Black Panther, film fantastique américain de Ryan Coogler, 2018. Adapté du personnage de Marvel Comics, T’Challa, alias la Panthère noire. Avec Chadwick Boseman, Michael B. Jordan, Lupita Nyong’o, Letitia Wright Angela Bassett et Danai Gurira.
Thèmes
Famille, Afrique, nature, parole.
Voici un renouvellement inédit et relativement réussi du fantastique hyperhéroïque et, ici, de la franchise Avengers – Black Panther fut aperçu dans Captain America: Infinity War (2016), sous les traits de Chadwick Boseman. Cette réussite tient à ce que les traits caractéristiques du continent africain (par exemple, le triple primat de la famille, de la nature et de la parole) croise et déplace de manière inattendue les grands attendus de ce genre bien arpenté : la double identité du super-héros, ses super-pouvoirs, la mission qui comporte la lutte sans merci contre un mal souvent planétaire.
On se souvient que, le 14 septembre 1995, Jean-Paul II plaçait la famille au cœur de son exhortation apostolique postsynodale Ecclesia in Africa, comme le don que ce continent avait reçu et faisait au reste du monde. De fait, la première scène met en jeu ce qui apparaîtra comme un drame familial et la décision ultime, sur laquelle nous reviendrons, est prise au nom de l’unique famille humaine : « Nous devons partager nos connaissances et nos techniques. Ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous divise ».
Non seulement la famille est au cœur du scénario, mais elle arrive à transformer du dedans la relation au mal : un long moment identifié à un méchant blanc, Ulysses (mixte raté du Joker de Darknight et de Dead Pool), il s’avère, finalement et heureusement pour l’homogénéité de l’intrigue, être lui aussi non seulement un Africain, mais le cousin même du héros. Mieux encore, Erik Killmonger n’est pas tant fautif que traumatisé, petit garçon rageur rêvant de retrouver le pays de son enfance.
Ce sens de la famille se traduit par une référence qui est révérence au primat de l’Ancien – qui est contemporain –, notamment à travers la figure du père. Non sans une souple liberté. En effet, même lorsque le respect paternel dans le premier voyage chamanique se substitue dans le second à une critique, celle-ci n’absout pas pour autant du devoir de piété. De même, d’ailleurs, le primat traditionnel de l’autorité masculine laisse place avec une générosité quelque peu racoleuse à la présence féminine (par la médiation de ce quadrille, entre matriarcat et amazone), sans que l’idéologie genrée y trouve son compte…
Le continent noir est aussi celui d’une nature sauvage, voire indomptable. Or, le héros participe en sa double identité (d’ailleurs nullement voilée) à l’environnement. En effet, alors que, dans la majorité des Marvels, les rencontres et les conflits se déroulent dans la ville (dont la plus emblématique est celle de Gotham), ici le principal terrain dialogique et polémique est le théâtre du monde en sa somptuosité polychromique et sa vitalité luxuriante. Malgré notre conscience écologique éveillée plus qu’avivée (et encore moins arrivée), nous, Occidentaux, oublions constamment que la biodiversité trouve sa source dans les zones non point tempérées, mais tropicales. De ce fait, nous ne mesurons qu’avec peine la peine que la perte de fleurs peut engendrer dans le cœur d’un Africain.
Le sens de la nature va de pair avec celui de la terre. Voilà pourquoi le conflit fondamental ne se concentre pas, pour une fois, sur deux individus qui, tels le charismatique Superman et l’ignoble Lex Luthor, incarnent l’Idée platonicienne du Bien et du Mal, mais dans une tension politique, voire socio-politique nationale-internationale, qui n’en menacent pas moins l’avenir de la planète entière : le Wakanda doit-il garder secrètes ses réserves afin d’éviter d’attiser les convoitises et d’exacerber la violence, ou doit-il les partager pour aider à la libération des peuples frères les plus injustement exploités ? Au culte aristocratique et excluant du courage se substitue une apologie démocratique et inclusive de la prudence et de la justice.
Enfin, l’Afrique est le continent de la parole : non seulement parce que sa culture est celle de l’oralité, mais parce que la palabre fait circuler la parole, sans pour autant en nier sa transmission. Autrement dit, il conjugue la verticalité de la parentalité (donc l’asymétrie de l’origine) avec l’horizontalité de la fraternité (donc la réciprocité de la communion). Voilà pourquoi, mixées avec les codes Marvel, les deux scènes centrales autour desquelles pivote le film, résident non pas des combats solitaires (sans spectateur) où l’environnement n’est mobilisé que pour détruire ou être détruit, mais dans des affrontement solidaires où le bon est encouragé par les siens, où le méchant du moment peut se renverser en un frère pour toujours, et où la nature se révèle être un cadre splendide intouché autant qu’intouchable. Plus encore, pour mieux honorer la fraternité qui demeure l’horizon intransgressible de l’histoire, le super-héros dépose ses super-pouvoirs, au risque d’y perdre sa vie. Autrement dit, quelle que soit l’issue finale, la victoire est déjà initiale dans le primat de la noblesse du cœur sur la prouesse physique à la Captain America, a fortiori sur la surenchère technologique à la Ironman.
Certes, la Panthère noire n’est pas le seul super-héros noir. On n’en dénombre pas moins de 500 dans les Comics américains depuis l’origine ; de fait, l’on en a déjà vu, par exemple, avec Will Smith (qui joue Hancock, dans le film éponyme, 2008) ou Halle Berry (qui incarne Tornade dans la saga X-Men depuis le début, 2000). En revanche, inventé en 1966 par le scénariste Stan Lee et le dessinateur Jack Kirby, il est le premier personnage BD. Et si le 18e film de l’univers cinématographique Marvel n’est pas sans imperfection – un rythme plus lent, voire plus lâche que d’habitude, un flottement dans le choix de l’histoire qui traduit peut-être une pluralité d’écriture scénaristique –, cette « négritude », pour parler comme Léopold Sédar Senghor, retourne certains défauts : c’est ainsi que la multiplication de personnages qui ne font pas pour autant une ligue d’Avengers ou de personnages extraordinaires, rappelle une réunion de famille. La deuxième scène postgénérique laisse augurer qu’elle ne sera pas sans postérité…
Pascal Ide
Après avoir participé à l’affrontement entre Iron Man et Captain America, le roi T’Challa, alias Panthère noire (Chadwick Boseman), retourne chez lui pour succéder à son père et devenir le roi du Wakanda. Ce pays africain (imaginaire) encore sauvage est pourtant technologiquement avancé, parce qu’il bénéficie de la présence du vibranium, doté de propriétés énergétique exceptionnelles, permettant à ses détenteurs d’élaborer des armes et servant à des avancées technologiques stupéfiantes.
Mais le pouvoir de T’Challa est défié par Ulysses Klaue (Andy Serkis), puis, dans un second temps par Erik Killmonger (Michael B. Jordan) qui conspirent pour s’emparer du précieux métal. Pour les combattre et pour éviter que son pays soit emporté dans un conflit mondial, la Panthère noire doit s’allier à l’agent de la CIA Everett K. Ross (Martin Freeman) et, plus encore, aux membres du Dora Milaje, les forces spéciales du Wakanda, entre les quatre femmes Ramonda (Angela Bassett), sa royale mère, Shuri (Letitia Wright), sa petite sœur, geek surdouée et Q au féminin, Nakia (Lupita Nyong’o), l’ancienne amoureuse, pas si ancienne que cela, qui le « fige », et Okoye (Danai Gurira), Walkyrie à la lance chromée.