A) Les sciences de la nature au xixe siècle ou l’introduction subreptice du temps
On l’a souvent répété, le xixe siècle est le siècle de l’histoire. Cette affirmation générale est vraie. Pour peu que l’on comprenne qu’elle ne bouscule pas le schéma général du mécanisme. Cette affirmation est paradoxale, quand on songe combien le mécanisme est anhistorique, a évacué toute référence au temps.
Le temps apparaît dans deux disciplines scientifiques : la thermodynamique et la biologie par le biais de la théorie transformiste. Mais il sera pensé dans sa nature spécifique par la philosophie, notamment par Hegel et Marx en Allemagne (à un titre bien moindre par Comte en France).
En fait, je traiterai de ces disciplines vers la fin.
B) La philosophie de la nature scientiste
Certains s’étonneront de ce que je limite ces philosophes à deux : Comte et Marx. En effet, le xixe siècle a laissé des grands noms de penseurs de la nature comme Hegel. Ce choix tient à une différence de perspective. Ici sont considérés les philosophes de lignée plus matérialiste, plus mécaniste ; je réserve à la troisième partie les philosophes de la nature « dissidents » et réactifs.
1) La cosmologie positiviste d’Auguste Comte
Le positivisme d’Auguste Comte est bien connu. Je rappellerai ce que le philosophe français appelle la « grande loi fondamentale », celle des trois états, qui permet d’expliquer la place accordée au positivisme et sa nature ; il sera alors possible de décrire sa conception de la science.
a) La loi des trois états [1]
« En étudiant ainsi le développement total de l’intelligence humaine dans ses diverses sphères d’activité, depuis son premier essor le plus simple jusqu’à nos jours, je crois avoir découvert une grande loi fondamentale, à laquelle il est assujetti par une nécessité invariable, et qui me semble pouvoir être solidement établie, soit sur les preuves rationnelles fournies par la connaissance de notre organisation, soit sur les vérifications historiques résultant d’un examen attentif du passé. Cette loi consiste en ce que chacune de nos connaissances, passe successivement par trois états théoriques différents : l’état théologique, ou fictif ; l’état métaphysique, ou abstrait ; l’état scientifique, ou positif ». Et ces « trois sortes de philosophie […] s’excluent mutuellement : la première est le point de départ nécessaire de l’intelligence humaine, la troisième son état fixe et définitif : la seconde est uniquement destinée à servir de transition ». Précisons la nature de chaque état :
« Dans l’état théologique, l’esprit humain, dirigeant essentiellement ses recherches vers la nature intime des êtres, les causes premières et finales de tous les effets qui le frappent, en un mot, vers les connaissances absolues, se représente les phénomènes comme produits par l’action directe et continue d’agents surnaturels plus ou moins nombreux, dont l’intervention arbitraire explique toutes les anomalies apparentes de l’univers.
« Dans l’état métaphysique, qui n’est au fond qu’une simple modification générale du premier, les agents surnaturels sont remplacés par des forces abstraites, véritables entités (abstractions personnifiées) inhérentes aux divers êtres du monde, et conçues comme capables d’engendrer par elles-mêmes tous les phénomènes observés, dont l’explication consiste alors à assigner pour chacun l’entité correspondante.
« Enfin, dans l’état positif, l’esprit humain, reconnaissant l’impossibilité d’obtenir des notions absolues, renonce à chercher l’origine et la destination de l’univers, et à connaître les causes intimes des phénomènes, pour s’attacher uniquement découvrir, par l’usage bien combiné du raisonnement et de l’observation, leurs lois effectives, c’est-à-dire leurs relations invariables de succession et de similitude. L’explication des faits, réduite alors à ses termes réels, n’est plus désormais que la liaison établie entre les divers phénomènes particuliers et quelques faits généraux, dont les progrès de la science tendent de plus en plus à diminuer le nombre ».
Cette phylogenèse se trouve confirmée par l’ontogenèse, autrement dit l’individu vérifie dans son histoire propre ce qui vaut pour l’évolution de l’humanité : « Le point de départ étant nécessairement le même dans l’éducation de l’individu que dans celle de l’espèce, les diverses phases principales de la première doivent représenter les époques fondamentales de la seconde. Or, chaucn de nous, en contemplant sa propre histoire, ne se souvient-il pas qu’il a été successivement, quant à ses notions les plus importantes théologien dans son enfance, métaphysicien dans sa jeunesse, et physicien dans sa virilité ? Cette vérification est facile aujourd’hui pour tous les hommes au niveau de leur siècle ».
