Star Wars, épisode IX : L’Ascension de Skywalker (Star Wars: Episode IX – The Rise of Skywalker) science-fiction de type space opera américain coécrit et réalisé par J. J. Abrams, 2019. Avec Daisy Ridley, Adam Driver, Oscar Isaac, John Boyega, Joonas Suotamo, Mark Hamill, Carrie Fisher, Ian McDiarmid.
Thèmes
Identité, conversion, don de soi.
Le dernier opus de la franchise Star Wars nous offre-t-il un final en beauté ? Plutôt un final en unité et en bonté…
Assurément, en unité ! Lorgnant sans doute vers le succès planétaire de Avengers: Endgame (Anthony et Joe Russo, 2019) qui caracole en tête du box office mondial (avec plus de 2,7 milliards de dollars de recettes pour les seules entrées cinéma), Jeffrey Jacob Abrams a tiré la leçon : rassurer les fans et donc assurer le maximum de cohérence avec le reste de la saga. À cet effet, il convoque le maximum de protagonistes, jusqu’à l’oublié Lando Calrissian (Billy Dee Williams) – dans Le retour du Jedi (épisode VI, 1983), pénètre dans la seconde Étoile de la Mort et parvient à en détruire le cœur –. Il multiplie aussi les réjouissants caméos (images furtives) vocaux –Yoda (Frank Oz), Obi-Wan Kenobi, jeune (Ewan McGregor) ou âgé (Alec Guinness), etc. – et les clins d’œil – par exemple, la sortie par le fantôme de Luke de son ancien X-wing hors des abysses répond à la pénible télékinésie ratée de L’empire contre-attaque (épisode V, 1980). Surtout, il s’incrit dans la trame narrative sans introduire de nouveauté significative : au sein des trois trilogies, la lutte entre le Bien et le Mal s’incarne toujours dans celle des Jedis et des Siths, et se personnalise dans celle de Skywalker et de Palpatine. En particulier, comment ne pas saluer l’heureuse initiative de faire de Snoke (Andy Serkis) non pas une nouvelle figure du mal, mais une marionnette de Dark Sidious lui-même, et ainsi d’assurer une continuité totale, du premier au neuvième épisode, entre côté lumineux et côté ténébreux de la Force ? Avec le risque inévitable que le souci de continuité se paie d’une carence en créativité.
Star Wars 9 plaît et plaide davantage par son parti pris résolu en faveur de la bonté, c’est-à-dire de la moralité au sens le plus noble du terme. Passons le bref baiser final des deux lesbiennes en quasi premier plan – après La reine des neiges 2, des mêmes studios Disney, j’ai craint pire et plus idéologique…
Le scénario essaime d’abord les actes valeureux. Certes, il n’y a là rien d’extraordinaire de la part de militaires dont c’est la profession et de résistants dont c’est la vocation. Encore faut-il apercevoir et saluer le fait que ces actions présentent toujours la même particularité aussi notable qu’admirable : elles sont l’initiative d’un groupe aussi peu nombreux que peu armé, face à un ennemi écrasant et surarmé (la flotte du Premier Ordre préparée par Palpatine est composée de 10 000 destroyers capables chacun de détruire une planète…). Or, il n’y va pas que d’une haute convenance scénaristique en vue de susciter la tension, mère du suspense, mais d’une secrète logique évangélique où le plus vulnérable a raison du plus arrogant.
Plus encore, l’intrigue nous donne à voir et applaudir des sacrifices authentiquement généreux : celui de la princesse et générale Leia Organa et celui de Kylo Ren – s’inscrivant dans le digne sillage des précédents épisodes. Or, ces actes épiques sont animés non seulement par un courage incomparable, mais d’abord par l’amour-don. Voilà sans doute pourquoi Rey embrasse son ennemi devenu ami qui lui donne la vie en offrant la sienne. Ce geste a suscité des réactions gênées, voire peu amènes dans la salle. Pourtant, Ben s’est sacrifié en concentrant la totalité de son énergie pour ranimer la jeune rebelle et, en sauvant sa vie, il a perdu la sienne. Rendant amour pour amour, le dernier des Skywalker ne fait qu’exprimer sa gratitude.
