M et le 3ème secret
M et le 3ème secret : documentaire français de Pierre Barnerias, sortie officielle le 19 novembre 2014.
Thème principal
Miracle, foi.
Avec un tel titre, venons-nous voir une mouture française d’Indiana Jones ? Les premières images, la musique, le décor, créent l’ambiance. Et la manière dont le scénario est construit montre que le cinéaste souhaiterait que l’on suive son film comme une aventure de Benjamin Gates, avec son mystère caché depuis l’origine, l’enjeu mondial, ses méchants, son enquêteur tenace qui surmonte tous les obstacles…
Mais l’on comprend aussi très vite qu’il s’agit en fait non d’une fiction, mais d’une enquête sur le terrain ; plus, du témoignage personnel d’un journaliste qui est revenu de la mort et s’implique ; plus encore, d’un acte de reconnaissance à l’égard de la personne qui lui a donné sa vocation.
Soulignons d’emblée les aspects positifs : le témoignage de foi et l’engagement courageux ; le désir de secouer un monde engoncé dans son matérialisme hyperconsommateur ; la dense information sur nombre d’événements encore trop ignorés ; l’hommage rendu à Marie, mère de Jésus ; etc. Et, puisque la parole du journaliste est engagée, je m’engagerai aussi : je fus touché notamment par le témoignage de la miraculée de Lourdes, Violaine, filmée avec tact et dynamisme, et par l’insistance à rappeler la nécessité pour les prêtres – dont je suis – de se convertir.
Toutefois, le film a suscité en moi un malaise que l’échange avec le réalisateur (venu présenter son film en avant-première dans une salle de Bordeaux, le 17 novembre), loin de dissiper, a accentué. Ce malaise fut suscité par au moins trois faits.
Tout d’abord, le traitement égal réservé à des apparitions reconnues (Lourdes, Fatima), d’autres dont le discernement est encore en cours (Medjugorje) et certaines, enfin, qui ont été clairement refusées par l’autorité compétente, c’est-à-dire l’évêque du lieu (Garabandal ; à quoi il faut joindre le témoignage de Vassula Ryden, qui a justifié une notification de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi). À cette objection, le journaliste-cinéaste répond qu’il s’est contenté d’aligner des faits. Comme si la foi était une simple donnée factuelle, à l’instar de l’existence de la lune ! La foi est un don de Dieu reçu par la médiation de l’Église, ne serait-ce qu’à travers la Parole de Dieu. Il est au minimum incohérent d’un côté de recevoir cette foi de l’Église et de l’autre, de faire fi de son discernement sur ce qui touche justement cette foi !
Ensuite, un message qui présente un Dieu envoyant à l’humanité pécheresse une catastrophe pire que le Déluge (car tel serait le contenu du troisième secret) est contraire à ce qu’affirme la Bible (« Oui, j’établis mon alliance avec vous : aucun être de chair ne sera plus détruit par les eaux du déluge, il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre » : Gn 9,11) et nourrit l’image d’un Dieu vengeur, lui aussi contraire à ce que le Christ nous dit (avant le retour du Christ qui viendra juger l’humanité, ce temps est celui de la miséricorde toujours offerte : Jn 3,17).
Enfin, comment se défaire de l’impression que le cinéaste cède à la tentation complotiste ? Par exemple, en cédant à la thèse de l’empoisonnement de Jean Paul Ier et en suggérant que l’assassinat vient de ce que le pape connaissait le fameux troisième secret ; en suspectant les évêques de frilosité parce que seules 69 guérisons sont reconnues comme miraculeuses à Lourdes, alors qu’il y a cent fois plus de guérisons inexpliquées (alors que la raison est tout autre : la présence d’un dossier médical irréfutable, ainsi que l’explique le Dr Theillier, l’ancien responsable du bureau médical de Lourdes) ; en convoquant ce « moine sans nom » qui, accusateur, cherche à règler ses comptes avec l’Église ; etc. Un exemple d’erreur historique grave : le film dit que les papes n’ont pas consacré le monde à Marie et, lorsqu’ils l’ont enfin fait, par la voix de Jean Paul II, ils n’ont pas mentionné la Russie. Or, pour répondre à la demande de Lucie de Fatima, le pape Pie XII fit en 1942 un premier acte de consécration, qu’il renouvela dix ans plus tard en mentionnant la Russie (cf. la mention expresse dans l’encyclique Haurietis Aquas sur le Culte du Sacré Cœur de Jésus, n. 73, 15 mai 1956, AAS, 48 (1956), p. 309-353).
Bref, le film ne lorgne pas tant du côté d’Indiana Jones ou de Benjamin Gates que du côté du Da Vinci Code… Certes, je peux imaginer qu’un tel film fasse œuvre apologétique, donne accès à des informations précieuses, rende plus sensible la présence agissante de Dieu, voire sa sollicitude pour le monde par Marie. Je peux aussi sauver l’intention du réalisateur : donner du sel à son histoire. Mais pourquoi le faire au mépris du sérieux documentaire ? Pourquoi surtout, courir le risque de diaboliser la hiérarchie de l’Église ? Pourquoi plutôt ne pas faire confiance à ceux qui ont lu le troisième secret et qui bénéficient de l’assistance de l’Esprit-Saint ? Soyons assurés que, sans nourrir un imaginaire manichéen et une curiosité malsaine à l’égard de ce secret, Dieu, en sa Providence prévenante, donnera à chaque homme de bonne volonté accès à tout ce dont il a besoin pour se convertir.
Pascal Ide