Dans la suite de son développement, Comte montre que ce processus n’est pas à évaluer, mais à constater, car il est nécessaire. En effet, on constate « le besoin, à toute époque, d’une théorie quelconque pour lier les faits ». Or, il était évidemment impossible « pour l’esprit humain à son origine, de se former des théories d’après les observations ». Voilà pourquoi, obligatoirement, le premier état intellectuel de l’humanité devait être celui des théories théologiques, auquel ont succédé les théories métaphysiques. Enfin a pu advenir l’ère positive où l’on regarde « tous les phénomènes comme assujettis à des lois naturelles invariables » et en revanche « comme absolument inaccessible et vide de sens pour nous la recherche de ce qu’on appelle les causes, soit premières, soit finales ». Exemple-type : la « belle » théorie de la gravitation newtonienne « nous montre toute l’immense variété des faits astronomiques comme n’étant qu’un seul et même fait envisagé sous divers points de vue ». Voilà ce que dit la loi de gravitation. Par contre, « quant à déterminer ce que sont en elles-mêmes cette attraction et cette pesanteur, quelles en sont les causes, ce sont des questions que nous regardons tous comme insolubles, qui ne sont plus du domaine de la philosophie positive, et que nous abandonnons avec raison à l’imagination des théologiens, ou aux subtilités des métaphysiciens ».
b) La conception de la science
Pour Comte, la science positive se fonde d’abord et avant tout sur les faits qui sont objet d’observation et d’expérimentation, donc de certitude. À ces faits se joignent des hypothèses qui ne tirent leur droit à l’existence que par leur vérifiabilité. Comte ne nie pas la valeur heuristique des hypothèses, cet « heureux détour », mais il entend soigneusement en réguler l’utilisation, par le biais des faits : « l’emploi de ce puissant artifice doit être constamment assujetti à une condition fondamentale, à défaut de laquelle il tendrait nécessairement, au contraire, à entraver le développement de nos vraies connaissances. Cette condition, jusqu’ici vaguement analysée, consiste à ne jamais imaginer que des hypothèses susceptibles, par leur nature, d’une vérification positive, plus ou moins éloignée, mais toujours clairement inévitable, et dont le degré de précision soit exactement en harmonie avec celui que comporte l’étude des phénomènes correspondants ». Autrement dit, une hypothèse ne tire sa légitimité que de ce qu’elle anticipe l’expérience : le fait mesure l’hypothèse qui est proposée en épousant au plus près le donné. C’est déjà ce que fait l’astronomie ; cela devrait être a fortiori le cas en physique : « Quelle peut être l’utilité scientifique de ces conceptions fantastiques, qui jouent encore un si grand rôle, sur les fluides et les éthers imaginaires auxquels on rapporte les phénomènes de la chaleur, de la lumière, de l’électricité et du magnétisme ? Ce mélange intime de réalité et de chimères ne doit-il pas, de toute nécessité, fausser profondément les notions essentielles de la physique, engendrer des débats sans issue, et inspirer à beaucoup de bons esprits une répugnance naturelle, quoique funeste, pour une étude qui offre un tel caractère d’arbitraire ? »
Et Comte conclut sur le « principe fondamental de la vraie théorie relative à l’institution des hypothèses » : « toute hypothèse scientifique, afin d’être réellement jugeable, doit exclusivement porter sur les lois des phénomènes, et jamais sur leurs modes de production [2] ».
Pour les mêmes raisons, le fondateur du positivisme répugne à une théorie totalement unificative, à la réduction de tous les ordres de phénomènes sous « une seule loi commune ». D’abord, les essais accomplis ces deux derniers siècles ont échoué dans cette entreprise, notamment dans l’astronomie qui était pourtant considérée comme la science la plus avancée pour Auguste Comte. Surtout, la raison de « cette impossibilité directe de tout ramener à une seule loi positive comme une grave imperfection, suite inévitable de la condition humaine, qui nous force d’appliquer une très faible intelligence à un univers très compliqué [3] ».
2) Évaluation critique
La tentation de résorber la philosophie dans la science porte le nom déjà rencontré de scientisme et prend souvent la forme du positivisme. L’ »histoire des sciences, explique François Russo, surtout depuis le début du xixe siècle, présente deux faces : l’une purement positive, dégagée de toute influence philosophique, comme par exemple dans le domaine de la mécanique des fluides ou dans nombre de travaux sur la chaleur et sur l’électricité ; l’autre philosophique, et même beaucoup plus philosophique que dans le passé. Et ceci encore plus au xxe siècle qu’au xixe. Il semble que l’on puisse considérer que, du fait qu’elle s’approfondissait et qu’elle s’unifiait, la Science rencontrait des questions fondamentales qui apparaissaient de caractère philosophique [4] ». Et de donner surtout l’exemple du concept de temps. Pour l’auteur, toutefois, il ne semble pas que les vues philosophiques des hommes de science « aient été vraiment utiles au progrès de la Science [5] ».
