Le chant du loup
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Pays:
Français
Thème (s):
Courage, Justice, Prudence, Tempérance, Vertu
Date de sortie:
20 février 2019
Durée:
1 heures 55 minutes
Évaluation:
****
Directeur:
Antonin Baudry
Acteurs:
François Civil, Omar Sy, Reda Kateb
Age minimum:
Adolescents et adultes

 

 

Le chant du loup, drame français écrit et réalisé par Antonin Baudry, 2019. Avec François Civil, Omar Sy, Reda Kateb, Mathieu Kassovitz.

Thèmes

Vertus cardinales, prudence, justice, courage, tempérance.

Le chant du loup n’est pas qu’un excellent film d’action, c’est un film sur l’excellence des hommes d’action.

 

D’emblée, le spectateur est plongé – plus, immergé – en pleine action, et celle-ci ira se renouvelant, toujours inattendue, jusqu’au terme où le suspense est d’autant plus grand que le film se refuse au happy end et n’hésite pas à sacrifier des héros parce que ceux-ci se sacrifient.

Le scénario géopolitique, lui aussi inédit, est d’autant plus crédible que son auteur, réalisateur et scénariste (déjà connu et reconnu pour sa bande dessinée Quai d’Orsay), est un ancien ambassadeur, croisant un plan machiavélique en deux temps (expliquant ainsi pourquoi, dans la première partie, le Timour III n’a pas agressé le Titane) avec une défaillance au plus haut niveau (les États-Unis ont oublié d’alerter les Français sur l’existence de ce sous-marin).

Certes, autant la vie à bord est remarquablement montrée, réussissant à conserver un langage technique sans que l’intrigue devienne absconse, autant le tempo précipité de l’histoire paraît peu crédible (comment l’amiral peut-il rejoindre aussi vite le Titane, puis D’Orsi enfiler une tenue de plongée, alors que les minutes avant le lancement de l’ogive nucléaire sont comptées ?). Mais on saluera la rigueur de la structure cadencée en trois moments (intervention-menace-interception ; mer-terre-mer, action-repos-action). Elle permet, très sobrement, mais très efficacement, d’entrer dans le rythme de vie des protagonistes : étroitement solidaires dans l’océan, profondément solitaires à terre ; fraternel (« Ce sont nos frères ») et confiant (« Je te fais confiance ») en sous-marin (sans pour autant effacer la hiérarchie), très vertical et défiant à l’Île Longue.

On saluera aussi l’introduction originale de la figure si attachante de l’oreille d’or. Alors qu’on s’imaginait un triel entre ces figures confirmées du cinéma français que sont Sy, Kateb (même si, pour ces deux acteurs, le casting laisse perplexe) et Kassovitz, le jeune surdoué de l’oreille, cet artiste qui va jusqu’à poétiser les noms des signatures déchiffrées, introduit par sa vulnérabilité un anima bienvenu dans ce monde si viril des responsables de haut niveau au puissant animus. Toute sa vie professionnelle structurée par ce don d’exception est symboliquement mise en résonance (!) avec sa vie intime : Chanteraide écoute le cœur de sa bien-aimée ou l’entend venir sur la pointe des pieds, comme il ausculte le fond des océans et déchiffre, à côté d’un sous-marin de combat, la présence de cinq dauphins, avec leurs deux petits.

 

À cette surface narrative si superbement menée, le réalisateur a su donner une profondeur bienvenue, celle de vies humaines qui vont s’avérer être héroïques. De même que le film ne cesse d’opposer l’étendue lumineuse des océans ensoleillés (première et dernière images) à leur profondeur secrètement habitée, de même il double la surface sobre de ces hommes d’action à l’épaisseur des vertus qui les animent. Précisément les quatre vertus cardinales dont le film montre non seulement des exemples, mais des illustrations exemplaires. Ajoutons d’emblée que les quatre vertus de ces quatre hommes sont d’autant plus édifiantes que l’armée n’est pas idéalisée : elles sont clairement mises en contraste avec le mépris excluant du commandant de l’Île Longue et la psychorigidité du second de l’Effroyable.

 

  1. La prudence est la vertu du chef qui prend l’initiative et gouverne les hommes en fonction de leur capacité. Par exemple, Grandchamp n’impose aux autres une discipline de fer que parce que, lui-même, s’expose en première ligne, au point que D’Orsi le saluera du titre enviable de « meilleur commandant de France ». Il n’hésite pas à faire épikie (cette vertu annexe à la prudence qui consiste à respecter l’esprit d’une loi en en transgressant la lettre) en demandant au marin qui l’accompagne sur la tourelle de tirer sur son lance-roquette, afin de faire sauter la sécurité. Le même commandant, silencieusement assis derrière les différents marins, sait jauger les hommes au-delà des apparences et les encourager à bon escient (« Je te fais confiance »).

