Independence Day
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Pays:
Américain
Thème (s):
Extraterrestres, Mal, Mort, Politique
Date de sortie:
2 octobre 1996
Durée:
2 heures 25 minutes
Directeur:
Roland Emmerich
Acteurs:
Will Smith, Bill Pullman, Jeff Goldblum, Mary McDonnell
Age minimum:
Tout public

 

Independence Day, film américain de science fiction de Roland Emmerich, 1996. Avec Will Smith, Bill Pullman, Jeff Goldblum, Mary McDonnell.

 

Thèmes

Mal, mort, politique, extraterrestres.

D’un côté, il faut un ennemi. On l’a noté. Après la guerre froide et après la Guerre du Golfe, les Américains n’ont plus un autre à leur mesure auquel s’affronter. Alors, ils s’en fabriquent un, tant l’on ne se pose bien qu’en s’opposant. Cet hostile n’est rien moins que des extra-terrestres dont le vaisseau fait pas moins d’un-quart de la Lune ! Les méchants ne sont que méchanceté. Et leur laideur, dont on a dit qu’elle est un « copier-coller » d’Alien, est à la mesure de cette noirceur. J’oubliais : ils sentent mauvais.

De l’autre côté, il y a les bons, Américains. On a souligné plus qu’à foison, l’américano-centrisme rudimentaire de l’idéologie du Président Thomas J. Whitmore. Son discours (« Le 4 juillet ne sera plus connu comme une fête américaine, mais comme le jour où le monde a dit : «Nous allons survire. Nous célébrons notre jour de l’indépendance.») n’est pas sans rappeler ce que disait Henri Ford : « Ce qui est bon pour l’Amérique est bon pour le monde. » Mais il y a beaucoup plus intéressant. Quel est le nombre des héros – j’allais dire les dieux – qui vont sauver le monde ? De prime abord, on pense au duo Juif-noir, qui permet, là encore, la réconciliation du melting-pot américain. En réalité, les héros sont au nombre non pas de deux, mais de trois.

Pour bien le comprendre, il faut faire le détour par la grande découverte qui a occupé toute la vie d’un grand érudit, Georges Dumézil (1898-1986) qui a consacré sa vie à la civilisation indo-européenne. Son hypothèse centrale, validée par un très grand nombre d’études, est que les peuples indo-européens présentent suffisamment d’unité pour qu’il soit possible de parler d’une pensée (une idéologie, dit Dumézil) indo-européenne unique. En effet, la religion, les mythes, le système juridique de peuples aussi différents que les romains, les grecs, les ossètes, les scandinaves et les indiens présentent des ressemblances troublantes. Or, l’éloignement notamment géographique exclut toute explication à type d’influence. C’est donc qu’existe, plus fondamentalement, une origine unique qui est la source d’une pensée que l’on qualifie d’indo-européenne. Et c’est notamment la fonction des mythes et des récits épiques que de la conserver, la transmettre et la diffuser.

Précisément, en quoi consiste la conception du monde chez les Indo-Européens ? Elle se répartit en trois fonctions : 1. la souveraineté juridique et religieuse ; 2. la force guerrière ; 3. la prospérité matérielle. Par exemple, la société de l’Inde ancienne est structurée en : 1. brahmanas qui sont les prêtres détenteurs du savoir juridique et religieux, 2. kshatriyas, qui sont les guerriers, 3. vaishyas qui sont les paysans-éleveurs. De même, le panthéon védique est dominé par les dieux Mitra-Varuna, qui exercent la fonction de souveraineté, le dieu Indra, qui exerce la fonction guerrière et les dieux jumeaux Ashvins et Nasatyas, qui exercent la fonction matérielle. Répartition analogue pour les trois dieux romains Jupiter-Mars-Quirinus et la trilogie nordique : Odin-Thor-Freyr.