Avec beaucoup de finesse et de justesse, Maurice Clavelin note dans son passionnant ouvrage sur Galilée, que la conception que celui-ci se fait de la science, loin d’évacuer toute métaphysique, en présuppose une, implicite, que les philosophes ultérieurs se chargeront d’expliciter. « Mieux que quiconque, Galilée nous permet […] d’apercevoir à quel point la science moderne, loin d’être la négation de la philosophie, repose en son principe sur certaines démarches proprement philosophiques ». En effet, comme Clavelin le démontre de manière inductive, « soutenir l’aptitude de la raison mathématique à comprendre le réel, admettre l’homogénéité de la nécessité rationnelle et de la nécessité naturelle, faire de l’existence de simplicité un critère pour l’explication, ce n’est pas énoncer des évidences, mais introduire, par un acte de libre choix, les affirmations métaphysiques dont la physique classique sera inséparable. En nous replaçant aux sources mêmes de cette physique, Galilée nous rappelle que née de la substitution d’un idéal explicatif à un autre idéal explicatif, elle est aussi un pari qui malgré ses succès demeure l’une des plus belles aventures de la raison. Contre la tentation toujours renaissante du positivisme ou du pragmatisme, il n’est pas de meilleure garantie qu’un retour à Galilée [6] ».
De même, Koyré montre combien la physique newtonienne, autre apparent paradigme de science pure, est une philosophie masquée.
Pour une réfutation précise du positivisme, nous renvoyons aux intéressants développements d’Henri de Lubac dans la première partie de son ouvrage toujours jeune, Le drame de l’humanisme athée.
3) Un autre témoin. Ernest Renan et l’Avenir de la science
Ernest Renan (1823-1890) est une figure typique et marquante du scientiste du xixe siècle, au même titre qu’Auguste Comte. L’ouvrage témoin par excellence de cette attitude est L’avenir de la science. En effet, ce fut le premier ouvrage qu’il écrivit (1848). Mais, paradoxalement, ce fut l’un des derniers qu’il publia (1890) [7].
a) La thèse de l’ouvrage et de Renan
Il nous dit dans sa Préface, même s’il émet quelques réserves quant à son style, quant à son « optimisme exagéré [8]« et quant à quelques enthousiasmes politiques de jeunesse à l’égard de la « civilisation égalitaire » du socialisme [9], pour l’essentiel, ses convictions sont demeurées identiques, à savoir : « j’ai peu varié depuis que je commençai de penser librement. Ma religion, c’est toujours le progrès de la raison, c’est-à-dire de la science [10] ». « La science restera toujours la satisfaction du plus haut désir de notre nature, la curiosité ». Plus encore, « elle fournira à l’homme le seul moyen qu’il ait pour améliorer son sort [11] ». « J’eus donc raison, au début de ma carrière intellectuelle, de croire fermement à la science et de la prendre comme but de ma vie. Si j’étais à recommencer, je referais ce que j’ai fait [12] ». Autrement dit, ce texte clé est comme son œuvre programmatique et son testament.
La conséquence négative est la disparition de toute foi surnaturelle : « Il est devenu clair, non par des raisons a priori, mais par la discussion même des prétendus témoignages, qu’il n’y a jamais eu, dans les siècles attingibles à l’homme, de révélation ni de fait surnaturel [13] ». Or, de même que l’homme éclairé par la science commet moins de crimes, de même l’homme de foi est plus voué à l’immédiateté sauvage de ses instincts. Ou plutôt, c’est l’œuvre civilisatrice de la science qui, écartant la superstition, est garant d’une plus grande humanité (au sens moral du terme).
b) Le développement de l’ouvrage
Retraçons en quelques lignes le développement de L’avenir de la science. Il propose d’abord son projet, sa finalité (chap. 1-5). Pour lui, le savoir est le « premier besoin de l’humanité ». Celle-ci doit donc s’adonner au « patient labeur scientifique ». Aussi faut-il combattre soigneusement tout « supernaturalisme » et, en positif, appelle de ses vœux une « science positive des choses métaphysiques et morales ». Si, avec Comte, Renan défend le positivisme, contre Comte, il se refuse à écarter métaphysique et morale. Nous allons le revoir.
En un second temps, Renan propose différents chemins pour mettre en œuvre ses désirs, son projet (chap. 6-16). Pour cela, il discute de l’organisation scientifique, des questions d’organisation (relation Etat-Université-Écoles, enseignement-recherche, savants-amateurs), de méthodes (relation spécialisation-généralités, classifications des savoirs et de leurs relations). Il plaide en faveur d’une reconnaissance de la diversité des savoirs : littérature, histoire, mythologies, religions, bref, les « sciences de l’humanité » méritent autant notre attention que les « sciences de la nature ».
Enfin, Renan expose les avantages que l’on peut tirer de sa vision (chap. 17-23). C’est là où éclate la logique et la jusitication du scientisme. La science ainsi conçue et cultivée ne peut qu’améliorer la société. Ne faudrait-il pas un « gouvernement scientifique » pour « cultiver le peuple » ?
c) Origine religieuse
Il n’est pas inutile de rappeler que Renan fit des études au collège ecclésiastique de Tréguier où il est né, qu’il les continua au petit séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet en 1838, qu’il entra au grand séminaire d’Issy en 1841 et à Saint-Sulpice en 1843. Il renonça à sa carrière ecclésiastique en 1845, mais resta toujours profondément marqué par sa formation religieuse (plus encore que théologique). Toute sa vie, tous ses ouvrages, par certains côtés, demeurent une prise de position, comme une justification à l’égard de son départ du séminaire. Il écrit une Vie de Jésus qui paraît en juin 1863 et publie une Histoire des origines du christianisme, jusqu’en 1883 qu’il prolonge par une Histoire du peule d’Israël. Il a été nommé professeur au Collège de France en 1862 et élu à l’Académie française en 1878.
