Cry Macho, drame américain de Clint Eastwood, 2021. Adapté du roman éponyme de N. Richard Nash, 1975. Avec Clint Eastwood, Dwight Yoakam, Eduardo Minett et Natalia Traven.
Thèmes
Paix, amour, vertus cardinales.
Que Cry Macho ne soit pas un grand Clint Eastwood ne signifie pas pour autant qu’il soit le film de trop dans la copieuse filmographie (une quarantaine de long-métrages) de l’acteur devenu réalisateur.
Assurément, l’écriture de Cry Macho est bâclée. Quelques attestations parmi d’autres : le scénario n’explique pas pourquoi Mike réussit là où d’autres plus jeunes ont échoué ; le personnage de Rafo, le garçon manipulé, battu, bref, abusé, n’est pas crédible, qui ne diffère guère de l’ado en crise ; le lien symbolique entre le coq (Macho), symbole du fils perdu et retrouvé, avec le cheval, emblème du grand-père de substitution, n’est pas travaillé ; la scène finale des retrouvailles avec le père non seulement n’est ni compréhensible (qui l’a prévenu de l’arrivée de son fils ? comment peut-il passer la frontière sans papier ? et d’ailleurs, qu’est-ce qu’une douane sans barrière ni maison ?) ni émouvante (alors que Clint l’a manifestement voulue telle) ; etc.
Le vidéaste qui se paie de plus le luxe de se mettre en scène à 91 ans n’aurait-il donc pas dû s’arrêter au Cas Richard Jewell (2019) ou à La mule (2018) ? Comment répondre à une telle question ? Comment offrir un critère qui ne soit pas éminemment subjectif ? En tout cas, l’avancée en âge est souvent une avancée vers le dépouillement, donc vers une simplicité qui est vérité. De fait, l’ex-inspecteur Harry nous offre un film presque dénué de violence (même le combat de coqs est ajourné sine die), là où, par exemple, le dernier Stallone (Rambo: Last Blood, 2019) brosse un Mexique sous haute tension et donne dans la surenchère sanguinolente. En plein, Eastwood montre un héros qui pratique les quatre vertus cardinales : la prudence (Mike sait quand attendre ou accélérer, changer de plan, anticipe), la justice (il rembourse sa dette sans hésiter et va jusqu’au bout de son devoir d’état), le courage (il affronte la peur que suscite le danger et persévérer dans la difficulté) et la tempérance (il résiste à la sulfureuse mère croqueuse d’hommes, mais accueille les avances respectueuses de Marta). Plus encore, il met en scène des personnages qui, presque tous, évoluent : un père indigne et utilitariste finit par aimer son fils pour lui-même ; un adolescent déçu par l’humanité court le risque d’être désarçonné et apprend à dompter un cheval sauvage qui n’est pas qu’extérieur pour finalement redonner sa confiance ; un veuf fatigué, colérique (arrivant en retard, Mike insulte au lieu de s’excuser) et amer d’avoir tout perdu – femme, enfant, travail, estime de l’autre – redécouvre l’émerveillement de monter à cheval, prend soin d’un jeune à qui rien ne l’attache et consent à l’amour, jusqu’à changer de pays et de culture. Il se réconci-lie suffisamment avec lui-même pour pouvoir se lier avec l’autre.
Bref, le vieux Clint sort rajeuni. Celui qui, au début de sa carrière d’acteur puis de cinéaste, était fasciné par la violence de l’homme – Le Retour de l’inspecteur Harry (1983) ; Pale Rider (1985) ; Impitoyable (1992) ; etc. –, ou du moins par son ambivalence – Minuit dans le jardin du bien et du mal (1997) ; Million Dollar Baby (2004) ; etc. – croit désormais à sa bienveillance et même à son héroïsme – il faudrait ici convoquer la filmographie depuis plus d’une décennie – outre ceux déjà cités, Gran Torino (2009) ; Le 15 h 17 pour Paris (2018) ; etc. En effet, même la bad girl (Leta) ne sera punie que d’avoir perdu celui qu’elle n’a jamais aimé ni considéré comme son fils ainsi que d’être possiblement délestée de la moitié de ses gains, et le bad guy d’avoir été humilié par un coq qui l’a désarmé et de devoir rentrer à pied…
Enfin, comment ne pas se réjouir de la confession sans fard ni feinte de l’existence de Dieu (« Crois-tu en Dieu ?, demande Rafo – Je crois », répond simplement Mike) ; et si celui-ci ne se dit pas catholique (à la question toujours aussi direct du jeune homme, il répond par un sobre et humoristique : « Dieu fait-il du favoritisme ? »), il se réfugie longuement dans un sanctuaire marial et épouse au moins de cœur une veuve pleine de bonté qui, chaque matin, vient y déposer une bougie.
Alors, merci, Clint Eastwood pour ce dernier film qui ne sera peut-être pas le dernier ! Visible par tout public (ce que l’on ne peut dire de ses autres œuvres), Cry Macho ne suscite pas des grandes émotions, mais, irénique, révèle une âme pacifiée, au sens évangélique qui est détachement des compromissions violentes, et attachement, su ou insu, à celui qui, « Pax nostra » (Ép 2,14) abolit toutes frontières : « Bienheureux les pacifiques [les artisans de paix], car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5,9).
Pascal Ide
Mike Milo (Clint Eastwood) est une ancienne star de rodéo, devenu éleveur de chevaux au Texas après une grave blessure. En 1980, il est recontacté par un ancien patron, Howard Polk (Dwight Yoakam). Ce dernier lui demande de se rendre au Mexique pour ramener son jeune fils Rafael « Rafo » (Eduardo Minett) qui vit là-bas avec sa mère alcoolique, Leta (Fernanda Urrejola). En reconnaissance d’une ancienne dette, Mike accepte. Un voyage inattendu attend le vieillard. Et peut-être un voyage sans retour – qui cesse d’être négatif quand il rime avec un possible don sans retour dans la personne de Marta (Natalia Traven), une veuve généreuse.