Des mains en or, comédie française réalisée et coécrite par Isabelle Mergault, 2023. Avec Lambert Wilson, Sylvie Testud et Josiane Balasko.
Thèmes
Amitié, comique.
Le comique (film, pièce de théâtre, roman et même standup) a le choix entre la farce (comme Le médecin malgré lui ou Les fourberies de Scapin) et la fable morale (comme Le bourgeois gentilhomme ou Le malade imaginaire). Ces deux genres se caractérisent par une certaine fixité des personnages – le rire étant, selon l’explication fameuse de Bergson, « du mécanique plaqué sur du vivant [1] », définition qui convient singulièrement à François. Pourtant, dans de rares cas, la comédie réussit l’exploit d’intégrer une certaine évolution dans sa trame narrative (tel est le cas des films trop rares de Francis Veber). Mais elle n’évite alors l’émotion du drame que si elle reste centrée sur des personnages idéaux-typiques, de sorte qu’elle retombe dans le deuxième cas de figure. Des mains en or hésite entre les trois approches. Ce qui conduit, selon l’humeur du moment, à le juger comme une demie réussite ou un demi échec…
Le film tient de la grosse farce à la française par l’accumulation des bons mots, la multiplication des situations de quiproquo et le jeu outré de ses acteurs (surjeu qui convient mieux à Josiane Balasko qu’à Lambert Wilson, et surtout à eux deux qu’à Sylvie Testud, peu crédible en chirurgien renommée).
Il participe de la comédie de mœurs par la peinture sociale et, plus encore, le choc des milieux : non pas tant les grands bourgeois que les nouveaux riches, d’un côté ; non pas tant populaire que déclassé (une rebouteuse) de l’autre. Mais sans tenir ses promesses. Du génie littéraire, en effet, demeure une plate obsession pour le bon français, sans envergure artistique ni découverte du milieu lettreux. Du milieu médical non conventionné, demeure l’obsession du bon médicament sans souci du malade et la bonne conscience du médecin que les effets secondaires installent dans la non-réfutabilité. Et du milieu rebouteux, si rarement mis en scène, il ne reste littéralement rien. L’occasion d’explorer les raisons de ce don (qui m’avait motivé à voir le film) est totalement manquée. Demeure donc une grande frustration.
Enfin, le long-métrage lorgne du côté de ce que certains appellent la dramédie (mélange de drame et de comédie), en montrant l’évolution majeure de cet homme fat et égocentré dont la raideur physique symbolise la psychorigidité décorporée, et la douleur corporelle qu’il s’inflige la souffrance qu’il inflige aux autres. En et par Martha, il découvre la compassion (beau geste par lequel, en laçant la chaussure, il renouvelle le lavement des pieds : « C’est parfois quand on est à genoux qu’on se tient le plus droit ») et l’amitié (superbe dernière image où, au-delà de tous mots et au travers des maux, se rencontrent les deux sourires solaires de François et Martha).
Mais cette évolution trop facile et donc peu crédible que le genre comique pourrait, après tout, excuser, n’est pas compensée par le changement symétrique, et pourtant ébauché, de Martha. Le vent aidant, elle envoie promener avec ses feuilles, son désir d’écrire sous prétexte que la vie se vit au lieu de se raconter (qu’est-ce donc alors qu’un film ?). De sorte que, plus que dans la farce, l’on verse dans la critique sociale, qui demeure bien franchouillarde : comme dans Les intouchables, mais l’inventivité en moins, les classes populaires viennent enseigner la vie, la liberté, le désintéressement et la reconnaissance aux classes aisées qui, malgré leur culture et leurs moyens, étouffent dans leur suffisance et leur ingratitude.
Pascal était plus lucide sur les travers réciproques des conditions des « petits » et des « grands », en leur opposant ceux qu’il appelait « les chrétiens parfaits » et qui, au-delà du miroir aux alouettes de la condition sociale, tentaient de vivre l’Évangile (cf. site : « Le dévot selon Pascal, un spiritualiste avant la lettre »).
Alors, demie réussite ou demi échec ? Laissons le public en décider. J’ai en effet visionné le film dans un cinéma en plein air, en une douce nuit lot-et-garonnaise. Et, excellent public, mes voisins ont ri de bon cœur, d’un bout à l’autre du film. Par contagion solidaire (vox populi, vox Dei), ajoutons une étoile aux deux pour lesquelles aurait opté un choix solitaire !
Pascal Ide
[1] Henri Bergson, Le rire. Essai sur la signification du comique, Paris, Alcan, 1900 : Œuvres, Édition du centenaire, Paris, p.u.f., 1959, p. 391-485.
François (Lambert Wilson) est un écrivain réputé qui va bientôt intégrer la prestigieuse Académie française. Ayant acheté un somptueux manoir, il est marié à Rose (Sylvie Testud), professeure et chirurgienne, avec qui il fréquente un milieu aussi superficiel que friqué. Mais le futur Immortel est rongé par un mal de dos qui, le faisant terriblement souffrir au quotidien, ajoute l’irascible à son égocentrisme.
Après un accident de voiture dans le boccage normand, il atterrit chez Martha (Josiane Balasko), une guérisseuse pétulante et inculte, qui parvient à miraculeusement faire disparaître sa douleur. Mais le mal est trop chronique et trop profond pour s’effacer définitivement. François retourne donc la voir régulièrement. De son côté s’installe une véritable dépendance à ces mains en or ; mais François n’ose avouer d’où vient son amélioration, tant son épouse, jalouse, prétend être la seule à pouvoir le guérir. Du côté de Martha, les choses vont encore se compliquer, quand elle découvrira qu’elle tombe amoureuse de cet homme qui lui donne le goût d’écrire et de bien parler. Mais un amour peut-il naître entre deux personnalités aussi opposées issues de deux mondes si différents ? Et d’ailleurs est-il souhaitable ?