Au fond, Renan ne veut pas renoncer à l’esprit religieux, mais il veut que celui-ci soit unifié par le savoir scientifique. La religion serait donc purifiée de tout germe hétéronome, surnaturaliste : elle serait mesurée exactement par la raison et se refuserait à toute ingérence d’une Révélation et d’un Magistère.
Autrement dit, Renan représente l’apogée scientiste de la raison autofondée qui est le projet de la modernité. Mais, comme Comte, il ne peut s’empêcher d’intégrer l’esprit religieux.
d) Conclusion
Voilà comment Renan achève son ouvrage. Il vaut la peine de citer longuement ce manifeste. En lisant cette page, on mesurera combien cet athéisme est d’abord une sécularisation. On se souviendra aussi du mot de Chesterton selon lequel notre siècle est plein d’idées chrétiennes devenues folles : « Un souvenir me remonte dans l’âme, il m’attriste, sans me faire rougir. Un jour, au pied de l’autel, et sous la main de l’évêque, j’ai dit au Dieu des Chrétiens : «Dominus pars hæreditatis meæ et calicis mei ; tu es qui restitues hæreditatem meam mihi.» J’étais bien jeune alors, et pourtant j’avais déjà beaucoup pensé. À chaque pas que je faisais vers l’autel, le doute me suivait ; c’était la science, et, enfant que j’étais, je l’appelais le démon. Assailli de pensées contraires, chancelant à vingt ans sur les bases de ma vie, une pensée lumineuse s’éleva dans mon âme et y rétablit pour un temps le calme et la douceur : Qui que tu sois, m’écriai-je dan smon cœur, ô Dieu des nobles âmes, je te prends pour la portion de mon sort. Jusqu’ici je t’ai appelé d’un nom d’homme ; j’ai cru sur parole celui qui dit : Je suis la vérité et la vie. Je lui serait fidèle en suivant la vérité partout où elle me mènera. Je serai le véritable Nazaréen, tandis que, renonçant au vanités et aux superfluités de la terre, je n’aurai d’amour que pour les belles choses et ne proposerai à mon activité d’autre objet ici-bas. Eh bien ! aujourd’hui, je ne me repens pas de cette parole et je redis volontiers : «Dominus pars hæreditatis meæ», et j’aime à songer que je l’ai prononcée dans une cérémonie religieuse. Les cheveux ont repoussé sur ma tête ; mais toujours je fais partie de la sainte milice des déshérités de la terre. Je ne me tiendrai pour apostat que le jour où des intérêts usurperaient dans mon âme la place des choses saintes, le jour où, en pensant au Christ de l’Evangile, je ne me sentirais plus son ami, le jour où je prostituerai ma vie à des choses inférieures et où je deviendrais le compagnon des joyeux de la terre.
« J’ai été formé par l’Eglise, je lui dois ce que je suis, et ne l’oublierai jamais. L’Eglise m’a séparé du profane, et je l’en remercie. Celui que Dieu a touché sera toujours un être à part : il est, quoi qu’il fasse, déplacé parmi les hommes, on le remarque à un signe. Pour lui, les jeunes gens n’ont pas d’offres joyeuses, et les jeunes filles n’ont point de sourire. Depuis qu’il a vu Dieu, sa langue est embarrassée ; il ne sait plus parler des choses terrestres. O Dieu de ma jeunesse, j’ai longtemps espéré revenir à toi enseignes déployées et avec la fierté de la raison, et peut-être te reviendrai-je humble et vaincu comme une faible femme. Autrefois tu m’écoutais ; j’espérais voir quelque jour ton visage ; car je t’entendais répondre à ma voix. Et j’ai vu ton temple s’écrouler pierre à pierre, et le sanctuaire n’a plus d’écho, et, au lieu d’un autel paré de lumières et de fleurs, j’ai vu se dresser devant moi un autel d’airain, contre lequel va se briser la prière, sévère, nu, sansimages, sans tabernacle, ensanglanté par la fatalité. Est-ce ma faute ? est-ce la tienne ? Ah ! que je frapperais volontiers ma poitrine, si j’espérais entendre cette voix chérie qui autrefois me faisait tressaillir. Mais non, il n’y a que l’inflexible nature ; quand je cherche ton œil de père, je ne trouve que l’orbite vide et sans fond de l’infini, quand je cherche ton front céleste, je vais me heurter contre la voûte d’airain, qui me renvoie froidement mon amour. Adieu donc, ô Dieu de ma jeunesse ! Peut-être seras-tu celui de mon lit de mort ! Adieu ; quoique tu m’aies trompé, je t’aime encore [14]! »
Telle est la substitution qu’opéra Renan pour se sécuriser et qui deviendra ensuite une conviction à laquelle il adhéra. Mais un discernement chrétien voit bien que Renan a investi le religieux, le désir d’infini qui soulève son âme dans l’idole Raison, Progrès et Science. Sa conscience ne lui reproche rien, mais est-il pour autant justifié ?