Mais cette prudence s’étend aussi aux simples marins qui assument leurs responsabilités. C’est ainsi que Chanteraide perdra le sommeil non pas seulement d’avoir fauté, mais de ne pas avoir compris la cause de son erreur, et ne lâchera pas avant d’avoir résolu l’énigme. Ici encore, il fera preuve d’épikie, en s’introduisant sans autorisation dans la salle des archives de l’Île Longue pour démasquer le sous-marin prétendument démantelé.

  1. Comme vertu proprement dite, la justice se manifeste dans l’obéissance inconditionnelle aux lois que l’amiral à instaurées pour la meilleure protection des pays. Même si la complexité des situations conduit inéluctablement à des conflits de devoir (ce que suggère la parole de consolation de Grandchamp à Chanteraide : « Nous sommes un rouage dans une machine complexe »), la nécessité des règles et des procédures ne se trouve en rien disqualifiée. Peut-être, toutefois, le film n’a-t-il pas assez souligné ce point et, par nécessité de dramatisation, joue-t-il un peu trop facilement du conflit entre méchants rigoristes et héroïques flexibles.

Comme partie potentielle de la justice, elle prend la figure du patriotisme, par laquelle nous rendons à notre pays un peu de ce qu’il nous a donné. En effet, Grandchamp renonce sans hésiter à un repos bien mérité au nom des besoins urgents autant qu’importants de son pays. Surtout, les quatre héros deviendront les hérauts d’un admirable sens de l’humanité, en sacrifiant leur bien propre à un bien commun progressivement élargi : ils passeront du bien fraternel de la solidarité entre occupants d’un même sous-marin, au bien commun de la défense nationale et enfin au bien mondial de la paix menacée autant par le terrorisme que par une bien remuante Russie.

  1. Comme dans tout film d’action, la force est à ce point honorée que l’amiral résume les vertus exercées par le commandant et le second du Titane sous son seul chef. Le courage est ici poussé jusqu’à l’extrême qu’est le sacrifice de soi. Et l’amiral ne commande avec tant d’exigence aux autres (« Où sont vos insignes ? ») que parce que lui-même, le temps venu, sait faire passer ces autres, en l’occurrence, Chanteraide, devant lui, et donc faire don de sa propre vie.

Pour ne pas toujours briller à sa plus haute intensité, la fortitude n’en est pas moins exercée à chaque instant. Par exemple, Chanteraide tient, concentré, sous la formidable pression de ses supérieurs qui posent des questions binaires (« Sous-marin ou non ? » « Biologique ou non ? »), alors qu’il est confronté à la complexité inouïe des signatures sonores. Ne devrait-on d’ailleurs pas s’étonner que l’on appelle « erreur », l’option par défaut du cachalot malade, ce qui n’était au fond que la très légitime suspension du jugement face à l’impossible détermination (les sous-marins à quatre pales ont tous été déclassés) ?

  1. Enfin, comment ne pas se réjouir de la présence, imprévisible, de cette vertu si décriée qu’est la tempérance ? Certes, pas dans les mœurs de l’Oreille d’or. Le film sacrifie avec complaisance à ces passages immédiats à l’acte qui, même si la fidélité jusqu’au mariage est heureusement suggérée, ne favorisent guère la chasteté. Mais comment ne pas se féliciter de la discrète, mais très ferme, condamnation de ce qui est partout ailleurs banalisé : l’usage du canabis (ici sous la forme du « joint après l’amour ») – d’autant que le nouveau commandant de l’Effroyable assortit la condamnation (d’autant plus coûteuse qu’elle le prive d’un élément qu’il avait expressément voulu) de l’énoncé d’une loi tolérance zéro à l’égard de ce type de faiblesse : « Je dois pouvoir compter sur chacun à 100 %. Je ne reviendrai pas là-dessus ».

 

Nous avons honoré du très rare quatre étoiles pour applaudir ce premier film, très prometteur, qui a su doubler une palpitante aventure extérieure d’une profonde aventure intérieure. Le film s’ouvre sur la citation suivante attribuée à Aristote ou Platon (sans nulle référence…) : « Il y a trois sortes d’hommes : les vivants, les morts, et ceux qui vont sur la mer ». Autrement dit, ceux qui, sans cesse, risquant leur existence, sont entre vie et mort. Faudrait-il ajouter ceux qui, allant sous la mer, meurent pour que les autres vivent ?

