Les deux papes
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Pays:
britannico-italo-américano-argentin
Thème (s):
Eglise
Date de sortie:
2019
Durée:
2 heures 2 minutes
Évaluation:
**
Directeur:
Fernando Meirelles
Acteurs:
Anthony Hopkins, Jonathan Pryce, Juan Minujin
Age minimum:
Adolescents et adultes

Les deux papes (The Two Popes), drame (fictionnel) britannico-italo-américano-argentin de Fernando Meirelles, 2019. Inspiré de la pièce de théâtre d’Anthony McCarten, The Pope, 2017. Avec Anthony Hopkins et Jonathan Pryce. Après avoir été présenté dans plusieurs festivals, comme Telluride et Toronto, le film a bénéficié d’une diffusion mondiale sur la plateforme Netflix. Il a été couronné par trois Oscars : meilleur acteur (Pryce), meilleur second rôle (Hopkins) et meilleur scénario adapté.

Thèmes

Eglise.

Bien que le film se trompe gravement sans doute par ignorance et trompe gravement par idéologie, il touche. Pourquoi ?

 

  1. Les erreurs sont multiples et importantes. Les justes critiques de l’historien et journaliste Christophe Dickès les ont, par exemple, pointées lors de la sortie du film sur Netflix en décembre 2019 [1]. Il est donc inutile de revenir sur elles. Relevons seulement trois points parmi beaucoup. L’occasion du sacrement de la confession – dont, soit dit en passant, la formule d’absolution est fausse – est une grave calomnie : elle prétend que le pape Benoît XVI n’aurait pas dénoncé le fondateur des légionnaires du Christ, alors qu’il est un pédophile notoire. C’est monstrueusement oublier la lucidité, la détermination et le courage très ferme du pape allemand qui, dès le début de son pontificat, a ouvert le dossier si douloureux des abus commis par les prêtres et les religieux.

Benoît XVI est-il le néo-conservateur que l’on dit et le cardinal argentin le réformiste que l’on montre ? Qui nierait les différences entre les deux papes ? Mais les situer sur ce plan, c’est se vouer à ne rien comprendre, ainsi que nous allons le redire. D’ailleurs, à ce jeu, l’on pourrait facilement inverser les perspectives : le pape François insiste beaucoup plus sur le diable, les vertus, la prière populaire, le culte des images que son prédécesseur ; inversement, les prises de position de Benoît XVI dans son admirable encyclique sur la doctrine sociale, Caritas in veritate, sont d’une audace qui n’est guère écoutée.

Disons enfin un mot des caractères. Le film oppose un Benoît XVI colérique à un doux Bergoglio ! Quelle aberration ! Qui a déjà vu une seule fois celui-là s’encolérer, alors que nous avons plusieurs vidéos où celui-ci s’agace et, d’ailleurs, se repent de s’être agacé. Certes, le fait est éthiquement anodin, mais il est artistiquement notoire et notable, tant l’impact de l’image est indexé affectivement.

 

  1. Derrière cette polarisation simpliste et erronée des deux papes se dissimule une vision véhiculée par les médias mainstream et tient à une compréhension pas seulement fruste, mais tout bonnement incorrecte de l’Église, donc du Christ. En l’occurrence, il s’agit de la « dialectique » droite-gauche, conservateur-progressiste, qui lui est appliquée. Or, qu’est-ce que cette répartition dit du mystère de l’Église ? Rien ou si peu. La véritable et seule différence en son sein, Jésus l’avait déjà dit (en Jn 15) et saint Jean l’amplifie dans sa première épître, réside entre ceux qui confessent la divinité du Christ – et qui en vivent –, et ceux qui en doutent ou bien n’en font pas le centre de leur vie.

