El Reino
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Pays:
Franco-espagnol
Thème (s):
Corruption, Courage, Morale, Politique
Date de sortie:
17 avril 2019
Durée:
2 heures 11 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Rodrigo Sorogoyen
Acteurs:
Antonio de la Torre, Monica Lopez, Josep María Pou
Age minimum:
Adolescents et adultes

El Reino (Le royaume, en espagnol), thriller politique franco-espagnol de Rodrigo Sorogoyen, 2019. Avec Antonio de la Torre, Mónica López, Bárbara Lennie. A reçu sept Goyas (l’équivalent de nos Césars) début février.

Thèmes

Corruption, politique, morale, courage.

El Reino peut être vu comme une fiction politique sans compromission et non sans condamnation, ou comme un conte moral sans concession, mais pas sans compassion.

 

La fiction politique de grande envergure sur les partis (et pas sur le gouvernement) est encore peu présente dans la filmographie française (sauf dans la série télévisée Baron noir). Ici, le cinéaste de Que Dios nos perdone fait fort en dénonçant, sur fond de scandale politique qui a empoisonné l’Espagne dans les années 2000, un système mafieux qui maille non seulement tout un parti, mais l’ensemble de l’engrenage politico-juridico-médiatique. Encore le film demeure-t-il sobre, évitant très heureusement le spectaculaire raccoleur de la triple concupiscence, sexus politicus en tête, si je puis dire. En choisissant de mettre en scène un homme fidèle à son épouse et soucieux de sa fille unique, Sorogoyen centre le spectateur sur l’essentiel : l’adulation du pouvoir, la jouissance qui rime avec influence et arrogance (avec quel mépris López Vidal se moque-t-il d’Alvarado interviewé à la télévision). En faisant du protagoniste principal un expert en manipulation psychologique qui est d’autant plus efficace et redouté qu’il agit dans l’ombre, le film évite aussi les psychodrames faciles et nous dévoile ainsi combien la prise du pouvoir est d’abord l’emprise sur les libertés, combien les violences les plus intimes et les plus ultimes sont collectives (exclusion et expulsion type bouc émissaire) avant que d’être physiques (ce n’est qu’en dernière extrémité qu’une fatwa sera placée sur la tête de l’imprévisible Manuel).

 

Pourtant, en choisissant de suivre au plus près l’itinéraire, extérieur et intérieur, d’un seul homme, le jeune réalisateur exprime que son option est personnelle, donc éthique, au moins autant que collective, donc politique. La première image filme López Vidal de dos, de loin, en son chic costume tiré à quatre épingles, téléphonant à un invisible interlocteur avec volubilité, face à l’océan infini ruisselant de lumière. La dernière le photographie en gros plan, de face, silencieux, mine et costume défaits, dans l’atmosphère sombre, enfermée et oppressante d’une émission télévisée, sous le choc de la question inattendue d’une journaliste qui le dévisage sans émanité. Comment mieux dire la différence, sinon l’évolution ?

Entre les deux, l’homme, de plus en plus aux abois, de plus en plus en souffrance, multipliera avec astuce les actes audacieux, affrontera avec courage les tueurs lancés à ses trousses et fera même passer le bien de sa famille avant le sien propre. Toutefois, l’éveil de sa conscience morale s’arrête là et ne s’élargit ni à la sphère politique, ni aux autres commandements de la deuxième table du Décalogue. En effet, le politicien n’hésitera pas à sombrer dans la vindicte et l’amertume ; il usera de violences psychologiques et même physiques pour obtenir les preuves accablantes grâce auxquelles il détruira ceux qui l’ont détruit.

 

En face de lui, une femme, une seule, Amaia, représente le pôle d’intégrité et d’intrépidité qui affronte la vérité sans jamais transiger, qui dénonce la manipulation sans jamais se laisser piéger, qui déjoue les chantages sans jamais se compromettre. Magistralement, la fin du film est aussi son sommet.

Avouons-le, avoir suivi le combat acharné de cet homme au quotidien, avoir assisté à sa capacité de survivre sans se décourager et de rebondir sans discontinuer, suscite en nous approbation sinon admiration, compréhension sinon compassion. Quelque chose en nous espère donc que, au moins un moment, l’incorruptible journaliste accède à la demande de Manuel, ouvre ces damnés carnets et condamne sans merci les multiples acteurs d’un système étatique qui ne mérite d’exploser aux yeux de tous que parce qu’il a déjà implosé du dedans. Mais Amaia n’a pas oublié : celui qui se présente en prétendue victime du « gros animal » (Platon) gangrené, en fut d’abord l’un des principaux agents infectieux. En posant cette dernière question sur sa compromission jusqu’à la concussion, elle énonce tout haut ce que la conscience morale de Manuel ne cesse de lui dire tout bas. Et l’homme politique pourrait l’entendre s’il cessait de vivre dans l’apparence et maintenant dans la vengeance.

Comment mieux dire que, s’il ne veut pas dégénérer en polémique, le politique doit constamment se fonder sur l’éthique, celle, subjective ou vécue, des vertus qu’il conquiert et des vices qu’il combat, celle, objective et proposée, des valeurs qu’il poursuit et promeut ?

Pascal Ide

Manuel López Vidal (Antonio de la Torre) est un politicien (élu ?) local dont l’influence se fait sentir jusqu’à Madrid. Pour l’instant, en cet été étincelant, il célèbre une victoire au cours d’un déjeuner avec ses amis, notamment le puissant Frias (Josep Maria Pou), dont il est le dauphin, dans un splendide restaurant en bord de mer. C’est alors que, derrière eux, défilent des images télévisées annonçant la nomination au gouvernement d’Alvarado (Francisco Reyes), le nouveau et intraitable monsieur anticorruption.

Peu après, l’un des camarades de parti est arrêté et mis en garde à vue pour détournement de fonds. Or, López Vidal était associé à ses affaires. Ce n’est que le tout début d’une menace qui ne va cesser de s’approcher. Comment le baron politique régional, ses puissants protecteurs et les médias, notamment la journaliste politique Amaia Marín (Bárbara Lennie), vont-ils réagir ? Pourra-t-il protéger son épouse Inés (Mónica López) et sa fille ?

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