Notons que Renan cherche un père, une personne, quelqu’un à qui donner son amour. Et il ne trouve que la déesse nature à adorer. Notons surtout que la lucidité de sa fin de vie l’incline à un pessimisme directement corrélé à l’absence de points de repère : « si, par l’incessant travail du xixe siècle, la connaissance des faits s’est singulièrement augmentée, la destinée humaine est devenue plus obscure que jamais. Ce qu’il y a de grave, c’est que nous n’entrevoyons pas pour l’avenir, à moins d’un retour à la crédulité, le moyen de donner à l’humanité un catachisme désormais acceptable. Il est donc possible que la ruine des croyances idéalistes soit destinée à suivre la ruine des croyances surnaturelles, et qu’un abaissement réel du moral de l’humanité date du jour où elle a vu la réalité des choses [15] ».
C) La philosophie de la nature de Karl Marx
Karl Marx n’a pas élaboré à proprement parler une philosophie de la nature. Il demeure que sa philosophie s’est construite à partir d’une conception précise de la nature. Plus que le détail de cette philosophie, il est beaucoup plus intéressant, pour nous, d’en saisir la genèse, l’intuition centrale et son articulation aux pensées antérieures et ultérieures [16].
1) Le point de départ
Le point de départ de la pensée de Marx est Hegel [17]. Marx n’a cessé d’être un lecteur fervent de la Phénoménologie et de la Science de la Logique. Dès sa thèse de doctorat [18], Marx se présente et se manifeste comme un hériter de la théorie hégélienne de la dialectique. Il y puise sa méthode, sa formalisation.
Or, la négativité, qui est en effet le cœur de la pensée hégélienne, ne prend sens que dans une perspective chrétienne, puisque la réconciliation est le modèle de l’Aufhebung, de la rationalité aux prises avec les déchirements constitutifs de la finitude et de l’immédiateté. En effet, l’homme face à Dieu est réduit à n’être qu’une conscience malheureuse, explique la Phénoménologie de l’esprit. Seul le Christ réconcilie esprit fini et esprit infini, exorcisant de ce fait toute conscience malheureuse par sa médiation.
Par conséquent, lorsque s’affaisse le christianisme, lorsque le Verbe Incarné disparaît, la relation homme-Dieu retrouve toute sa fragilité préchrétienne. La pensée se trouve ballottée entre un théisme indifférent à l’homme et un humanisme proclamant l’autosuffisance de l’homme : on voit donc apparaître l’humanisme résolument athée.
Et que se passe-t-il quand on fait profession d’athéisme ? L’homme ne peut que devenir le centre. Mais nous ne pouvons faire l’économie de tout ce que nous savons de Dieu. Plus exactement, tous les attributs de l’Autre vont se trouver en l’homme, retranscrits dans la sphère de l’essence de l’homme.
C’est ce qui arrive chez un élève, plus qu’un disciple de Hegel, Ludwig Feuerbach. Dans son ouvrage le plus fameux, L’essence du christianisme. Son point de départ est la finitude : « l’homme ne peut jamais dépasser sa véritable essence (Wesen) ». En effet, tout ce que l’homme peut se représenter, imaginer sur d’autres êtres, par exemple des intelligences extraterrestres (Feuerbach donne cet exemple), ne viennent jamais que de notre point de vue : ce « sont toujours des déterminations tirées de son essence propre [19] ». Ce qui vaut en général de tout objet vaut particulièrement pour l’objet religieux. L’objet sensible est extérieur à l’homme, mais l’objet religieux lui est intérieur. Aussi, « la conscience de Dieu est la conscience de soi de l’homme, la connaissance de Dieu est la connaissance de soi de l’homme [20] ». Désormais, tout ce que l’on disait de Dieu va être récupéré par l’homme au service de l’Homme qu’il faut faire advenir.
Cependant, l’homme ne peut se faire face. Il doit se donner un vis-à-vis. En effet, l’altérité divine se dissout dans la mêmeté de l’identité humaine. Dès lors, tout devenir de l’essence humaine devient une mystification, une pure apparence : elle n’est que retour à soi. Il faut sortir de la sphère humaine.
Puisque ce vis-à-vis ne peut être le même qu’est l’homme ni le Tout Autre qui a été banni, il demeure la nature. Dès lors, la nouvelle dialectique devient celle de l’homme et de la nature, celle de l’humanisme et du naturalisme. Mais encore faut-il trouver une médiation effective pour ne pas demeurer dans l’instabilité et tôt ou tard verser dans l’un des extrêmes. Feuerbach l’a bien compris, mais n’a pas su résister à ce balancement : son humanisme s’est assez vite inversé en un naturalisme « vulgaire » : « L’homme est ce qu’il mange ! » Encore trop occupé à assumer l’héritage religieux, donc trop réactif, Feuerbach n’a pas su se positionner en plein, en positif, c’est-à-dire vis-à-vis de la nature. Il appartiendra à Marx de trouver la réconciliation entre l’homme et la nature, en se liquidant définitivement la question de Dieu.
