The Holiday
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Pays:
Américain
Thème (s):
Amour, Homme-Femme, Triangle dramatique de Karpman, Triangle maléfique
Date de sortie:
27 décembre 2006
Durée:
2 heures 11 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Nancy Meyers
Acteurs:
Cameron Diaz, Kate Winslet, Jude Law
Age minimum:
Adolescents et adultes

The Holiday, romance américaine de Nancy Meyers, 2006. Avec Kate Winslet, Cameron Diaz, Jude Law, Jack Black et Eli Wallach.

Thèmes

Homme-femme, amour, TDK, TM.

1) Un Bourreau congédié (The Holiday)

The Holiday, la comédie romantique américaine de Nancy Meyers, est d’abord connue pour mettre en scène deux célibataires, la californienne Amanda Woods (Cameron Diaz) et l’Anglaise Iris Simpkins (Kate Winslet), toutes deux en plein chagrin d’amour. Sans se connaître, elles décident, via le site internet homeexchange.com, d’échanger leurs maisons respectives pour passer des fêtes de fin d’année paisiblement, c’est-à-dire loin de la gent masculine. Bien entendu, elles vont chacune rencontrer le possible grand amour de leur vie [1].

Mais cette romance pleine de charme nous parle aussi du TM à travers la relation mouvementée d’Iris avec celui qui lui a brisé le cœur et dont elle tente de se séparer, Jasper Bloom (Rufus Sewell). Même si ce n’est pas un des personnages principaux, nous en apprenons assez sur lui pour savoir qu’il est un Bourreau professionnel – précisément, un bourreau des cœurs.

a) Un Bourreau des cœurs

Jasper est resté en ménage pendant trois ans avec Iris avant de rompre. Cela ne suffit assurément pas pour l’identifier à un Persécuteur. Mais, d’abord, il l’a trompée pendant leur relation. Ensuite, comme ils travaillent dans le même tabloïd, Jasper, après avoir rompu avec elle, continue à la séduire. Enfin, sans en rien la prévenir, voire en la complimentant une minute avant, il annonce publiquement ses fiançailles devant tout le personnel et, bien évidemment, Iris effondrée.

La motivation de l’attitude de Jasper avancée par le film est l’utilitarisme : rédactrice hors pair, travailleuse, créative, toujours disponible, Iris est la collègue idéale dont il ne souhaite surtout pas perdre la précieuse collaboration. Mais son comportement invite à suspecter au minimum une personnalité narcissique (animée par le besoin d’éprouver en permanence son pouvoir de séduction), au maximum une personnalité perverse : alors qu’il sait qu’elle tente très péniblement de faire son deuil, il continue à lui envoyer des textos, obligeant ainsi Iris à penser à lui ; plus, quand il la voit laminée par l’annonce, entre larmes et faux-sourire de circonstance (superbe jeu d’actrice), le Don Juan semble esquisser un sourire (de jouissance ou de gêne ?).

b) Une Sauveteuse au cœur brisé

Le film est d’autant plus intéressant pour notre propos que, face à ce Bourreau séducteur autant que manipulateur, la victime engluée dans la relation toxique est une Sauveteuse qui ne va pas manquer de virer dans la posture Victimaire.

De fait, Iris présente tous les traits de la Sauveteuse elle aussi labellisée : elle aide tout le monde (à commencer par son frère) au-delà de toute mesure (elle accepte de relire le manuscrit de Jasper, alors qu’elle est en vacances, qu’il l’a trahie et qu’elle fait tout son possible pour l’oublier) ; elle va au-devant des besoins des personnes, par exemple, en s’arrêtant pour reconduire Arthur Abbott (Eli Wallach) chez lui ; elle n’a jamais autant d’énergie et d’inventivité que lorsqu’elle peut voler au secours de quelqu’un ; elle possède un don de double-vue pour deviner les cadeaux qui font plaisir (l’édition originale de Shakespeare offerte à Jasper) ; elle trouve toujours des excuses et demeure amie, même après qu’elle surprend Jasper en flagrant délit de la tromper ; elle n’ose le chasser, de peur de se faire rejeter ; elle nourrit une trop piètre idée d’elle-même pour se valoriser (« J’ai un profil assez banal ») ; dans un long monologue au début du film, elle switche en Victimaire (« L’amour le plus cruel, celui qui tue beaucoup de ses victimes : on l’appelle l’amour non partagé. Celui-là, je le connais, je suis experte […] Et nous, les laissés pour compte, nous sommes les victimes de l’amour à sens unique », etc.). En la voyant vivre, le scénariste renommé à la retraite qu’est Arthur l’a décrite d’un coup de crayon : « Vous vous comportez comme l’amie dévouée et non pas comme l’héroïne », description où elle se reconnaît aussitôt : « Je refuse d’être sur le devant de la scène ».

