Conspiracy (Unlocked), thriller britannique de Michael Apted, 2017. Avec Noomi Rapace, Orlando Bloom, Michael Douglas, John Malkovich, Toni Collette.
Thèmes :
Bien, mal, salut.
Moyennement noté sur IMDb (6,1), le film du réalisateur du James Bond. Le monde ne suffit pas et du troisième opus de la saga, Le Monde de Narnia, L’Odyssée du Passeur d’Aurore, mérite pourtant le détour.
Certes, l’intrigue est complexe, voire embrouillée. Surtout, comme souvent aujourd’hui, elle évite d’expliquer clairement au spectateur (non pas le positionnement des protagonistes, puisqu’il fait partie du secret de l’intrigue, mais) les enjeux et le sens même des mots (comme « messager »). Le maître du thriller et donc du suspense qu’était Alfred Hitchcock a pourtant démontré que le rythme ne perd rien à se ralentir et que le bien de l’action a tout à gagner à être astucieusement éclairé par la vérité de l’histoire. Quand est-ce que les modernes scénaristes, dopés à l’adrénaline comme leurs scénarios, comprendront-ils cette loi anthropologique : éclairer l’intelligence du spectateur engage plus aisément son affectivité ?
Mais venons-en aux pôles d’intérêt.
D’abord, soulignons le souci affiché d’attacher (aux personnages, surtout à l’héroïne) plus que d’accrocher (le film refuse de céder aux poncifs du genre : les effets spéciaux sont presque absents, la musique est discrète et même la traditionnelle lutte finale banalisée).
Surtout, l’intrigue joue de manière sinon originale, du moins fine, de la bipolarité bien-mal, souvent brouillée dans les films d’espionnage.
D’abord, en dédoublant ou plutôt en déplaçant le mal : du radicalisme islamiste à un fascisme américain qui, par réaction, est tenté de se replier sur une politique hypersécuritaire et machiavélique (qui sacrifie des vies innocentes au nom de l’idéal nationaliste, caricature grimaçante du patriotisme). Certes, nous avons déjà vu ce scénario, mais dans une bande dessinée, xiii, et mêlé au thème ludlumien de l’amnésie antérograde.
Ensuite, le bien lui-même n’est pas simple. Si, sans surprise pour les codes actuels, il est porté par des femmes (Georgina Townsley voulait, dès 2006, construire un thriller d’espionnage avec un personnage central féminin), il est lui-même significativement réfracté entre ces deux figures contrastées que sont Alice et Emily : la brune et la blonde, l’américaine (au moins d’adoption) et la britannique, la fille de la rue et la femme du monde, la survivante et la vivante. Toutes deux sont sensibles et humaines (belle scène où, grâce à l’empathie d’Emily, Alice apprend qu’elle n’est pas coupable des morts dans l’attentat parisien), donc complices et même solidaires. Toutefois, elles s’opposent sur ce qui fait le fond de leur féminité (identifiée au care) : trop utilitariste, Emily se montre prête à instrumentaliser une jeune recrue inexpérimentée et donc à sacrifier la morale à la raison d’État, alors qu’Alice ressent jusque dans sa chair son injuste utilisation.
Au croisement du cogito humilié (Ricœur) et de la résilience, notre époque est en attente de sauveur blessé qui, au risque de devenir sauveteur, est généreux à la mesure d’une passion (personnelle) devenue compassion (interpersonnelle). Il bat ici quelque chose du cœur de la dynamique évangélique (l’amour est puissant sans être insupportablement tout-puissant, seulement s’il est humble, donc kénotique) – l’origine surnaturelle en moins ou en gésine…
Pascal Ide
Alice Racine (Noomi Rapace) est une ancienne interrogatrice de la CIA qui, traumatisée par son échec deux ans plus tôt dans un sanglant attentat terroriste à Paris, a préféré se retirer. Bob Hunter (John Malkovich), son ex-directeur, la contacte pour déjouer une attaque imminente sur Londres et interroger un homme suspecté d’être le messager de terroristes djihadistes. Mais elle est trahie par les agents britanniques qui la mettent en lien avec le suspect et comprend alors que l’agence a été infiltrée. Se sauvant de justesse, alors que celui-ci est assassiné, elle cherche de l’aide auprès de son ancien mentor, Eric Lasch (Michael Douglas), qui meurt à son tour, puis d’un ex-Marine, Jack Alcott (Orlando Bloom) et enfin, du chef de MI5, Emily Knowles (Toni Collette). Mais, à nouveau trahie et manipulée par Alcott, elle se retrouvera terriblement seule dans ce qui apparaît de plus en plus comme une conspiration, alors que monte la terrible menace d’un attentat terroriste de type biologique sur Londres. Comment contrer des ennemis aussi nombreux et puissants dont l’intention lui échappe encore ?