2) La philosophie de la nature
a) Le primat de la relation homme-nature
On voit la situation : Marx conserve de l’héritage hégélien la dialectique mais en dissocie l’essence spirituelle, en révoque le théisme chrétien. Son point de départ est l’athéisme qui est déjà acquis : « le communisme commence immédiatement avec l’athéisme [21] ». Cet athéisme n’est pas une vulgaire négation de Dieu. Dialectiquement, cette négation est une autoposition de l’homme : « l’athéisme est une négation de Dieu et, par cette négation, pose l’existence de l’homme [22] ». Non pas l’homme seul, mais l’homme dans son rapport à la nature : le point de départ du communisme est « la conscience théoriquement et pratiquement sensible de l’homme et de la nature comme de l’essence [23] ». Marx a donc pris acte de l’aventure de l’humanisme de Feuerbach et de son échec : il ne s’agit plus pour l’homme de s’approprier l’essence divine ; le point de départ est l’unité relationnelle homme-nature.
b) La médiation opérée par le travail
Mais il y a plus. Marx a enregistré une autre grande leçon de l’idéalisme allemand : le primat de la raison pratique sur la raison en son statut spéculatif ou contemplatif. La raison est liberté. Dès lors, la relation de l’homme à la nature n’est plus spéculative : il ne se contemple plus dans la nature comme dans son autre, ce qui risquerait de réintroduire la problématique de l’essence humaine dont on a vu qu’elle était, chez Feuerbach, le substitut de l’essence divine ; la relation sera résolument pratique. Or, la relation pratique et active de l’homme et de la nature, c’est le travail. Voilà pourquoi la philosophie du travail et l’économie sont au cœur de la pensée de Marx : à cause de sa réflexion sur la nature. Donc ne nous trompons jamais : Marx ne s’intéresse à l’économie industrielle, à la formalisation des théorèmes de Ricardo sur la plus-value et les salaires, que pour comprendre la relation de l’homme et de la nature.
c) La relation blessée de l’homme à la nature ou l’aliénation économique
Or, Marx va faire le constat historique que le travail est aliéné, donc que la relation laborieuse de l’homme à la nature est brisée. Pourquoi ? A cause de la propriété. En effet, la propriété est, par nature, une institution qui désapproprie le travailleur de son œuvre. Or, la relation homme-nature est une relation d’échange. Marx en trouvera la preuve dans ses analyses historiques. Dans L’idéologie allemande, dont le texte fut rédigé après les Manuscrits de 1844, Marx montre le déploiement historique de la dialectique entre les classes de ceux qui possèdent et de ceux qui sont exploités. Selon un schéma emprunté à la célèbre dialectique du maître et de l’esclave, Marx dessine les renversements successifs où les asservis viennent à leur tour asservir, et cela, exclusivement dans les classes moyennes centrées sur la propriété. Dès lors, la dialectique nature-homme en vient à commander toute l’histoire : « tout ce qu’on appelle histoire universelle n’est rien d’autre que l’engendrement de l’homme par le travail humain, que le devenir de la nature pour l’homme [24] ». Et puisque cette relation est par essence économique, matérielle, on parlera de matérialisme historique [25].
La propriété est comme un péché originel [26]. Et le communisme sera le Messie de ce nouveau péché, l’agent de la réconciliation. Celle-ci passera par la libération de l’aliénation majeure qu’est la propriété privée. L’homme accédera ainsi au travail libéré et à la société sans classe. Le matérialisme de Marx veut construire une société réconciliée par la médiation d’un travail régénéré qui pourra enfin être le médiateur entre l’homme et la nature.
Je n’entrerai pas plus avant dans le détail de la philosophie marxienne de la nature. On en a vu le ressort profond qui est sa relation dialectique d’avec l’homme, mais sur fond d’athéisme.
3) La dissolution dans le naturalisme
La vision marxiste de la nature tient-elle ses promesses ? Ne la jugeons pas à l’aune de ses réalisations pratiques catastrophiques, car ce serait injuste et anachronique. Jaugeons-la au plan-même où elle se situe qui est celui de la dialectique homme-nature, et ainsi nous ne quitterons pas non plus nôtre perspective qui est celle de la philosophie de la nature : l’enseignement est enrichissant. Marx tente de réconcilier l’homme avec la nature. Or, comme toute dialectique, « la relation de l’homme à la nature risque le contrepoint d’un humanisme et d’un naturalisme. Chez Marx lui-même cette oscillation dialectique peut être remarquée. Il est patent, en tout cas, que la dernière période de notre auteur cède à un matérialisme naturaliste, probablement à partir de la lecture de Darwin [27] ». L’un des deux termes finit par l’emporter.