Appliquons le schéma tripartie découvert par Dumézil au film Independance Day. La fonction de gouvernement est assurée par David Levinson. On peut préciser. Dumézil notait que cette fonction se répartissait très souvent en un pouvoir plus juridico-politique et un pouvoir plus magique : par exemple, Mitra et Varuna, respectivement. Le président des États-Unis figure le premier et le génie David, le second. Bien entendu, le capitaine Steven Hiller représente la fonction guerrière. Mais qui symbolise la fonction de prospérité ? Ce sont les femmes : c’est elles qui donnent la vie et donc assurent la pérennité physique.

Or, justement, le salut n’est possible que lorsque ces êtres apparemment si divers se retrouvent dans la base secrète du Névada. Plus encore, ce sont eux qui sont regroupés dans la scène finale. Enfin, chacun des trois personnages représentatifs d’une des trois fonctions ont, dans leur passé, défaillit. Là encore, faisons appel à Dumézil qui a montré l’importance du thème du « péché du roi » dans les récits épiques.

Prenons l’exemple du roi indien Yayati, rapporté dans l’épopée du Mahabharata. Le roi cumule les mérites respectifs des trois niveaux d’organisation fonctionnelle, ce qui lui vaut de mériter le ciel. Le dieu Indra l’épouve en lui demandant : « A qui Yayati pouvait-il se comparer en mérites ascétiques ? » Le roi se proclame alors incomparable sur ce point. Ce péché d’orgueil annule tous ses mérites. Aussi, ayant méprisé ceux qui lui sont supérieurs, égaux ou inférieurs, Yayati perd ses prérogatives. Déchu du ciel, il tombe vers un feu sacrificiel. Or, qui offre le sacrifice ? Quatre petits-fils de Yayati qui exercent les trois fonctions : Shibi est un modèle d’homme véridique et Ashtaka un sacrificiant assidu, ils exercent donc la première fonction ; Pratardona est un guerrier héroïque ; et Vasumanas est immensément riche et généreux. Yayati fait alors le récit de son péché, et ses quatre petits-fils décident de lui donner leurs mérites. Aussitôt, le roi réintègre le ciel. Le mythe rappelle donc que le péché du roi détruit l’harmonie de ces fonctions et, même si ce n’est pas le cas dans l’épopée ci-dessus, peut mettre la société tout entière en péril.

Revenons au film. On apprend que David s’est battu contre celui qui deviendra le président des États-Unis ; plus encore, il se contente de travailler sur le câble, sous-exploitant dramatiquement ses capacités créatrices. De son côté, Steve a aussi trahi sa vocation et la NASA n’a pu profiter de ses capacités de pilote surdoué, car il s’est amouraché d’une strip-teaseuse. Enfin, les deux femmes se sont dérobées à leur rôle : Yasmine a eu un enfant dont elle ignore le père et l’ancienne femme de David qui l’aime toujours lui a préféré sa carrière et sa réussite personnelle.

Au total, c’est l’invasion extra-terrestre qui va permettre aux héros – qui sont donc trois et non pas deux – de réintégrer leur véritable fonction, confirmant à rebours que telle est leur valeur symbolique.

Je vois pointer l’objection : ne suis-je pas en train de trop prêter au réalisateur ? Il est presque certain que Roland Emmerich n’a pas pensé un seul instant à la trilogie fonctionnelle de Dumézil. Mais les mythologues de l’Antiquité non plus ! Justement, cette répartition inconsciente agit d’autant mieux qu’elle n’est pas réfléchie.

Or, si l’hypothèse proposée est juste, si le fond du film consiste bien dans la tripartition indo-européenne, il convient de s’interroger : le film, à plusieurs reprises, parle de Dieu, il montre la famille de David en train de prier. Mais ce qui « fonctionne » n’est-il pas plutôt le fond païen polythéiste qui cherche toujours à s’affranchir du judéo-christianisme ? Sans bouder notre joie, interrogeons-nous toutefois : quelle indépendance fêtons-nous ?

Pascal Ide

Une immense soucoupe volante envahit le ciel terrestre, libérant un nombre infini de plus petites soucoupes qui prennent position au-dessus des plus grandes villes du monde. Un informaticien new-yorkais décrypte les signaux émanant des étranges voyageurs. Ils ne sont pas du tout amicaux et ces extraterrestres se préparent à attaquer la Terre.

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