Mais le plus admirable est encore ailleurs : la conversion de Ben Solo. Si l’on ne croit guère au basculement de Rey, présenté comme très possible du fait de son ascendance, en revanche, rien ne permettait de prévoir ni même d’espérer le retournement d’un homme qui avait multiplié les actes apparemment les plus irréversibles (le meurtre de son père), se construisait sur un déni savamment argumenté (le clivage total du passé) et enflait d’un orgueil de plus en plus démesuré (le contrôle de toute la galaxie). Comment dès lors interpréter la métanoïa (conversion) de Ben ? Il ne s’agit pas d’expliquer l’inexplicable qu’est tout acte profondément libre, mais d’en approcher ce qui l’y a disposé. Comment un homme qui n’est pas maître de lui pourrait-il devenir maître de l’univers ? Comme les processus chaotiques dont on sait qu’ils sont sensibles aux conditions initiales, sa grande fragilité le prépare à ce retournement dans le contraire. Surtout, l’on sait la connexion intime entre les deux petits-enfants aux grand-pères si profondément perturbés, et la fascination-répulsion qui les aimante. En se mettant à l’écoute de la compassion de Leia qui, pour sauver son fils, pourtant assassin de son mari, va offrir sa vie, Rey renonce à sa victoire sur Ben et puise dans la Force l’énergie pour le soigner à son tour. Comment Ben ne serait-il pas bouleversé de ce double témoignage de miséricorde ? En guérissant son corps, de surcroît cette blessure au côté, Rey n’a-elle pas symboliquement guérit son âme ? En s’agenouillant tout près de lui, ne vient-elle pas consoler – au sens le plus étymologique– Ben de sa terrible solitude ?
Il demeure que, à mon sens, J. J. Abrams n’a pas su terminer la saga totalement en beauté. Si la nostalgie et la noblesse sont au rendez-vous, il manque la poésie (ah ! dans L’Attaque des clones, l’idylle amoureuse entre Anakin Skywalker et Padmé Amidala sur Naboo, qui s’achève sur les bords du lac de Côme !), la créativité (certes, nous circulons entre de nombreuses planètes différentes, de Pasaana à Exegol, en passant par Kijimi, Kef Bir, Ahch-To, mais ces mondes n’ont pas la magie de ceux subcréés par Lukas), l’humour et surtout l’amour. Les combats, nombreux, envahissent l’écran et la bande sonore. Deux exceptions : sur Kef Bir, la lune d’Endor, l’affrontement du fils et de l’apprentie de Leia sur fond de mer déchaînée ; en multipliant les plans fixes – notamment lors de la bataille finale, lorsque la gigantesque flotte alliée surgit soudain de l’hyperespace, Faucon millenium en tête – sans pour autant devenir statique, le cinéaste privilégie l’imaginaire bédé sur celui du jeu vidéo et suggère la victoire de la Résistance sur l’Empire et la paix enfin revenue.
Surtout, le cinéaste et scénariste n’a pas su terminer son film. Quand je suis sorti de la salle, je me sentais paisible et même content de ces exemples édifiants de don, pardon et abandon. Mais il me manquait un quelque chose que le partage amical a mis en mots. En effet, dans la scène finale, Rey se rend sur Tatooine, en plein désert, à la maison où Luke a grandi avec son oncle Owen et sa tante Beru et aperçoit les fantômes de Luke et Leia lui souriant, sur fond du double coucher de soleil et surtout du thème mythique de Luke composé par John Williams.
N’est-ce pas une heureuse et émouvante inclusion avec le début, non pas de la série (épisode I), mais de la Trilogie originale (épisode IV), qui a débuté voici 42 ans (la fréquence des anniversaires sur Pasaana) ? Voire ! En effet, s’ajoutent deux autres éléments : la nomination hésitante de sa nouvelle identité à la vieille femme « Rey… Rey Skywalker », présentée comme sommitale et finalement explicative du titre quelque peu sybillin (L’ascension ou, mieux, L’élévation de Skywalker) ; l’enterrement ou plutôt l’ensablement des sabres laser de Luke et Leia, qui sont le symbole de leur mission de défense et plus encore de leur vocation de Jedi, présentée pour la première fois comme une religion.