Pascal Ide

Un sous-marin nucléaire d’attaque des Forces sous-marines françaises, le Titane, piloté par le commandant Grandchamp (Reda Kateb) et secondé par D’Orsi (Omar Sy), est en mission sur les côtes syriennes pour récupérer un commando. Alors qu’une frégate iranienne se met à leur chasse, Chanteraide alias « Chaussette » alias « Oreille d’or » (François Civil), l’expert en guerre acoustique du sous-marin, repère un son douteux sans parvenir à l’identifier exactement. Il croit reconnaître un sous-marin russe à quatre pales, mais il est mis en doute par le fait qu’aucun sous-marin en activité ne répond à cette description. Dans le doute, il classifie le son comme étant un cachalot malade. Malheureusement, quelques minutes plus tard, le Titane est repéré par un engin sous-marin et parvient in extremis à récupérer le commando et à s’enfuir.

L’erreur est d’autant plus gravement ressentie que Moscou vient d’envahir le sud de la Finlande et que le monde est en proie à de grandes dissensions. Une fois rentré à la base de l’Île Longue, Chanteraide n’est pas convaincu par l’expertise du son qu’il a entendu, et évoque la possibilité d’un modèle déclassifié. Mais cette hypothèse est rejetée par le commandant de la base qui le suspend de ses fonctions d’oreille d’or suite à cette classification fausse. Chanteraide ne lâche pas : devinant le mot de passe de l’ordinateur de son supérieur grâce au bruit des touches, il s’introduit dans les données de l’armée et retrouve l’expertise concluant à un drone, avec le son qui a été analysé par transformée de Fourier (fonction mathématique qui permet le traitement des fonctions non périodiques, ici les signaux électroniques). En se rendant à la bibliothèque pour se renseigner sur cette fonction mathématique, il y rencontre une allemande, Diane (Paula Beer), qui lui annonce que le livre qu’il recherche n’est pas présent malgré le fait qu’il soit dans la base de données. En même temps, les deux jeunes gens éprouvent aussitôt une très forte attirance mutuelle.

Le lendemain, Chanteraide repense à la base de données évoquée par Diane et émet l’hypothèse que le sous-marin entendu et déclassifié, n’est plus dans les bases de données informatisées de l’armée française, mais est toujours présent dans les archives papier. Il s’introduit illégalement dans la salle des archives de l’Île Longue et retrouve le sous-marin russe à quatre pales qui correspond parfaitement à ce qu’il a entendu et a prétendument été démantelé : le Timour III. Surpris par le commandant de la base, il est mis aux arrêts. Chanteraide lui explique alors sa théorie. Après avoir tout vérifié, le commandant se laisse convaincre, lui annonce que sa condamnation est levée et qu’il doit rejoindre l’équipe de l’Effroyable, dernier SMLE (sous-marin lanceur d’engins) de l’armée française, à la condition de passer un test auditif et une visite médicale. Il réussit haut la main, en présence de l’amiral anonyme (Matthieu Kassovitz) qui commande les forces sous-marines et la force océanique stratégique (l’acronyme est ALFOST). Mais, nouveau coup de théâtre, le jour de l’embarquement dans l’Effroyable, son nouveau commandant, Grandchamp, lui annonce qu’il ne peut pas l’intégrer du fait de la présence de cannabis trouvé dans ses urines, à la suite d’un joint fumé avec Diane.

Or, toujours le même jour, une alerte est déclenchée : un tir nucléaire provenant de la mer de Bergin a été détecté. Ayant réussi à s’introduire dans le bunker de commandement, Chanteraide se retrouve au courant des actes de guerre par Le Timour III, vendu par les russes à des terroristes pour 120 millions d’euros, a effectivement mis la main sur un missile nucléaire russe R-30 et l’a dirigé vers la France, ce qui amène le Président de la République française à faire un tir de riposte. Il transmet alors les codes de lancement nucléaire à l’Effroyable sur le point de se « diluer » dans l’océan Atlantique, c’est-à-dire devenir indétectable. Mais Chanteraide, en écoutant le tir du missile, a détecté un souci au lancement, qui suggère que le missile serait plus léger que prévu et n’aurait donc aucune charge nucléaire. La tentative d’interception du missile tiré par le Timour III ayant été un échec, il s’écrase dans la forêt de Compiègne, sans faire de victime, et ne contenant, de fait, aucune charge.

La situation paraît inextricable. En effet, toute l’efficacité de la dissuasion française dépend de ce principe : une fois lancé, un ordre de frappe nucléaire est irrévocable et donc ne peut plus être arrêté. Or, il ne peut que conduire à une riposte de la Russie et donc à une escalade, ouvrant à une troisième guerre mondiale – ce qui était l’intention des terroristes. Comment sortir de cet effroyable engrenage ?

 

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