John Wick Parabellum (John Wick: Chapter 3 – Parabellum), thriller américain de Chad Stahelski, 2019. Avec Keanu Reeves, Halle Berry, Ian McShane, Laurence Fishburne.
Thèmes
Violence, esthétique versus éthique.
Si le film n’est guère discuté quant à son rythme et à sa créativité, il est en revanche plus que discutable quant à sa forme et son intention. Et d’autant plus qu’il est loué par des critiques parce qu’il réinvente le genre d’action violent ultra stylisé – y compris les critiques (malheureusement) phares, comme celle du Monde qui classe John Wick Parabellum dans la rubrique « À ne pas manquer ».
Notre désaveu, presque total, se fonde sur trois raisons principales.
Même si celui qui ne connaît pas l’histoire des deux premiers opus est perdu, le troisième volet de la saga John Wick est dénué de scénario ou doté d’un fantôme d’intrigue qui n’est qu’un prétexte pour un texte composé-décomposé d’une suite arbitraire de combats aussi physiques que spectaculaires, à l’ultraviolence sauvage et primale. Trois allusions à Dante, l’une, directe, lors du premier affrontement dans la Librairie du Congrès, l’autre, indirecte (« le passage » et le chemin de l’enfer au paradis) m’ont fait un moment imaginer que l’histoire épouserait le rythme ternaire de la Divine Comédie. Mon ingénuité était aussi abyssale que la vacuité narrative du film. J’ai vite déchanté face à la succession ininterrompue des lieux underground peuplés d’intouchables tueurs sur fond de reflets pluvieux dans des quartiers ténébreux – que la brève excursion dans un désert ocre vient à peine distraire.
Plus encore que la surenchère des combats hyperréalistes (ou plutôt surréalistes, car, face à cette surenchère irréaliste, le spectateur est plus d’une fois invité à sourire, non sans la complicité d’un réalisateur dont on sait qu’il est un ancien cascadeur, qui plus est ex-responsable des cascades de la franchise Matrix) et la stylisation chorégraphiée de la violence dérange le parti pris très intentionnel d’un découplage entre l’esthétique et l’éthique. Au moins, un John Woo (référence obligée), plus encore que le complaisant Quentin Tarentino, met la brutalité visionnée en gros plans continus, au service d’une morale – même si celle-ci se réduit le plus souvent au degré zéro de la justice qu’est la vengeance. Ici, l’intention des méchants apparaît aussi obscure que la motivation du héros, au point que la faiblesse de celle avancée par celui-ci (être digne de sa femme défunte, Helen) est d’une telle inconsistance qu’elle semble volontairement incrédible…
L’esthétisation exclusive, surtout, s’atteste dans l’effet miroir explicité par Zero lui-même. Son admiration inconditionnelle pour John Wick est le fruit autant que la source de son imitation, voire de ce que l’on n’ose appeler sa vocation : « Nous sommes tous deux des Maîtres de la mort ». Or, la rivalité mimétique (dont Girard a montré qu’elle conduit à la répétition rituelle) correspond justement au découplage éthique-esthétique dans la sphère de la violence.
Enfin, ne négligeons pas d’évaluer l’un des grands non-dits du cinéma autojustifié de l’ultraviolence : son impact subjectif. Révélateur est cet aveu d’un critique affirmant avoir rédigé son compte rendu en état de transe – qui rime avec dépendance. De fait, comme Augustin qui, entraîné par ses amis au spectacle dégradant des jeux du cirque, se promet de ne rien regarder, finit par ouvrir les yeux en entendant la clameur de la foule, le spectateur qui ferme les paupières à cette surenchère de sauvagerie gratuite se trouve assailli par une bande sonore aussi agressive qu’invasive. Comment ne sentira-t-il pas son irascible excité qui, dès la sortie, redemande sa dose, au sens le plus toxique et toxicologique du terme ?
Pascal Ide
John Wick 2 s’achevait alors que John Wick (Keanu Reeves) avait commis le crime de lèse-majesté : tuer un membre de la Grande Table dans les murs du Continental Hotel de New York. Ce troisième opus commence alors que les 12 de la Grande Table, par sa Directrice (Anjelica Huston) et son Adjucatrice ou Arbitre (Asia Kate Dillon), déclarent Jonatan excommunicado, « excommunié », de surcroît avec une fatwa de 14 millions de dollars. Aussitôt, les plus redoutables gangs d’assassins présents sur la planète se mettent à ses trousses. Le chasseur devenu chassé (au double sens de poursuivi et banni) va devoir déployer toutes ses ressources, en de multiples combats, tous plus inventifs les uns que les autres, contre de multiples adversaires, tous plus agressifs les uns que les autres. Bien que solitaire, John Wick pourra bénéficier de l’aide de Winston (Ian McShane), le directeur du Continental, de Charon (Lance Reddick), son concierge, d’une amie-amante amère, Sofia (Halle Berry) et de la persévérance de Bowery King (Laurence Fishburne), le seigneur du crime du monde souterrain. Le héros survivra-t-il ou plutôt, ses ennemis innombrables, au premier rang desquels le redoutable Zero (Mark Dacascos), survivront-ils ? Plus que la loi omniprésente de la Grande Table, exigences commerciales obligent…