L’on fait parfois de l’adhésion au concile Vatican II l’indice différenciant les deux mentalités : serait réformiste celui qui adhérerait au dernier concile et conservateur celui qui demeurerait tridentin. Or, outre que c’est adopter une vision discontinuiste de l’histoire de l’Église, c’est oublier que Joseph Ratzinger est, de tous les derniers papes, le meilleur connaisseur de Vatican II et son plus vigilant applicateur. L’on ne relira jamais assez deux discours essentiels du pape Benoît XVI : l’un des tout premiers, prononcé devant la Curie romaine le 22 décembre 2005, l’un des tout derniers, improvisé devant le le clergé de la ville de Rome le 14 février 2013.

L’on adopte aussi parfois comme critère de démarcation les prises de position vis-à-vis de l’éthique sexuelle et familiale. Or, sur tous les points relevés par le film, le pape François tient la doctrine constante du Magistère ecclésial. Je me permets de renvoyer au résumé que j’ai donné de l’article décisif du père Basile Valuet sur ce sujet : « Amoris laetitia, chap. 8. La continuité de l’enseignement magistériel ».

 

  1. Pourtant, on ne peut le nier, le film est touchant et attachant. Comment, par exemple, ne pas être ému par la belle scène d’adieu entre l’évêque de Rome et l’évêque de Buenos Aires désormais devenus amis – pour moi, la plus belle du film ? Or, cette scène est le fruit du long chemin – long dans le cœur et bref dans le temps – parcouru par ces deux personnes d’exception. Or, à moins qu’il ne soit ganté d’amertume, comment le cœur ne se laissera-t-il pas rejoindre par cette double métamorphose qui conduit deux être si radicalement éloignés (selon l’idéologie du film) à devenir si proches ? Que le spectateur se sente voisin de l’un ou de l’autre (là encore selon la représentation fautive du film), comment ne se sentira-t-il pas ému par les deux protagonistes que les têtes distancient, mais que les cœurs apparient ? Tant s’aimer les uns les autres ne signifie pas penser la même chose.

 

Pourquoi chercherais-je à unifier ce qui ne l’est pas ? À distance (j’ai vu le film voici un mois), mes sentiments demeurent toujours non pas mélangés, mais simplement incompatibles et non miscibles. D’un côté, je suis mécontent de cette vision politiquement si correcte de l’Église et des deux papes, et théologiquement si infidèle à l’essence de la première et à l’identité des seconds. De l’autre, je suis joyeux de ce chemin si évangélique où la charité (certes, en sacrifiant trop à la vérité) l’emporte sur les tensions partisanes et donc, justement, sur les représentations politiciennes gauche-droite du Corps du Christ. Nous ne sommes ni à Paul, ni à Apollos, ni à Benoît XVI, ni à François, mais nous sommes au Christ, qui ne cesse de diriger son Église, encore davantage par gros temps, à travers ses pasteurs – aujourd’hui, le pape François, hier (mais encore, d’une manière mystérieuse, aujourd’hui) le pape Benoît XVI…

Pascal Ide

[1] Cf. le site consulté le 20 août 2021 : https://fr.aleteia.org/2019/12/22/les-deux-papes-dans-le-film-comme-dans-la-realite-tout-oppose-les-deux-hommes/

S’interrogeant sur sa mission, le cardinal archevêque de Buenos Aires Jorge Bergoglio (Jonathan Pryce) décide de prendre l’avion en 2012 pour se rendre à Rome et rencontrer le pape Benoît XVI (Anthony Hopkins) afin d’obtenir la permission de démissionner pour continuer à servir l’Église en tant que simple prêtre diocésain. La rencontre à Castelgondolfo ne se déroule pas du tout comme prévu. Le souverain Pontife commence par reprocher à Jorge Bergoglio ses positions critiques, ses options progressistes et sa volonté de réformer l’Église. Puis, à la faveur des temps partagés, les deux hommes se rapprochent l’un de l’autre, Benoît XVI révèle au cardinal argentin contre toute attente son intention de quitter ses fonctions de successeur de Pierre et lui demande son avis. Comment va-t-il réagir ?

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