Desperate Housewives, comédie dramatique en 8 saisons créée par Marc Cherry et Bob Daily, de 2004 à 2012. Avec Teri Hatcher, Felicity Huffman, Marcia Cross, Eva Longoria…
Thèmes
Amour, famille, homme-femme.
Avant toutes choses, l’homme a besoin de se sentir aimé. Cet amour était inconditionnel, au-delà de toutes les culpabilités. Il se traduit par un enveloppement : être aimé, c’est se sentir enveloppé d’amour. Lors de sa venue à Lourdes, en août 2004, Jean-Paul II eut cet aveu étonnant : « Chers frères et sœurs malades, je voudrais vous serrer dans mes bras, l’un après l’autre, de manière affectueuse et vous dire combien je suis proche de vous et solidaire de vous. Je le fais spirituellement ».
Une fois n’est pas coutume, je ferai appel à une série télévisée au succès mondial et non sans intérêt, Desperate Housewives (première Saison). Elle conte la quête de quatre amies cherchant à comprendre pourquoi leur amie commune s’est suicidée. Au-delà de la trame vaguement policière, le plus passionnant est constitué par les relations interpersonnelles.
Ici, nous nous concentrons sur la mère de famille, Lynette. Mariée à Tom, quatre enfants, dont deux jumeaux très remuants, elle est au bord du burn out. Un épisode (7, de 6 mn. 32 sec. à 7 mn. 23 sec.) va précipiter la crise. Tom, son mari, la prévient deux jours avant qu’elle doit préparer un dîner d’affaires très important pour sa carrière professionnelle. Elle résiste jusqu’au moment où son mari lâche : « Bree Van de Kamp fait cela tous les jours ». Précisons : Bree, l’une des quatre amies, est une perfectionniste, sorte de Surmoi collectif pour tout le quartier. Après un moment de surprise, Lynette, contre toute attente, accepte. Pourtant, sa moue montre qu’elle est profondément divisée. Nous serions tentés d’accuser unilatéralement Tom. Est-il manipulateur ou seulement maladroit ? En tout cas, Lynette se fait manipuler intérieurement en entrant en compétition avec son amie.
Malheureusement, le dîner rate. Pire, les jumeaux sont de plus en plus infernaux. Surtout, pour tenir le coup, Lynette se surmédicalise. Jusqu’au moment où elle part s’effondrer sur un terrain de football.
Bree et une autre du quatuor, Susan, s’inquiètent de ne pas la voir. Elles la cherchent activement et finissent par la trouver. Elles s’approchent alors, l’entourent, lui disent des mots affectueux, posent délicatement la main sur son bras. Leur présence de part et d’autre de Lynette dessine déjà une proximité enveloppante. Puis, elles échangent ou plutôt l’écoutent avec empathie (Épisode 8, de 33 mn. 33 sec. à 35 mn. 07 sec.)
Grâce à l’absence totale de jugement, Lynette va d’abord pouvoir dire sa honte d’avoir pris des médicaments, brisant ainsi l’image de la mère toute-puissante. Avec tendresse Susan avance un peu plus le bras, touche l’épaule, caresse le dos.
Se sentant ainsi accueillie, Lynette va aller plus loin, passer de son épuisement physique à sa souffrance psychique : la culpabilité de ne pas bien élever ses enfants : « Ils n’ont pas de chance d’avoir une mère comme moi ». A l’énoncé de cette parole d’auto-accusation, Bree la rassure. Mais sans efficacité. Susan intervient : « D’accord, tu es devenue accro à ces cachets contre l’hyperactivité. Et alors, cela arrive… » Elle vise juste : elle reconnaît les faits, ne les nie pas. Seulement, elle les recadre et ainsi limite considérablement la culpabilité. Ici l’enveloppement devient contenance : lorsque la personne ne sait plus où elle en est, sa colère déborde et crée des ravages ; l’amie contient ce fleuve furieux dans les berges de sa juste affection.
Dès lors, le troisième niveau de tristesse, la cause ultime de la souffrance va pouvoir affleurer : la jalousie et ce qui l’alimente, l’idéal inaccessible. « Les autres mamans, on ne les aide pas. Les autres mamans n’ont pas l’air d’avoir de difficultés. Et je suis toujours en train de me plaindre ». Une nouvelle fois, la douleur n’a pu être formulée que parce que Lynette se sait entourée et aimée sans condition. Mais comment la rejoindre dans sa détresse ? C’est au tour de Susan de toucher ses limites. Bree intervient : « J’étais dans un tel état mental lorsque Andrew [son fils] était petit que j’attendais leur sieste pour pouvoir pleurer ».
Émue au plus profond de l’âme, Lynette se met à pleurer chaudement : « Pourquoi tu as attendu aujourd’hui pour dire ça ? » Crise résolutoire. Mais pourquoi la jalousie est-elle enfin conjurée ? Parce que Bree la parfaite a adopté ce que la psychologie appelle une position basse. Ultimement, envelopper consiste non pas à hisser l’autre au niveau de sa propre chaleur, mais à descendre vers lui, et le presser contre son propre cœur. Et descendre, s’approcher, c’est montrer à l’autre que nous partageons les mêmes difficultés (ce qui est toujours vrai, au moins génériquement). Ici, l’amour s’identifie à l’humilité. Ici, envelopper revient à prendre la place de l’autre. Nous avons observé ce même mouvement dans Will Hunting, lorsque Sean raconte à Will que, lui aussi, il fut battu.
Suit une mise à plat bien à l’américaine qui pourrait agacer (en fait, si l’on souhaitait adresser une critique à la série, elle tient plutôt à l’absence systématique d’hommes constituant des références fiables). Ces paroles moins bâillonnées que la nôtre et ces gestes expressifs ont du moins le mérite de nous faire comprendre que la fonction de l’enveloppement est de constituer l’espace non jugeant qui permet de libérer la parole et de réintroduire dans la confiance en soi.
Pascal Ide
Wisteria Lane est un lieu paisible où les habitants semblent mener une vie heureuse… en apparence seulement ! Car en y regardant de plus près, on découvre bien vite, dans l’intimité de chacun, que le bonheur n’est pas toujours au rendez-vous. Et peu à peu, les secrets remontent inévitablement à la surface, risquant de faire voler en éclat le vernis lisse de leur tranquille existence…