Assassin’s Creed
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Thème (s):
Liberté
Date de sortie:
21 décembre 2016
Durée:
1 heures 56 minutes
Directeur:
Justin Kurzel
Acteurs:
Michael Fassbender, Marion Cotillard, Jeremy Irons...

Assassin’s Creed

Film franco-américain de science-fiction, de Justin Kurzel, 2016. Inspiré du jeu vidéo d’action-aventure développé par Ubisoft Montréal sous la direction de Patrice Désilets et Jade Raymond. Avec Michael Fassbender, Marion Cotillard, Jeremy Irons.

Thèmes

Liberté, bien-mal, sens.

Disons d’emblée que je suis totalement incompétent pour jauger la fidélité du film au jeu vidéo éponyme. Ses millions de fans (77 millions d’exemplaires de la franchise Assassin’s Creed ont été vendus au total en octobre 2014) se chargeront de l’évaluer. Mais il semble que, d’ores et déjà, le pari soit tenu.

Le film attirera aussi les non spécialistes pour sa gestion particulière du cadre spatio-temporel. Le spectateur savourera la somptuosité des décors qui n’ont pas tous été construits sur le traditionnel fond vert par l’impressionnante équipe des quinze mille collaborateurs, mais correspondent à l’Espagne réelle d’hier et d’aujourd’hui (qui est trop peu souvent le théâtre de films d’action, sans ignorer que la suite appelée par ce film et les multiples volets du jeu doit opter pour d’autres décors). Il appréciera aussi le rythme qui ne fait pas seulement alterner présent et passé lointain, mais cadences lentes, où les personnalités complexes des héros se déploient, avec les trois scènes d’action dans l’Espagne inquisitoriale, véloces et spectaculaires à souhait : les premières donnent de goûter les secondes – à rebours de trop de thrillers coup de poing » où la seule loi semble être l’accélération à perdre souffle.

Mais ce décor donne à voir des corps, c’est-à-dire un drame qui pose la question de la différence du bien et du mal. Une première question est celle de la réalité de cette différence. En effet, d’un côté, le jeu, comme le film, semble prendre parti pour les Assassins contre les Templiers – ce qui n’est pas sans être désagréable, tant cette dialectique inspirée des Lumières françaises oppose, de manière bien simpliste, raison et obscurantisme (bien entendu religieux), liberté et aliénation. De l’autre, les (groupes de) protagonistes sont renvoyés dos à dos : tous deux luttent pour un objectif qui n’est rien moins que le service, voire le salut, de l’humanité ; adeptes du machiavélisme avant la lettre (la fin justifie les moyens), tous deux sont prêts à employer la violence, c’est-à-dire à tuer sauvagement, pour atteindre leur objectif ; tous deux ont leurs héros et sont prêts à sacrifier leur vie pour leur idéal.

Dès lors surgit une question plus subtile et plus intéressante que le partage manichéen entre bons et méchants : pourquoi Assassins et Templiers se ressemblent-ils tant ? Ici se démasque l’une des originalités du film à l’égard du jeu, qui ne semble pas très porté à l’éducation (hors un vernis de culture)… Cette potentielle confusion  provient non pas d’une énième variation sur le thème classique du policier-ripou, mais du mécanisme de rivalité mimétique.

Partons du plus évident. Les protagonistes principaux se dédoublent au présent et au passé de sorte qu’ils présentent, très intentionnellement, une ressemblance physique, même si seul le premier d’entre eux est expressément identifié par deux noms différents : le héros se réfracte en Cal » Lynch et Aguilar de Nehra ; la belle, en Sophia Rikkin et l’Assassin femme ; le méchant (joué par Denis Ménochet) en McGowen (le chef de la sécurité d’Abstergo) et le Templier aussi surnommé Chef noir. Mais le thème du double s’intériorise. Alan Rikkin avoue être jaloux de Sophia, plus brillante, plus créative. De son côté, sa fille consent à demeurer dans cette relation fusionnelle et ferme les yeux sur ses abus de pouvoir. Voire, lorsque son père lui dérobe sa découverte pour en recevoir seul la gloire – ainsi que l’observe très lucidement un Templier de haut rang (Charlotte Rampling) – , non seulement elle y consent, mais elle le défend contre Cal. Voire, une partie de Sophia est aussi envoutée par Cal, son engagement et sa liberté : alors qu’elle dit le connaître et maîtriser chacune de ses réactions, elle ne cesse d’être déroutée par l’ancien condamné à mort. Voire, ce personnage qui est, de loin, le plus complexe et donc le plus captivant, pose deux questions : pourquoi n’en tombe-t-elle pas amoureuse ? pourquoi bascule-t-elle du côté de son père, devenant ainsi l’ennemie de celui dont elle s’apprêtait à devenir mieux que la meilleure amie ? – questions que seule éclaire la fascination par laquelle elle épouse la cause de son père au lieu d’épouser (aimer) Cal. Enfin, la mimésis s’étend jusqu’à l’opposition la plus radicale, celle des Assassins et des Templiers, puisque, dans un aveu inattendu, McGowen révèle à Cal qu’autant il admire Aguilar, autant il le méprise.

Le thème du miroir est lui-même inclus dans un thème plus large et d’ailleurs l’interroge : celui de la liberté. Assurément, chaque héros est typé et l’on attend de lui qu’il agisse selon son scénario, surtout dans le cadre ba(na)lisé d’un jeu vidéo dont les règles assurent la validité. Assurément aussi et plus encore, le déterminisme semble de mise : l’enjeu de la pomme n’est rien moins que celui de l’inscription génétique du libre-arbitre ; voire, pour les Templiers, la disparition de celui-ci s’identifie à celle de la violence.

