Le bonheur est dans le pré, comédie d’ Étienne Chatiliez, 1995. Avec Michel Serrault, Eddy Mitchell, Sabine Azéma.
Thèmes
Plaisir, homme-femme.
Certes, Le bonheur est dans le pré égratigne l’hypocrisie bourgeoise sans tendresse ; certes, sa conception du bonheur dans le pré est toute d’hédonisme. Encore faut-il ne pas bouder le plaisir (tout court, et celui du film). Or, Francis-Lapin (admirable Michel Serraut) ne connaît que le plaisir de la table, au Bon laboureur, avec son ami Gérard (bien sympathique Eddy Mitchell) : « Je suis un homme simple, dit celui-ci dont les deux plaisirs, hors l’amitié, sont les voitures et les femmes. J’aime les choses de la vie. » Et lorsqu’il accueille la femme de Lapin dans un excellent restaurant (Sabine Azéma, qui mérite véritablement l’épithète de « coincée »), il explique : « Ici, on ne prend pas un repas, on prend du plaisir. » Malheureux en ménage, Lapin, alias Francis ou Jacques, il ne sait pas qui il est ni quel bonheur il recherche. « Je ne bas pas les femmes, explique-t-il à Gérard. – Tu leur fais quoi ? – Je coupe les ponts. » Lapin n’a pas compris, car il ne veut pas comprendre.
Et, lorsqu’il découvre le bonheur avec la ferme de Comdom et l’amitié de Dolorès, là encore, Lapin ne s’autorise pas au plaisir. Gérard vient le voir et ne tarde pas à saisir que son ami se camoufle derrière un prétexte : « Cette femme est trop bien pour moi ». Avant de partir, mécontent, Gérard astique et rince abondamment sa voiture. A son tour, Lapin s’agace de l’attention portée à la Safrane. Gérard ne répondra rien, laissera Lapin parler de « petite mort », à l’occasion de la faillite de son entreprise.
Francis comprend enfin la leçon : il refusait un bonheur qui était à portée de main, comme cette vérité cachée au fond du puits. « Je viens là avant dîner. Je regarde la fin du jour. C’est jamais pareil. J’attens que Dolorès m’appelle. » Certes, il ne résiste pas à transformer la maison en petite entreprise, mais sans détruire ce lieu de plaisir tranquille et simple. Il se donne enfin le droit d’être heureux, là encore, au sens très circonscrit qui évacue la dimension spirituelle et même la vérité – Dolorès n’ignore rien de celle-ci – est celui d’Etienne Chatilliez, le réalisateur de La vie est un long fleuve tranquille et de Tatie Danielle et de nombreux de nos contemporains. Toute vérité est-elle d’ailleurs congédiée ? Non pas, car la culpabilité ronge Lapin et la lumière devra être faite, mais ce sera pour retourner au fond du puits. En tout cas, Francis met en sommeil sa permanente inquiétude et contemplant la campagne d’un air rêveur, d’écouter le conseil de son ami qui est aussi le dernier mot de ce film plein de bon humeur : « Profite un peu ! »
Pascal Ide
« Le bonheur est dans le pré, cours-y vite, cours-y vite, le bonheur est dans le pré, cours-y vite il va filer. » C’est ce que s’empresse de faire le héros du film d’Etienne Chatiliez après avoir échappé à la mort, aux employées de son usine de matériel pour W.C. et à ses emmerdeuses de femme et fille.