Terminator: Dark Fate, science-fiction américain de Tim Miller, 2019. Avec Linda Hamilton, Arnold Schwarzenegger, Natalia Reyes, Mackenzie Davis, Gabriel Luna.
Thèmes
Homme augmenté, acte et puissance, unité et multiplicité, scénario.
Un film réussi, ce n’est pas seulement une bonne histoire, c’est-à-dire de bonnes idées, mais c’est d’abord une histoire bonne, c’est-à-dire une intrigue unifiée.
La meilleure des bonnes idées qui fourmillent dans le sixième film de la franchise Terminator réside dans l’introduction non pas d’une nouvelle machine, si invulnérable soit-elle, mais d’un homme, en l’occurrence, une femme, augmenté, c’est-à-dire de la victoire anticipée de l’humain sur l’artefact. Plus encore, dans sa réfraction en trois femmes qui sont, chacune à leur manière, des femmes augmentées – non pas d’abord physiquement, mais intérieurement.
Sarah, la survival (sic !) badass (resic !), va, en effet, découvrir le don parfait qu’est le par-don, jusqu’à être touchée, aux deux sens du terme par l’assassin de son fils, qu’elle appelle, là aussi au double sens du verbe, par son prénom « Carl » et en lui demandant son aide.
Grace, la surprotectrice, qui, depuis longtemps, donne sa vie pour sauver celle des autres, consentira, quant à elle, à être sauvée et reconnaître qu’elle ne donne gratuitement son existence que parce que d’abord, elle l’a reçue gratuitement, en l’occurrence de celle qu’elle sauvera un jour (oui, ce n’est pas seulement compliqué, c’est contradictoire, comme tous les paradoxes temporels…).
Enfin, Dani, qui émarge elle aussi au club des sauveteurs professionnels, en l’occurrence, de ses proches, devra apprendre à quitter sa zone de confort familiale, pour accepter le risque mortel d’une mission qui n’est rien moins que sauver l’humanité de sa propre folie : les machines tueuses de l’homme n’ont fait que se révolter (dans 23 ans !) contre celui qui les a conçues.
Dans cette augmentation qui est croissance, chacune des trois femmes accède à sa vocation plénière, la maternité, qui, dans les précédents opus, était charnelle et, ici, avec cohérence, s’élargit à la fécondité spirituelle.
Ajoutons que ce cheminement ne se fait pas sans la figure masculine qui, plus encore que médiation, en constitue le symbole. En effet, le T-800 baptisé « Carl » résume en son être les trois parcours féminins : de la vengeance au pardon (puisqu’il va découvrir la repentance) ; de la compassion active à la réception passive (puisqu’il va changer en découvrant ce qu’est la perte d’un enfant) ; de la perte de sens jusqu’à la mission (puisque, après la mort de John, il s’auto-missionne en sauvant l’humanité des invasions régulières de cyborgs futurs en général et Sarah en particulier). Et si l’être du Terminator n’est pas celui d’une personne, comme son amour n’est pas celui des hommes (« Tu les aimes ?, demande Dani de sa « femme » et de son « fils ». – Pas comme les humains »), en revanche, sa liberté ressemble fort à celle des êtres d’esprit : la spectaculaire métamorphose du Terminator repose tout entière sur ses choix. Certes, sombre est le destin (dark [is] fate), mais lumineux est le libre-arbitre qui en conjure la fatalité.
Là s’arrête notre appréciation-approbation et ici commence notre déception, tant sont nombreuses les défaillances. Passons la multiplication des trames narratives qui surchargent et compliquent inutilement le scénario, l’idéologie féministe omniprésente qui va jusqu’à identifier, symboliquement, John Connors avec Dani (« C’est lui John »), et la monumentale erreur de casting qui a recruté l’inexpressive Natalia Reyes… Centrons-nous sur l’intrigue.