Mais ce passage à un naturalisme, déjà observé chez Feuerbach, est encore plus patent dans la postérité marxiste. Notamment chez deux auteurs : chez Engels. Dans sa conception de l’histoire s’opère une réduction naturaliste du matérialisme dialectique. En cohérence avec Marx, Engels affirme que la structure économique est « la base réelle qui permet, en dernière analyse, d’expliquer toute la superstructure », de sorte que « toute l’histoire passée était l’histoire de la lutte des classes [28] ». Les phénomènes politiques, culturels, religieux, artistiques deviennent dès lors des superstructures de la structure économique. Mais l’histoire dialectique, si elle est entièrement conditionnée par l’économique, demeure une histoire du rapport de l’homme à la nature, non une histoire de la nature elle-même. Or, on assiste à ce dangereux glissement de l’histoire économique vers une histoire naturelle chez Engels. Par exemple, lorsqu’il affirme : « la nature est le banc d’essai de la dialectique [29] ». Conséquence concrète et confirmation : Engels a demandé leur aide aux sciences naturelles et a salué l’œuvre de Darwin comme celle « qui a porté le coup le plus puissant à la conception métaphysique de la nature [30] ».
Même réductionnisme chez Joseph Staline qui transforme la négativité dialectique à l’œuvre dans l’histoire par les libertés en une logique des choses : « Contrairement à la métaphysique, la dialectique part du point de vue que les objets et les phénomènes de la nature implique des contradictions internes [31] ». La dialectique interne à la nature, à la vie explique l’émergence de formes inédites, un passage du quantitatif au qualitatif, de l’inférieur au supérieur [32] ». Pour Staline, cette dialectique de la nature est le creuset à partir duquel est assuré la dialectique historique. La lutte des classes n’est plus qu’un moment de l’histoire dialectique du cosmos conçue comme une lutte immanente des phénomènes, à partir de leurs contradictions.
4) Évaluation critique
Le matérialisme historique de Karl Marx est devenu un matérialisme dit scientifique. L’oubli du pôle divin voue l’auteur du Capital à sacrifier l’homme au naturalisme. La philosophie de Marx « exalte l’orgueil de l’homme prométhéen, mais elle ne fait pas confiance à l’homme d’abord. Elle place sa confiance dans l’histoire, ce qui est différent. Car l’orgueil peut être désespéré […]. L’historicisme hégélien a digéré les aspirations à la justice ; mais par là, l’éthique amoraliste inhérente à l’économie libérale n’a-t-elle pas réussi à réabsorber la revendication socialiste [33]? »
Il ne s’agit pas ici d’affirmer la nécessité de Dieu, mais seulement de noter que la mise en œuvre d’une méthode dialectique suppose le respect de son lieu spirituel d’épanouissement, de la médiation réconciliatrice assurée par Dieu et de l’articulation des trois termes du syllogisme. Il faudra en son temps, dans la conclusion, se demander si une philosophie de la nature peut se passer d’une interrogation sur Dieu. De ce fait, il faut s’interroger sur le « coup de force » marxiste qui postule son athéisme au lieu de le problématiser [34].
Soulignons aussi un autre oubli de la dialectique marxiste. Telle qu’élaborée par Hegel, la dialectique ne prend sens que si elle est animée par l’esprit : elle n’existe pas dans la nature puisque celle-ci oppose les forces et non les sens ; or, la contradiction intéresse le sens [35] ; elle existe seulement dans la vie de l’esprit libre qui se pose, se déprend, se dédouble en négation de la négation et se réconcilie : la négation est un acte spirituel. Voilà pourquoi le matérialisme de Marx ne peut être dialectique sans se dissoudre : son autre n’est que matière. Ce déni de l’esprit est l’autre explication de la faillite du marxisme et son effondrement dans le naturalisme.
Pascal Ide
[1] Auguste Comte, Cours de philosophie positive, tome 1, Paris, 1830, 1e leçon.
[2] Id., Cours de philosophie positive, tome 2, Paris, 1835, 28e leçon.
[3] Id., Discours sur l’esprit positif, 1e partie, ch. 2, s. 1, § 19, Paris, 1844.
[4] François Russo, Nature et méthode de l’histoire des sciences, Paris, Librairie scientifique et technique Albert Blanchard, nouveau tirage, 1984, p. 202-203. Souligné dans le texte.
[5] Ibid., p. 203.
[6] Maurice Clavelin, La philosophie naturelle de Galilée, p. 465.
[7] Ernest Renan, Œuvres complètes, Éd. Henriette Psichari, Paris, Calmann-Lévy, 10 volumes, 1947-1961. L’avenir de la science est dans le volume III. Je le citerai selon l’édition de poche présentée par Annie Petit, « GF » n° 765, Paris, Flammarion, 1995.
[8] L’avenir de la science, p. 70.
[9] « L’inégalité est écrite dans la nature ; elle est la conséquence de la liberté » (Ibid., p. 69).