Autrefois, les contes de fée s’achevaient par : « Ils se marièrent et ils eurent beaucoup d’enfants » ; Le Seigneur des anneaux culmine dans le couronnement d’Aragorn et d’Arwen, roi et reine de Gondor, le départ eschatologique vers les Hâvres gris et le retour de Sam Sagace à la Comté, non pour se reposer, mais se marier, écrire et transmettre la geste héroïque des Hobbits. À ces multiples dilatations, sources de joie, qui sont nées de la quête du bien commun, se substitue ici un resserrement, cause de morosité, sur le seul bien individuel de Rey qu’est la quête de son identité. On imaginait la jeune fille devenue femme sinon impératrice, du moins éducatrice d’une nouvelle génération de guerriers Jedi – au fait, que sont devenus les enfants esclaves qui gardaient les écuries sur Canto Bight et dont l’un était doué de pouvoir télékinésique, graine d’espérance, sur laquelle s’achevait le précédent épisode (Les Derniers Jedi, Rian Johnson, 2017) ? –. Or, nous nous trouvons avec une héroïne sans époux ni mission, encore troublée par son nom, au point que l’on est en droit de se demander si ses multiples actes apparemment personnalistes (gratuits) n’étaient pas secrètement utilitaristes (intéressés). De fait, dans l’épisode VIII, si parallèle au V, la recherche de Luke, reclus sur la planète-océan Ahch-To, s’est muée en quête initiatique de soi. Qu’il est révélateur que le triomphe final après la victoire sur Palpatine se contente d’interactions en petits groupes et ne sache pas célébrer ensemble la véritable héroïne qu’est Rey. À faible dilatation, petite joie !
La fin de la saga Harry Potter avait déjà offert une version de cet effet « crêpe bretonne » ou de « soufflé retombé » : après un élargissement maximal (sauver le monde de son pire ennemi, Voldemort), le lecteur se retrouvait sur le quai du Poudlard Express en compagnie des deux familles de Harry et de Ron-Hermione, apaisant les alarmes de la nouvelle génération. Nullement hasardeux, ce renversement traduit l’actuelle tendance narcissique autant qu’acédique d’une civilisation qui a absorbé le bien le plus large dans le bien le plus personnel. L’ascension ou l’élévation promise n’est que l’avènement du soi…
Pascal Ide
Environ un an après la mort de Luke Skywalker (Mark Hamill), la Résistance tente de survire face au Premier Ordre, désormais mené par un nouveau Suprême Leader, Kylo Ren alias Ben Solo (Adam Driver). Une rumeur agite cependant toute la galaxie : l’empereur Sheev Palpatine, alias Dark Sidious (Ian McDiarmid), aurait survécu à sa chute dans un puits d’énergie de l’Étoile de la Mort et reviendrait pour devenir le maître de la galaxie. De fait, Ren se rend sur Exegol, la planète des Sith pour y tuer Palpatine. Mais celui-ci lui propose un marché : lui confier la très impressionnante armada du Premier Ordre s’il lui ramène Rey. En même temps qu’il accepte, Kylo interroge Palpatine sur les origines de la jeune femme.
De leur côté, à bord du Faucon Millenium, Poe Dameron (Oscar Isaac), Finn (John Boyega) et Chewbacca « Chewie » (Joonas Suotamo) sont en mission pour récupérer des informations sensibles sur Palpatine provenant d’un informateur qui connaît un espion au sein du Premier Ordre. Ils échappent de justesse à une nuée de vaisseaux-chasseurs TIE en multipliant les sauts en vitesse supraluminique à travers l’hyperespace.
Rey (Daisy Ridley) s’entraîne sur une planète à la végétation luxuriante, sous le regard de la Générale Leia Organa (Carrie Fisher), son maître. La planète abrite aussi une base de la Résistance. Rey est perturbée dans sa séance d’entraînement par des visions, et s’agace de rater ses exercices. Poe, Finn et Chewie ramènent à la base les informations de l’espion, lesquelles, une fois déchiffrées, précisent que Palpatine est de retour et qu’une flotte Sith est sur le point d’être lancée à l’assaut de la galaxie. Rey trouve dans les vieux livres Jedi qu’elle a gardés une série de notes rédigées par Luke, qui semble indiquer qu’il faut trouver un artefact Sith pour pouvoir aller jusqu’à Exegol. La quête de Luke pointe vers la planète Pasaana, où Rey, Finn, C-3PO (Anthony Daniels) R2-D2 (Jimmy Vee) BB-8 8 (Brian Herring) se rendent, afin de poursuivre cette piste. Arriveront-ils avant Kylo Ren ? Quelle est la Taupe au sein du Premier Ordre ? Surtout, qui est donc Rey et pourquoi le fils de Solo, qui avait prétendu lui révéler la banalité de son ascendance, s’y intéresse-t-il ?