Mais, concrètement, qui est libre ? Ni Sophia ni son père qui sont pris dans un face à face – un corps à corps – incestuel. Ni les Templiers dont la conspiration n’est que l’aspiration au pouvoir et qui, croyant soumettre tous les autres, sont eux-mêmes soumis à la plus asservissante des idoles, leur ego dilaté à la mesure de leur soif de domination. Ni Cal – et les Assassins avec lui – qui se victimise derrière sa tendance à la violence et redouble son assujettissement en identifiant son unique objectif à la haine vengeresse contre le père prétendument assassin de sa mère.

C’est ici que le film dépasse le jeu et invite à passer du personnage à la personne, autrement dit à dérouler une histoire. En fait, un protagoniste et un seul se déplace : le héros lui-même. De ce point de vue, décisive est la rencontre avec son père : en renonçant à le tuer, il ne parvient peut-être pas au pardon, mais il sort de la fatalité de la répétition ; or, déjà, son ancêtre avait refusé la logique absolutiste des Assassins qui lui demandait de sacrifier son amour ; ainsi, paradoxalement, en rejouant cette émancipation, il dénoue le lien de servitudes qui l’attachait à son caractère et déjoue tous les pronostics des Templiers. Bref, il advient à la liberté.

Mais il y a encore plus. Cette liberté, loin d’être circulairement, égoïstement tournée vers elle-même, est orientée vers autre que lui. Ne disons pas trop vite vers l’amour. Elle est attente indéterminée. Et attente comme ascendante. En effet, prend alors tout son sens l’une des plus grandes jouissances du spectateur : les scènes d’action privilégient les mouvements verticaux. L’une de nos jubilations constantes tient non seulement à ces combats stylisés, dont la virtuosité esthétisée émousse heureusement la violence, mais plus encore à l’importance donnée aux lignes droites, c’est-à-dire : l’élévation des corps qui dominent avec acrobatie et allégresse la lumineuse hauteur avant de replonger dans la ténébreuse profondeur (vertigineux saut de la foi).

Ces corps qui se rient de la gravité et de la fatigue repoussent les limites imposées à la finitude et paraissent imiter ce mystérieux rapace qui joint les scènes sans que rien ne nous soit révélé de son identité. Plus encore, beaux, agiles, invulnérables, ils participent à ces qualités des corps glorieux, donc éveillent en nous ce désir d’éternité dont le philosophe Spinoza disait qu’il est le plus profond. Ici, la liberté devient libération et ouverture à l’infini. L’homme passe l’homme, disait un autre penseur du Grand Siècle.

Ainsi, dans une esthétique maîtrisée de l’espace-temps, Assassin’s Creed part de nos conditionnements limités par les jeux (!) de la rivalité mimétique, pour poser la question de la liberté, mais d’une liberté qui s’élève, s’affranchit de l’horizontal, voire de l’horizon, c’est-à-dire de la finitude. Comment alors se contenter… de la limite d’un film et ne pas attendre une suite ?

Au terme du xve siècle, Aguilar de Nehra (Michael Fassbender) s’engage solennellement dans une société secrète, les Assassins, afin de lutter conter une autre secte initiatique, les Templiers. Toutes deux quêtent le bien de l’humanité et n’hésitent pas à recourir à la violence. Mais les premiers recherchent et promeuvent la liberté individuelle, alors que les seconds estiment qu’elle est la source de tous les maux et visent son abolition. Pour accéder à ce but, les Templiers veulent acquérir un artefact, qui fut créé et laissé sur Terre lors de leur disparition par Ceux qui étaient là avant, des individus disposant d’une puissance technologique très avancée. Cet artefact qui porte le nom de pomme d’Éden contient l’information génétique codant la liberté humaine.

  1. Le jeune Callum Lynch, rentrant à la maison, voit sa mère morte. Son père, Joseph (Brendan Gleeson), s’accuse du meurtre et, alors que la maison est entourée par des forces mystérieuses, qui s’avèrent être les Templiers, lui ordonne de fuir et de vivre dans l’ombre.

Trente ans plus tard, le 21 octobre 2016, Callum Lynch (aussi joué par Michael Fassbender), descendant d’Aguilar, meurt par injection létale, pour avoir commis un assassinat. Du moins le croit-il… Il se réveille le lendemain dans les locaux mystérieux d’une société, Abstergo Industries. Le Dr Sophia Rikkin (Marion Cotillard) lui apprend qu’on attend de lui qu’il récupère la Pomme d’Eden afin d’éradiquer la violence qui décime l’humanité, en en extirpant la source qu’est le libre-arbitre. Pour cela, il doit connecter à une machine appelée Animus, qui est capable de lire la mémoire génétique d’un homme et de ses ancêtres, et revenir en 1492, alors que l’Inquisition espagnole bat son plein, pour retrouver son ancêtre Aguilar, qui le conduira jusqu’à la Pomme convoitée. Ce qu’il ignore, c’est que le père de Sophia, Alan Rikkin (Jeremy Irons), qui pilote le programme d’Abstergo, est un haut Maître des Templiers. Que se passera-t-il lorsque Callum rencontrera son opposé, l’idéaliste Aguilar, qui est l’ennemi même des Templiers et lui donnera les compétences pour les affronter dans le présent ? Continuera-t-il à travailler pour ceux-ci ? Et de quel côté penchera Sophia, à la fois très liée à son père et de plus en plus séduite par le criminel présent qui est aussi Maître Assassin ?

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