Ainsi, le Boureau ne maintient sa Victime sous son emprise que parce qu’elle-même est une Victimaire qui lui a donné prise.

c) Une Sauveteuse qui prend congé de son Bourreau

C’est alors que survient la scène décisive, celle où Iris va (enfin !) prendre conscience de son Bourreau et prendre les moyens pour s’en séparer [2]. Contre toute attente, Jasper, qui n’en est plus à une manipulation près, débarque à l’improviste dans le domicile californien d’Iris.

Le redoutable Apollon est plus séducteur que jamais : il arrive avec le cadeau de Noël promis au début du film, multiplie les compliments (« Cet endroit te va bien »), la fait rire, centre pour une fois tout son intérêt sur elle (« Je suis là, parce qu’il fallait que je te vois »), dénie les formules assassines répétées pendant trois ans (« Nous sommes comme une cheville carrée dans un trou rond [square peg, round hole] », ce que le doublage traduit : « Chaque pot à son couvercle, mais tu n’es pas le bon ») d’un simple revers : « Je ne m’en souviens pas », exprime un amour éperdu, de surcroît concrétisé dans des gestes (« Je devenais fou quand tu es partie, je passais mon temps à consulter mes mails. Je n’ai jamais été comme ça »), voire ouvre un avenir (il propose un voyage à Venise quand elle reviendra à Londres).

Comment la Sauveteuse professionnelle qui est toujours follement amoureuse de son Bourreau ne tomberait-elle pas, ne tombera-t-elle pas une nouvelle fois dans le piège ? En mettant en œuvre trois facultés qui sont autant de ressources et de moyens pour repérer et rejeter les tactiques persécutrices.

Tout d’abord, Iris est connectée avec son affectivité, c’est-à-dire avec ce qu’elle ressent. À au moins cinq reprises, elle exprime sa confusion qui rime avec sa division. Ainsi, quand elle entend Jasper dire qu’il lui fallait la revoir, elle est troublée : « Oh, Jasper, je ne comprends réellement pas ce que tu fais ». Puis, après le redoutable « Je ne veux vraiment pas te perdre, bébé », elle prend sa tête dans les mains tout en la tournant à droite et à gauche pour dire non : « C’est trop déroutant [confusing] ».

Ensuite, Iris l’émotive et l’affective emploie son intelligence, c’est-à-dire sa capacité de discernement. Lorsqu’elle demande à Jasper s’il est libre pour lui proposer de partir à Venise, celui-ci répond : « Chéri, j’ai traversé la moitié du globe pour te voir, non ? ». Iris n’est peut-être pas assez attentive pour repérer la mimique du visage de Jasper et un regard torve qui, au début, ne la fixe pas dans les yeux. Mais son esprit est assez en éveil pour que, lorsque leurs lèvres s’effleurent, elle prenne brusquement conscience de sa duplicité : « Tu sais, ça n’a pas répondu exactement à ma question ». Et elle exerce à nouveau son intelligence en demandant avec encore plus de précision : « Alors, tu n’es plus du tout avec Sarah ? »

Désormais, tous canaux sensoriels béants, Iris regarde et écoute Jasper avec grande attention. Pendant qu’il répond avec un art consommé du double langage : « J’espère que tu accepterais de reconnaître combien je suis dans un grand état de confusion à propos de tout cela », Jasper regarde un moment ailleurs et cligne deux fois des yeux. Désormais, grâce à cette nouvelle intelligence de l’interaction, Iris ne peut plus douter. Plus tard, lorsqu’elle dira ses quatre vérités à Jasper, la jeune femme posera un geste significatif : « Il faut que j’allume » – à l’instar de Luis qui, pour dire la vérité au G7 de Prête-moi ta main, a besoin d’ouvrir grand les rideaux.

Enfin, Iris mobilise sa volonté, c’est-à-dire sa capacité de décision. En effet, après cette dernière réponse, elle se donne le droit d’un recul, qu’elle formule dans un énoncé joliment créatif : « Entendu, laisse moi traduire [translate] cela ». Pour cela, son corps l’aide doublement : elle s’écarte légèrement de Jasper et elle regarde ailleurs. En se libérant ainsi de la proximité et de la fascination physiques, elle trouve la bonne formulation : « Ainsi, tu es encore décidé à te marier ? » Et elle souligne son interrogation d’un regard déterminé qui interdit tout faux-fuyant. Jasper ne peut plus éviter la réponse : « Oui », même s’il tente d’ajouter un rectificatif atténuateur.

