur lui-même, ménageant une issue métaphorique hors de la prison familiale. Celui qui ne vivait que par et pour les autres en se fuyant lui-même, ne va pas seulement se trouver, mais focaliser sa belle énergie altruiste sur Norah (Jennifer Lawrence). Par synchronisation autant que par effet systémique, il permettra à son amie, non sans sa propre persévérance compatissante et bientôt amoureuse, d’accéder, au-delà de la créativité artistique, à la vérité éthique de sa personne.
Par un autre retentissement systémique, Meredith bénéficiera de cette métamorphose ; celle qui attaquait de plein fouet ce qu’elle estime être une imposture, la pensée positive, découvrira la vérité de cette phrase qu’elle refusait pourtant de toutes ses forces : « Tout va s’arranger ». Et derrière cette vérité, celle qui la fonde et l’éclaire : « L’amour espère tout ».
Pascal Ide
La vie de Walter Black (Mel Gibson) n’est plus ce qu’elle était. Directeur d’une société de jouets florissante, Jerry Co, il est riche et heureux en amour, entre sa femme, Meredith (Jodie Foster), et ses deux fils, Porter (Anton Yelchin) et Henry (Riley Thomas Stewart). Mais la quarantaine passée, il sombre dans une profonde dépression. Les comptes de son entreprise s’effondrent et sa femme n’en peut plus de son aboulie, si bien qu’elle finit par le chasser du domicile pour le bien de leurs enfants, surtout de son cadet Henry qui sert de souffre-douleur aux enfants de son école.
Walter s’installe alors dans un hôtel. Un soir, après une nouvelle tentative de suicide ratée, il trouve dans une poubelle une marionnette de castor. Celle-ci va devenir son sauveur et l’empêcher d’en arriver à mettre un terme à sa vie devenue si miséreuse… Il utilise cette marionnette enfilée en permanence sur sa main gauche comme une personnalité à part entière qui l’a « délivré » de son mal de vivre ; extériorisant toute la détresse qu’il a en lui, toutes les choses qu’il n’ose pas dire à son entourage (famille, collègues), il convainc tout le monde qu’il participe à une expérience thérapeutique. La marionnette devient alors sa « nouvelle personnalité », un nouveau Walter, plus positif et sûr de lui.
Rapidement, il reprend le contrôle de sa vie, retrouve sa famille et invente une boîte à outils « Mr. Bûcheron le Castor » qui sauve son entreprise de la faillite. Mais Meredith lui fait comprendre qu’il ne peut plus vivre sans vivre la « vie de son castor », créature manipulatrice dont l’omniprésence et le bagout remettent en question son bien-être familial et social. Comment mettre fin à ce trouble dissociatif de l’identité ? Sans le castor, Walter s’affaisse. Avec le castor, il s’efface.
La solution sera efficace, mais radicale…