La Fièvre, série télévisée française dramatique, créée par Eric Benzekri, écrite avec la collaboration de Laure Chichmanov et Anthony Gizel et réalisée par Ziad Doueiri. La première saison (6 épisodes de 55 mn.) est diffusée du 18 mars au 15 avril 2024 sur Canal+. Avec Nina Meurisse, Ana Girardot, Alassane Diong, Benjamin Biolay et Pascal Vannson.
Thèmes
Politique, guerre civile, stratégie d’influence.
Cette mini-série au succès mérité, dont les Français ont le secret, est comme toujours un test projectif de nos attentes plus ou moins comblées.
- La résonance la plus médiatique est, bien entendu, politique, au point qu’un think-tank de trente auteurs a ausculté la franchise au lendemain de la diffusion de son ultime épisode pour évaluer l’état d’une gauche socio-démocrate en émoi à l’ère de l’archipélisation. De fait, les six épisodes, dopés aux crises les plus actuelles (« l’actu ») et les plus chaudes, n’hésitent pas à s’affronter à un sujet aussi inquiétant que tabou, celui de l’avant-guerre civile, en ses composantes explosives qui font rimer par les deux bouts, les « ismes » (racisme, sexisme, fondamentalisme, wokisme, colonialisme, etc.) ou les « faux » (fake news, faux comptes, etc.).
Assurément, le premier intérêt de La fièvre est de nous faire découvrir le monde politique sous un angle ignoré. Non pas celui de son exercice héroïque (Designated Survivor) ou, plus souvent, corrompu (House of Cards), ni celui de sa préparation très conflictuelle (Baron noir – même si la toute fin du feuilleton connecte avec son héros éponyme). Toutes perspectives qui nous centrent sur des personnalités d’exception, pour le meilleur ou pour le pire.
Ici, s’invite comme un personnage à part entière une nouvelle entité : les stratégies d’influence. Certes les réseaux aujourd’hui omniprésents et l’expertise des influenceurs. Mais, et c’est nouveau pour moi, les techniques d’analyse de l’opinion qui font appel à des outils méconnus du grand public (études « quali » et « quanti »). Le tout dopé par une surdouée, forcément HPI, Sam, et par un appel, d’autant plus louable qu’il est rare, à la culture (Stefan Zweig), voire à la lecture (qui n’a eu envie d’acheter ou de reparcourir Le monde d’hier ?).
- Mais, pour celui que la politique inspire moins (avez-vous constaté que les écrits de ce site portent rarement sur la doctrine sociale de l’Église, la philosophie politique, ou tout simplement l’actualité nationale et internationale ?!), la mini-franchise présente d’autres atouts non négligeables. Limitons-nous à deux.
Le premier est le refus d’opter pour l’opposition binaire droite-gauche, trop facile, trop simple et trop manichéen. En l’occurrence, même si les deux sœurs ennemies, Samuelle et Marie, polarisent l’attention et occupent la scène politique, l’intervention de la troisième figure féminine, la militante décoloniale Kenza Chelbi (Lou-Adriana Bouziouane), complexifie heureusement le schéma. Avec toutefois le risque qu’elle apparaissent comme la médiété, donc comme la sauveteuse.
Un autre centre d’intérêt réside dans le refus de sombrer dans un féminisme revanchard, en équilibrant le trio féminin par le monde du foot masculin, tout centré sur le jeu – même si le personnage de Fodé (faible en son rôle comme en son interprétation) concède trop à la vision des jambes sans la tête.
Pascal Ide
La série, située en France, tourne autour de la rivalité entre deux femmes, autrefois collègues et amies : Samuelle « Sam » Berger (Nina Meurisse), HPI et spin doctor dans une agence de communication dirigée par Tristan Javier (Xavier Robic), et Marie Kinsky (Ana Girardot), stand-uppeuse dont le seule-en-scène populiste de droite titré Marie vous salue, affiche complet chaque soir.
De la presse à la télé, en passant par les réseaux sociaux, elles vont se livrer un combat sans merci pour orienter l’opinion publique après le buzz provoqué par Fodé Thiam (Alassane Diong), footballeur star du Racing, dirigé par François Marens (Benjamin Biolay), qui a assené un violent coup de tête à son entraîneur, Pascal Terret (Pascal Vannson), le traitant de « sale toubab » (« Blanc » en wolof) lors de la cérémonie des trophées UNFP.