Dès lors, en se levant et s’exclamant « Oh, mon Dieu », Iris s’affranchit non seulement de l’aimantation amoureuse, mais de l’illusion qui a aveuglé ces longues années de relation toxique. Continuant sur sa lancée : « Je n’aurais jamais cru que je pourrai dire ce que je vais dire, littéralement jamais : On n’est absolument pas fait l’un pour l’autre ». Voire elle reprend astucieusement l’expression favorite de Jasper en la surlignant : « Nous sommes comme une cheville vraiment carrée dans un trou vraiment rond ».

Tout dit sa détermination autant que son courage : Iris se donne le droit et le temps d’éclairer la scène ; elle se plante devant Jasper en respirant un grand coup ; lui-même, qui ne l’a jamais vue ainsi, s’immobilise, comme sidéré. Ainsi pleinement en possession d’elle-même et entièrement lucide, elle ose dire la vérité : « Tu ne m’as jamais bien traitée, jamais. Tu m’as brisé le cœur. Et tu as fait en sorte que tout fût de ma faute, soit dû à mon incompréhension [misunderstanding] ». Une telle accusation pourrait être Victimaire. Mais, conjurant cette tentation, elle ajoute sa part de responsabilité, reconnaissant que, de Sauveteuse, elle devenait Bourreau d’elle-même : « Et j’étais trop amoureuse de toi, trop folle de toi, et me punissais moi-même pendant ces années ». Elle devient alors capable de reformuler le double bind le plus tortueux et le plus torturant de Jasper : « Tu débarques ici pour dire que tu ne veux pas me perdre, alors que bientôt tu seras marié ».

Enfin, triomphante, elle peut prononcer la parole de désaliénation qu’elle n’avait jamais pu proférer : « C’est fini [It’s over] ». Iris va même plus loin, nommant le lien empoisonné qui l’a retenue si et trop longtemps : « Cette chose tordue [l’adjectif twisted ici employé possède aussi joliment le sens de « torsadée »] toxique entre nous est finalement finie ». Et elle cueille aussitôt le fruit de cette autothérapie accélérée. Le visage lumineux, la voix tremblante de joie, elle constate soudain qu’elle n’est « miraculeusement plus amoureuse » de lui. Elle en éclate de rire : « Je vais vivre une autre vie et tu en seras totalement exclu ». Alors, dans son énergie retrouvée, elle puise la force de joindre le geste à la parole, mieux, d’incarner sa décision de manière irréversible : elle met littéralement Jasper, toujours paralysé, à la porte. Jubilatoire délivrance !

Mais comment la Victimaire est-elle ainsi sortie de l’emprise de son Bourreau ? Comment a-t-elle fait pour prendre un tel recul ? Sur le seuil de la porte, Jasper lui-même demeure si bluffé de cette métamorphose qu’il demande : « Qu’est-ce qui s’est passé exactement en toi ? » Rayonnante, Iris répond d’abord qu’elle l’ignore. Mais, soudain, elle prend conscience de la raison : « le bon sens [gumption] ». Ce faisant, elle se souvient de tout ce que lui a apporté le contact, par films interposés, avec les femmes « de bon sens », images de son épouse, qu’Arthur introduisait systématiquement dans chacun de ses scénarios.

 

La libération d’un lien toxique avec un Bourreau, et d’abord d’une attitude Sauveteuse, ne se produit malheureusement pas toujours aussi « miraculeusement » ; d’ailleurs, il aura quand même fallu plus de trois années de torture mentale pour préparer cette rupture. Différents moyens sont donc nécessaires.

Pascal Ide

[1] The Holiday, romance américaine de Nancy Meyers, 2006. Avec Kate Winslet, Cameron Diaz, Jude Law, Jack Black et Eli Wallach.

[2] La scène (27) se déroule de 1 h. 47 mn. 10 sec. à 1 h. 53 mn. 00 sec.

Une Américaine (Amanda) et une Anglaise (Iris), toutes deux déçues des hommes, décident, sans se connaître, d’échanger leurs appartements. Iris, va débarquer dans une demeure de rêve tandis que la distinguée Amanda découvre une petite maison de campagne sans prétentions. Les deux femmes pensent passer de paisibles vacances loin de la gent masculine, mais c’était sans compter l’arrivée du frère d’Iris dans la vie d’Amanda, et la rencontre de Miles pour Iris.

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