La prière
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Thème (s):
Conversion, Drogue, Foi
Date de sortie:
21 mars 2018
Durée:
1 heures 47 minutes
Directeur:
Cédric Kahn
Acteurs:
Anthony Bajon, Damien Chapelle, Alex Brendemühl
Age minimum:
adolescents et adultes

 

 

 

La Prière, film dramatique français de Cédric Kahn, 2018. Avec Anthony Bajon, Alex Brendemühl, Damien Chapelle, Louise Grinberg, Hanna Schygulla.

Thèmes

Conversion, foi, drogue.

Ce film qui n’est pas sans mérite, n’est pas sans ambivalence qui procure un malaise durable.

 

Comment ne pas remercier un réalisateur qui veut montrer sans ambage les conséquences tragiques de la drogue, ses mensonges et son enfermement ? Dans une superbe scène, on voit Thomas qui, après avoir volé une cigarette et des allumettes, sème son ange gardien, s’enferme dans le poulailler, observe triomphant entre les lattes de bois ses frères qui le cherchent et goûte au tabac dérobé. Quel symbole du mensonge et de l’aliénation : celui qui se croit libre en transgressant la règle qui le protège de lui, se retrouve prisonnier d’un poulailler obscur ! Et comment, à cette occasion, ne pas saluer le jeu de cet acteur inconnu – justement récompensé d’un Ours d’argent aux Berlinades 2018 –, énergie pure qui peut arborer avec autant de crédibilité le visage de l’adolescent blessé et révolté, que celui de l’enfant éperdument en quête de pureté.

Comment non plus ne pas se réjouir que soit filmé un chemin de libération fondé sur les trois piliers de la fraternité, du travail et de la prière, pour ces jeunes « tox » décidés à s’en sortir ?

Comment encore davantage ne pas se féliciter d’un scénario qui désire montrer au plus près la foi, ou du moins les actes pieux, au point que, pour certains non-croyants, le film a paru engagé au point d’être prosélyte.

 

Mais comment ne pas reconnaître à l’évidence la communauté du Cenacolo de Lourdes, jusqu’en son responsable à l’accent italien si patent et au prénom à peine voilé (Marco au lieu de Franco) ? Au point que j’ai cru un moment à un quasi-reportage. Mais alors, comment ne pas s’étonner du manque de créativité d’un scénario qui colle (ou croit coller) à ce point à une réalité existante que le spectateur ne peut s’empêcher de penser que l’intention est plus documentaire que fictionnelle ?

Et surtout, comment alors ne pas interpréter tous les décalages avec ce qui se vit dans cette communauté catholique comme autant de jugements ? Comment, par exemple, ne pas être profondément gêné par la violence de la fondatrice, Sœur Myriam (Hanna Schygulla), qui s’incarne, plus encore que dans cette double giffle totalement injustifiée, dans son jeu manipulateur, si connu que la psychologie lui a donné un nom : la lecture de pensée ?

Pourquoi cette concession voyeuriste à une scène de sexe cru avec la jeune archéologue Sybille (Louise Grinberg), qui procède du défoulement beaucoup plus que de l’amour ? Pourquoi, au terme, cette décision toute impulsive de Thomas, qui contredit elle aussi la responsabilité, la sobriété, l’honnêteté, que Thomas a peu à peu découvertes et pratiquées dans ce milieu vertueux ? Ces deux scènes apparaissent donc en décalage avec la logique du personnage et son évolution. Comment ne pas lire la lumière qui resplendit alors sur le visage du héros, comme dans la nature, comme le thème si controuvé d’un christianisme qui aurait prétendument cherché à empoisonner l’éros et suspecter la chair (il suffit de renvoyer aux dernières conférences de Carême à Notre-Dame de Paris pour réfuter cette exégèse éculée des lieux communs…) ?

Comment ne pas lire en ces visages masculins (mais aussi féminins) si souvent tristes, notamment pendant la prière – alors que le Cenacolo est d’abord un lieu de joie –, comme la propre représentation d’un cinéaste qui n’a passé qu’une journée sur place ? En particulier, comment ne pas déchiffrer dans la scène initiale où Marco accueille Thomas sans chaleur ni compassion, lui énonce les rudes règles de la maison, l’oblige à se déshabiller intégralement en sa présence et lui confisque toutes ses affaires, l’intention de suggérer un parallèle entre cette communauté et une prison sans barreau ? Autrement dit, comment ne pas être tenté d’interpréter le moyen proposé comme le substitut d’une incarcération (celle de la drogue) à une autre (cette maison isolée où, paradoxalement, son habitant ne peut plus l’être) ?

