Je vais bien, ne t’en fais pas, drame français de Philippe Lioret, 2006. Adapté du roman éponyme d’Olivier Adam, 2000. Avec Mélanie Laurent, Kad Merad, Isabelle Renauld, Julien Boisselier.
Thèmes
Mensonge.
L’intéressant film de Philippe Lioret porte sur le mensonge, pour le meilleur et pour le pire.
Je vais bien, ne t’en fais pas porte cette marque de fabrique bien française et si attachante qui sait marier le suspense et la chronique intimiste, l’étude de mœurs et l’analyse psychologique. Tout en contant une palpitante intrigue, le scénario nous fait aimer ces personnages se débattant avec le drame du deuil impossible d’un jeune fils dont on découvrira à la toute fin qu’il fut victime d’un accident d’escalade. Entre enquête policière et huis clos familial, servi par le jeu d’acteurs en tous points remarquables (à commencer par celui de la toute jeune actrice Mélanie Laurent), le film se refuse autant au pessimiste règlement de comptes à la Bergman qu’à l’optimiste happy end hollywoodienne.
La thématique du mensonge est au cœur du film comme elle est au cœur du titre : « Je vais bien, ne t’en fais pas ». Du mensonge, tout est mis en scène : les multiples manières de se jouer de la vérité (en la taisant, en la minimisant, en disant le contraire), ses multiples acteurs (certes, les parents, mais aussi le médecin, l’infirmière, etc.), ses multiples causes (la peur, le désir de protéger l’autre fragile, la volonté de maîtrise, etc.), ses multiples effets (la dépression latente de la mère, la sourde amertume du père, la perte de confiance de la fille, la destruction du lien de famille, etc.).
Demeure la grande question posée par ce qu’il faut bien appeler la leçon (mais point la thèse) du film : le tragique de la situation ne justifie-t-il pas le mensonge ? Comment éviter le redoublement de la mort autrement qu’en évitant la vérité qui en serait la cause ?
Mais comment ne pas sombrer dans le machiavélisme selon lequel la fin (bonne) excuse les moyens (désordonnés) ? Le huitième commandement, dont, paradoxalement, jamais le film ne parle, serait-il donc une norme transgressible ? Éclairant est, de ce point de vue, l’exemple du docteur Augoyard (cf. sur le site : « Est-il possible de mentir pour sauver sa vie ? Le cas du docteur Augoyard »).
On objectera que le père et la mère ne cherchent pas à promouvoir leur propre bien, mais à préserver une jeune femme fragile, vivant en symbiose avec son jumeau, de l’arrachement définitif à celui-ci. L’anorexie suicidaire qui s’en suivra l’atteste.
Mais, subtilement, en protégeant leur fille, ne protègent-ils pas leur fille, c’est-à-dire celle qui est le prolongement même de leur chair ? C’est ce dont témoigne le repli total de cette micro-famille sur elle-même, l’absence absolue de parents, d’amis, de voisins : comment expliquer que nulle information ne fuite, que personne n’apprenne à Lili, ne serait-ce que par le jeu du non-verbal, le décès de son frère ?
L’on dira aussi que toute vérité n’est pas bonne à dire, comme le montre l’annonce d’une terrible nouvelle à un patient. Mais cette formulation (« toute vérité n’est pas bonne à dire ») passée à l’état proverbial est elle-même maladroite, voire fausse, et doit être remplacée par la suivante : la vérité est toujours un bien et un don ; mais la prudence autant que la compassion exigent que l’on proportionne ce don au réceptacle qui la recueille.
Or, à aucun moment, l’on entend quelqu’un affirmer le caractère libérant de la vérité (cf. Jn 8,32). C’est par hasard que Lili l’apprend et c’est par affection qu’elle renoue avec son père. Mais jamais il n’est clairement affirmé que la confiance familiale peut se construire seulement sur la vérité partagée.
Assurément, il ne s’agit pas de juger des personnes qui, broyées par l’épreuve, oublient la force de la preuve et qui, dans les larmes et l’alarme, ignorent l’arme qu’est la vérité. Toutefois, ne pas juger les personnes et les intentions ne dédouane pas de la charge de juger l’acte. Si le cinéma est ce lieu éthique dont parle avec conviction Stanley Cavell, il ne peut en rester à la description, si juste et si proche soit-elle, d’une situation ; il se doit d’évoquer, ne serait-ce qu’en creux, la prescription qui ne fait qu’énoncer l’idéal humanisant auquel nous sommes appelés. « Tu ne mentiras pas » signifie : « Tu es fait pour la vérité », car la vérité est faite pour toi.
Pascal Ide
Élise Tellier, alias Lili (Mélanie Laurent), est une jeune femme de dix-neuf ans. Elle revient chez ses parents, Paul (Kad Merad) et Isabelle (Isabelle Renauld), après avoir passé des vacances en Espagne. Elle apprend alors que son frère jumeau, Loïc (Mickaël Trodoux), a disparu sans laisser de trace après une dispute avec leur père. Lili a toujours été proche de lui et se languit tellement qu’elle cesse de s’alimenter, sombre dans l’anorexie et doit être hospitalisée. Malgré les soins constants et attentifs qu’elle reçoit, elle ne cesse de dépérir, rongée par l’angoisse que son jumeau ne soit mort.
C’est alors que, de manière inattendue, Lili reçoit une lettre de la part de Loïc. En colère et désespéré de l’état de sa fille, Paul force son médecin traitant à la lui remettre. Dans la missive, Loïc donne des nouvelles rassurantes, tout en insultant son père. Ragaillardie, Lili se rétablit, sort de l’hôpital et part à sa recherche. D’autres lettres suivent de divers endroits en France, dans lesquelles Loïc continue de saluer sa mère et sa sœur tout en s’en prenant violemment à son père, à qui il reproche sa médiocrité.
Lili se donne même le droit d’entamer une nouvelle histoire d’amour avec son ami Thomas dit « Grenouille » (Julien Boisselier) qui s’est séparé de Léa (Aïssa Maïga). C’est alors que, partie en vacances avec Thomas, elle découvre que c’est son père qui se rend dans différentes villes de France pour poster des lettres au nom de son frère…