Babe. Le cochon devenu berger

Les Grecs aimaient dire de l’homme qu’il est un zoon logon échon, ce que l’on a mal traduit par : animal raisonnable et qui est mieux rendu par : un animal doué de parole (sensée). En ce siècle, le linguiste Emmanuel Benveniste a écrit un article devenu célèbre où il distingue justement le signe humain et le « langage » animal qui ne dépasse jamais le niveau du signal. On pourrait donc être de prime abord gêné par ce film où les animaux parlent.

Certes, le genre littéraire, le caractère très distractif de l’histoire, le tour de force qu’a représenté le montage (sept années de travail), incitent à l’indulgence. De plus, qui est choqué de voir les animaux des fables de La Fontaine parler ? Mais, curieusement, le film réintroduit la différence homme-animal, jusque dans le langage. Les espèces animales se parlent entre elles, mais elles n’adressent jamais la parole à l’homme. De son côté, l’homme ne franchit pas plus cette barrière. Or, la vocation du langage est justement d’établir une communication entre les êtres, et c’est le travail de la traduction que de transgresser au moins partiellement la division instaurée depuis Babel. Ici, ni l’homme ni l’animal n’est à même de comprendre l’autre. Plus précisément, c’est Arthur, le fermier, qui parle très peu, mais capte chaque signe de la nature : interprétant avec justesse les aboiements de son chien, il arrivera pour sauver à temps le troupeau de moutons des prédateurs humains.

L’exploit final de Babe est salué par le silence ou par des cris d’allégresse, non par la parole. Il est enfin piquant que celui dont Arthur le taciturne dit : « C’est vraiment un bon cochon ! » porte le nom de Babe, tout proche de Baby. Car, si l’on se réfère non plus au grec, mais au latin, enfant vient du latin : infans, celui qui ne parle pas (encore)…

Pascal Ide

Conte animalier dont le héros est Babe, un tout jeune porcelet. Le fermier Hoggett le gagna pour quelques sous dans une foire agricole. Trop jeune pour passer à la casserole mais néanmoins conscient du sort qui l’attend, Babe va se rendre indispensable à la ferme et devenir le premier cochon berger. Ce film fut réalisé a Robertson, bourgade australienne de 275 habitants que vinrent grossir 500 figurants, 200 techniciens et 500 animaux entraînés par le dresseur américain Karl Lewis Miller.