Anna, thriller français écrit, produit et réalisé par Luc Besson, 2019. Avec Sasha Luss, Cillian Murphy, Luke Evans, Helen Mirren.
Thèmes
Femme, singulier et universel.
En continuité avec les autres films du réalisateur, producteur et scénariste français, Anna est néanmoins plus violent, plus sensuel et plus idéologique (l’héroïne est bisexuelle), tout en se voulant plus philosophique.
Les observateurs l’ont noté, le cinéaste de Nikita (1990), Le Cinquième Élément (1997), Jeanne d’Arc (1999) Lucy (2014), Les aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec (2010), ne cesse de développer, à travers des genres différents (du thriller à la fresque historique en passant par la science-fiction et le fantastique), le thème du féminin. Même Valérian et la Cité des mille planètes (2017) est plus fasciné par la symbolique anima de la planète Müll et si ce qui devait initier une franchise traite d’un couple, Luc Besson choisit celui où la femme est la plus émancipée et l’homme le plus anti-héros…
Développons brièvement la dernière nouveauté. Au fond, le film Anna est pris en tenailles entre les deux pôles de la modernité et même de toute pensée : le singulier et l’universel ; précisément, le culte de l’universalité jusqu’à l’exclusion de la singularité (Kant, Hegel) et le culte de l’individuel jusqu’à l’effacement de l’universel (Nietzsche, Sartre).
Certes, d’un côté, Anna symbolise une sorte d’idéal salvifique : sauvée par une femme, Olga (qui elle-même prend le pouvoir), elle sauve l’humanité du mal qu’est le mâle – concentré dans l’immonde Vassiliev –, mais diffusé dans le monde exclusivement masculin qu’elle élimine avec une jubilation esthétisante dans les deux scènes d’action à la John Wick (observez bien : seuls les hommes sont immolés par et à sa rage exterminatrice).
Mais de l’autre, l’héroïne est une monade vouée à devenir une nomade. Si elle partage avec le super-héros sa volonté inflexible, ses super-pouvoirs et aujourd’hui son traumatisme inaugural (Anna est une orpheline, sombrant dans la drogue et la superstition), toute ressemblance s’arrête là : sa mission s’avère être une pure et simple manipulation (quel que soit l’employeur), sa double identité une dissémination de masques qui la cachent autant aux autres qu’à elle-même, et son célibat une fuite (sans attache familiale ou nationale, Anna rêve d’une liberté sans engagement : elle abandonne ses trois amours).
Quel (triste) miroir Besson tend-il à notre humanité actuelle ! Cette femme-enfant, aussi fragile que toute-puissante, ignore que le secret du bonheur réside dans le don de soi parce que, à son insu, elle ne fait que répéter son rêve, ou plutôt sa frustration de petite fille (Hawaï n’est que la concrétisation d’un souvenir paternel incarné par une carte postale qui, elle-même, est le cadeau qu’elle offre à son substitut maternel).
Dès lors, la matriochka (ces poupées russes qui s’emboîtent les unes dans les autres, mais surtout où la précédente dissimule la suivante) est le symbole non seulement de l’héroïne, mais du film et de notre société : vide d’elle-même (comment savoir que l’on a atteint la dernière des poupées gigognes ?), elle est avide de tout…
Pascal Ide
Moscou, 1985. Sept arrestations d’agents américains , sept exécutions par Vassiliev (Éric Godon), le directeur du KGB, sept décapitations envoyées à l’agent de la CIA Lenny Miller (Cillian Murphy).
Moscou, 1990. Anna (Sasha Luss), jolie femme de 24 ans, est un top model qui défile à Paris. Mais, soudain, elle se transforme en une redoutable tueuse qui élimine un russe tout aussi inquiétant. En fait, combien de femmes se cachent en elle ? Est-ce une simple vendeuse de poupées sur le marché de Moscou ? Une tueuse qui ensanglante Milan ? Un flic corrompu ? Un agent double, travaillant pour la CIA ou le KGB, via Olga (Helen Mirren) ? Ou tout simplement une redoutable joueuse d’échecs ? A l’image de son nom palindrome, qui choisira-t-elle entre les deux hommes qu’elle aime et qui l’aiment, le russe Alex Tchenkov (Luke Evans) ou l’américain Lenny Miller ?