 

Enfin, tout ce qui vient d’être dit se reflète dans la manière de filmer la foi ou plutôt le croyant et le non-croyant (le non-chrétien). Je suis touché que le réalisateur de Vie sauvage ose filmer ce qui est devenu aujourd’hui presque un tabou, ce qui, dans un pays de faible conviction religieuse et très attaché aux libertés fondamentales, est aussitôt suspecté comme une menace à sa liberté : la prière, ou plutôt les multiples prières, les chants, les témoignages et surtout le « miracle » (Marco) de la conversion de Thomas – conversion qui se manifeste dans l’étonnante métamorphose de son visage ? Et, en même temps, comment ne pas penser que la compréhension de cette foi demeure toute extérieure, que la prétendue objectivité du metteur en scène qui se déclare expressément agnostique, introduit une distance ? Mille détails sonnent faux. Par exemple, comment, dans un psaume liturgique, pourrait résonner le Nom divin (le tétragramme) imprononçable ? De même, comment le prêtre peut-il manquer de discernement au point de ne questionner ni l’appel, ni la chasteté de ce tout jeune converti ? Comment peut-il ignorer l’importance de l’épreuve du temps, surtout pour un jeune « tox » dont la drogue a presque détruit la volonté et qui sera prompt à se « shooter » aux fortes sensations engendrées par sa toute nouvelle conversion ?

Prenons une comparaison. Comment un acteur peut-il jouer à être amoureux ou triste, s’il ne ressent en lui ces sentiments ? La caméra qui ne perd aucun détail traduira et trahira le décalage. De même, De même comment un agnostique pourra-t-il filmer au plus près et en vérité une conversion dont il n’a aucune expérience ? La foi apparaîtra au mieux comme une crédulité fondée sur la seule expérience sensible d’un changement principalement affectif – alors que la vraie transfiguration réside dans cette certitude irréfragable que nul ne peut se donner, en Jésus mort et ressuscité pour nous (cf. 1 Co 15,3) –, au pire, comme un endoctrinement de groupe et une autoconviction née du besoin de sortir de la drogue, bref, là encore, comme le passage d’une drogue dure qui détruit physiquement et psychiquement à une drogue douce et spirituelle qui coupe du monde, de sa sensibilité et de son autonomie (« Tu n’es jamais seul »).

Disons la même chose d’une autre manière – et je remercie la personne amie qui m’a suggéré cette belle interprétation. La prière en demeure au registre de l’immédiat, donc de l’impatience et même de la violence : de même que nous ne voyons pas naître les relations d’amitié ou de fraternité, mais en demeurons à l’énoncé du cadre et de la loi, pour advenir sans prévenir au résultat final, de même la foi surgit brutalement de l’incroyance, dans une évidence sans ombre. Comparativement, un autre film actuellement sur les écrans qui traite avec la même audace bienvenue du thème de la foi, L’apparition, respecte le long cheminement de son héros, en balise les étapes et suspend son jugement sur son ouverture à l’invisible.

Au total, le cinéaste n’a pas assumé sa position extérieure qui se commue, à son corps défendant, en critique. Il n’a pas su, avec cohérence, traduire cette distance intérieure en scénario distancé et inventer une histoire éloignée de ce que vit la belle communauté qu’est le Cenacolo ? Si je salue le projet du cinéaste, je discute sa projection.

Pascal Ide

Thomas (Anthony Bajon), toxicomane de vingt-deux ans qui vient de faire une overdose à l’héroïne, arrive dans une communauté d’anciens jeunes drogués perdue dans les Alpes, qui luttent . Il est accueilli par Marco (Alex Brendemühl), le responsable qui lui énonce de la vie très stricte qu’il devra mener pour guérir de sa dépendance et sortir de la drogue : ni cigarettes, ni alcool, ni télévision, ni filles. Il sera constamment accompagné par un « ange gardien », qui est aussi un ancien « tox », Pierre (Damien Chapelle). Désormais, pour redevenir un jeune homme normal, il devra se soigner par la prière et le travail. Dans ce nouveau monde, il y découvre l’amour, l’amitié et la foi.

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