Le spectaculaire, toujours lui, dévore le suspense, avec son considérable coût émotionnel. Certes, la scène d’ouverture où un Schwarzenegger rajeuni dévaste physiquement John et psychologiquement sa mère, laisse le spectateur sonné comme un boxer sur le ring. Toutefois, elle aurait été préparée par les retrouvailles heureuses et complices de la mère avec son fils et suivie par son deuil tourmenté, voire par la menace potentielle d’un Terminator déboussolé, les bénéfices affectifs et scénaristiques auraient été bien supérieurs.
Autre faute contre l’unité : comment oser sacrifier le méchant, en l’occurrence, Skynet, même si le chrétien ne peut que se réjouir de ce que l’adversaire prenne l’un des noms de l’Adversaire, « Légion », d’autant que, encore une heureuse trouvaille, il le vérifie jusque physiquement, en se dédoublant ?
Enfin et surtout, pourquoi avoir accepté le branchement direct de ce sixième volet sur le deuxième (Terminator 2. Le Jugement dernier, James Cameron, 1991), faisant fi des événements survenus dans les films suivants, en particulier, celui qui s’inscrit le plus dans la continuité (tout en en perdant une bonne partie du génie inventif), Terminator 3. Le Soulèvement des machines (Jonathan Mostow, 2003) ? Est-ce un effet de l’ego de Cameron qui, de réalisateur, est passé à la production ? Quoi qu’il en soit, en se donnant cette facilité, le cinéaste ouvre la pire des boîtes de Pandore : la multiplication des possibles. Et pourquoi ne pas imaginer une bifurcation après l’épisode princeps ? Nous retombons ainsi sur l’éternel problème d’Hollywood : la substitution du suspense par le spectacle qui, en son fond métaphysique, est le remplacement de la puissance par le possible, en son fond anthropologique, celui du désir finalisé par l’excitation désorientée et, en son fond éthique, celui de l’altérité authentique, par la mêmeté autotélique.
Nous revenons ainsi à notre affirmation initiale : une histoire digne de ce nom doit intégrer le miroitement des bonnes idées dans le miroir de l’unité. Aristote a élaboré l’ontologie éclairant cette affirmation à partir du couple de la matière et de la forme (qui doit lui-même être reconduit à celui de la puissance et de l’acte) : une bonne histoire, c’est une forme (c’est-à-dire une intrigue) simple unifiant un matériau multiple. Or, la matière est principe de dispersion enrichissante et la forme principe d’unification pacifiante. Quand est-ce que la machine américaine cessera de céder à la tentation des multiples réécritures pour retrouver l’art du véritable suspense qui est aussi celui de l’émotion profonde ?
Pascal Ide
En 1998, au Guatemala, Sarah Connor (Linda Hamilton) a déjoué les plans de SkyNet et évité le Jugement Dernier. Elle vit paisiblement en exode avec son jeune fils, John, lorsque survient un Terminator T-800 modèle 101 (Arnold Schwarzenegger) qui assassine John sous les yeux de Sarah, anéantie.
En 2022, une jeune femme de 21 ans, Daniella « Dani » Ramos (Natalia Reyes) mène une vie simple à Mexico, entre son travail sur une chaîne de montage dans une usine automobile et sa famille, c’est-à-dire son frère Diego (Diego Boneta) et son père (Enrique Arce), lorsqu’un nouveau Terminator très avancé et protéiforme, un « Rev-9 » (Gabriel Luna), vient du futur pour la traquer et la tuer. Elle est cependant, à l’ultime moment, protégée par un super-soldat, Grace (Mackenzie Davis) qui, bien que voyageant aussi dans le temps, s’avère être non pas une machine, mais une humaine génétiquement « augmentée ». Toutefois, son aide est insuffisante, face au Rev-9 polymorphe qui semble quasi-indestructible. Et il faudra que la redoutable Sarah, qui lutte toujours contre les Terminators, intervienne à son tour pour sauver Dani. Mais pour quelle raison la jeune mexicaine est-elle traquée ? Et comment Sarah a-t-elle su l’arrivée d’un Terminator en plein Mexique ?