[10] Ibid., p. 69.
[11] Ibid., p. 75.
[12] Ibid., p. 76. Mais il ne peut s’empêcher, dans la suite immédiate, de faire une nouvelle allusion à la foi qui ne le quitte jamais « L’immortalité, c’est de travailler à une œuvre éternelle. Selon la première idée chrétienne, qui était la vraie, ceux-là seule ressusciteront qui ont servi au travail divin, c’est-à-dire à faire régner Dieu sur la terre ». (Ibid.)
[13] Ibid., p. 72.
[14] Ibid., p. 489 à 491.
[15] Ibid., p. 75.
[16] Cf. à ce sujet, les pages suggestives de Claude Bruaire, La dialectique, coll. « Que sais-je ? » n° 363, Paris, PUF, 1985, p. 89 à 106.
[17] Certes, on connaît la phrase fameuse de V. Lénine « La doctrine de Marx […] est le successeur légitime de tout ce que l’humanité a créé de meilleur au xixe siècle la philosophie allemande, l’économie politique anglaise [que Marx a connu par F. Engels] et le socialisme français [qu’il a découvert à travers L. von Stein et M. Hess] ». (Les trois sources et les trois parties constitutives du marxisme, in Karl Marx et sa doctrine, Paris, Éd. sociales et Moscou, Éd. du progrès, 1971, p. 70 ; même affirmation p. 11) Mais d’abord, certains s’insurgent contre cette « catéchèse officielle » (Blandine Barret-Kriegel, L’État et les esclaves. Réflexions pour l’histoire des États, Paris Calman-Lévy, 1979, p. 209). Surtout, le fondement de l’édifice marxiste est bien philosophique, c’est-à-dire hégélien le système de Marx « résulte, non de la juxtaposition de matériaux divers, mais de la superposition de ces différents matériaux, si bien que ceux qui sont placés à la base commandent le dessin de toute la construction. Or cette base est philosophique. C’est d’autant plus vrai que, dans la pensée marxiste, ni le socialisme français ni même l’économie politique anglaise ne s’ajoutent à la philosophie allemande sous leur forme originale. L’assemblange s’organise alors que les deux mouvements d’idées français et anglais ont déjà été accomodés au schéma hégélien ». (Henri Arvon, Le marxisme, Paris, Armand Collin, 1955, p. 41)
[18] Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et chez Epicure, trad. J. Molitor, Paris, Éd. A. Costes, 1946.
[19] L’essence du christianisme, présentation et trad. par Jean-Pierre Osier, Paris, François Maspéro, 1982, Introd., 1, p. 128. La réduction, on le voit, est de nature noétique et cette noétique est idéaliste. « Sans objet, l’homme n’est rien ». (Ibid., p. 120. Souligné par l’auteur) Or, « à partir de l’objet tu connais l’homme ; en lui t’apparaît son essence » (Ibid., p. 121. Souligné par l’auteur).
[20] Ibid., Introd., 2, p. 129 et 130. Souligné par l’auteur.
[21] Karl Marx, Manuscrits de 1844, trad. Bottigelli, Paris, Éd. Sociales, 1962, p. 88.
[22] Ibid., p. 99. Souligné par l’auteur.
[23] Ibid. Souligné par l’auteur.
[24] Ibid., p. 99 et 143. Souligné par l’auteur.
[25] Cf. Friedrich Engels, Anti-Dühring, trad. Bottigelli, Paris, Éd. Sociales, 1950, p. 57-58. Pour un exposé d’ensemble général de la dialectique historique du matérialisme, cf. Karl Marx, L’introduction générale à la critique de l’économie politique (1857), in Œuvres. I. Économie, trad. Maximilien Rubel et L. Evrard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1965, p. 235-270.
[26] Karl Marx, Manuscrits de 1844, p. 57s.
[27] Claude Bruaire, La dialectique, p. 102.
[28] Friedrich Engels, Anti-Dühring, p. 57.
[29] Ibid., p. 54.
[30] Ibid.
[31] Matérialisme dialectique et matérialisme historique, trad., Paris, Éd. Sociales, 1945, p. 8 et 9.
[32] Ibid., p. 9-11.
[33] Georges Marie-Martin Cottier, L’athéisme du jeune Marx. Ses origines hégéliennes, Paris, Vrin, 1959, p. 340.
[34] Georges Cottier conclut ainsi son enquête qui est aussi sa thèse sur l’athéisme marxiste « L’athéisme n’apparaît pas comme une conclusion du système ; il lui est antérieur. La construction théorique n’intervient qu’après coup, à la fois comme une conséquence et comme une illustration d’un choix initial. Or un choix se situe dans l’ordre volitionnel. Si l’intérêt éthique polarise toute la pensée de Marx; n’est-ce point parce que cette pensée découle d’une option ? » (L’athéisme du jeune Marx, p. 343)
[35] « La nature n’est pas contradictoire en soi ; elle peut l’être seulement dans les termes de l’activité humaine qui s’y inscrit ». (Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, p. 124)