Captain Marvel, science-fiction américain, sous-genre super-héros, de Ryan Fleck et Anna Boden, 2019. Avec Brie Larson, Samuel L. Jackson, Jude Law, Lashana Lynch.
Thèmes
Amitié.
Quoi de nouveau dans le nouveau Marvel (vingt-et-unième film de cet univers cinématographique et neuvième de la phase III) ?
Certainement pas les différentes caractéristiques du super-héros, Carol Danvers. Même si l’insistance constante, depuis le début et jusqu’à la fin, sur le primat de la mission et donc de la persévérance jusqu’au sacrifice de soi, est plutôt bienvenue à l’époque de tous les narcissismes : elle permet de corriger l’impression de mégalomanie d’une des super-héroïnes les plus puissantes inventées par l’univers Marvel.
Certainement pas le protagoniste au passé traumatique, donc souvent partiellement amnésique, ce qui est devenu une constante depuis l’origine (le petit Superman est orphelin de père et de mère). Au point qu’on devrait l’ajouter aux quatre notes définitoires classiques (super-pouvoirs, double identité, mission, sobriété jusqu’au célibat) ; et l’interroger. Ne s’agit-il pas d’une sécularisation d’une des plus profondes révélations du messianisme biblique ? Dieu de qui « vient tout don parfait » (Jc 1,17) nous sauve et se donne totalement à nous parce qu’il s’abaisse, et, peut-être plus encore parce qu’il choisit de recevoir en retour du bénéficiaire humain, afin d’entrer dans une relation de réciprocité, donc de communion.
Certainement pas non plus le retournement du bon, corrélatif de celui du méchant. Ce coup de théâtre est devenu, là encore, un des musts de l’intrigue, en vue de renouveler à peu de frais, la figure la plus décisive dans un film de super-héros : le Super-Vilain…
Alors quid novi ? La centralité de l’amitié, ici féminine. La blessure de Carol n’est pas tant l’amnésie, voire le trouble de l’identité (terrienne ou Kree ?), mais la perte irréparable de cette relation avec Maria – relation qui va jusqu’à la constituer dans son être. Ce qui nous vaut la plus belle scène du film : celle où, écoutant intensément son amie lui nommer précisément toute les raisons pour lesquelles elle est si attachée à elle, et qui sont autant de merveilleuses qualités : « Tu es la fille la plus forte que j’aie jamais connu ». Non seulement la pilote l’enfante à elle-même : en termes métaphysiques, la relation d’amour ne fait pas que présupposer les personnes à aimer et jaillir du cœur aimant en direction du cœur aimé ; mais, par un dynamisme de retour (insuffisamment exploré par les philosophes et les théologiens), elle revient vers le cœur des personnes, pour les enrichir jusque dans le noyau de leur être déjà trans-formé par l’aimé.
Une autre belle image concrète autant que discrète dit la secrète affinité : le regard attristé de Carol – Captain Marvel qui, au moment de s’affranchir de la gravité terrestre, regarde vers le bas, cette « triste hutte à rats » qu’est C-53, le nom de code de la Terre, devenue si chère par la présence si chère. Comment ne pas évoquer une parole que chaque Français porte en lui comme les fables de La Fontaine ? « Tu vois, là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c’est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d’or. Alors ce sera merveilleux quand tu m’auras apprivoisé ! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi [1] ».
Avec cohérence, Captain Marvel en tire joliment la conséquence : la mission exige non pas le célibat (le film se meut beaucoup, sans trop d’inconvénient, dans un univers adolescent), mais le renoncement à la joie paisible de la convivialité – ce « vivre-ensemble » qui, pour Aristote, constitue l’une des trois notes de l’amitié (avec la bienveillance anti-utilitariste et la réciprocité).
Oui, film pour les adolescents et, plus encore, pour les adolescentes. Mais, pour une fois, au lieu de se centrer sur la rebelle qui surdéveloppe son pôle animus, éjectant les garçons comme autant de douilles vides, le parti a été heureusement pris de montrer la richesse décisive d’une amitié au féminin ajustée, fidèle et généreuse.
Pascal Ide
[1] Antoine de Saint-Exupéry, Le petit Prince, chap. 21, coll. « NRF », Paris, Gallimard, 1946, p. 69.
Vers – alias Carol Danvers / Captain Marvel (Brie Larson) – vit sur la planète Hala des Kree, un peuple humanoïde à la technologie très avancée. Non seulement ses souvenirs sont récents (ils datent de moins de six ans), mais ils sont traumatiques (elle fait des cauchemars. Elle est capable de faire jaillir des jets d’énergie de ses mains, mais son mentor, Yon-Rogg (Jude Law), tente de lui apprendre à mieux maîtriser ses émotions afin de devenir une meilleure combattante et ainsi accomplir sa mission : éliminer les ennemis héréditaires des Kree, les Skrulls, qui, aussi d’origine extraterrestre, sont doués du pouvoir de se métamorphoser en tout vivant qu’ils ont vu au moins une fois. Yon-Rogg explique que ces pouvoirs proviennent d’un élément greffé dans son cou et peuvent lui être retirés au même titre qu’ils lui ont été donnés.
Une intelligence artificielle dirige la planète Hala : personne n’en connaît la forme, parce qu’elle apparaît sous une figure d’une personne qui est proche de celle à qui elle apparaît. En l’occurrence, alors que Vers prend contact avec elle pour sa mission, l’intelligence artificielle suprême se manifeste en adoptant les traits d’une femme aux cheveux blancs (Annette Bening) que Vers n’arrive pas à reconnaître et qui s’avèrera plus tard être Dr Wendy Lawson alias Mar-Vell.
Sous la direction de Yon-Rogg, Vers et d’autres Kree – Minn-Erva (Gemma Chan), Att-Lass (Algenis Pérez Soto), Bron-Char (Rune Temte) et Korath (Djimon Hounsou) – partent en mission sur une autre planète. Ils échouent à cause d’un guet-apens tendu par des Skrulls, à cause de leur pouvoir métamorphique. Vers est capturée par Talos (Ben Mendelsohn), le leader des Skrulls qui cherche à lire dans son esprit. Grâce à cette télépathie partielle, elle se voit pilote d’essai sur Terre, dans une équipe dirigée par le docteur Wendy Lawson, qui est justement l’apparence prise par l’intelligence artificielle Kree.
Vers parvient à s’échapper et arrive sur Terre, poursuivie par plusieurs Skrulls. Elle s’écrase en 1995 dans un vidéoclub de la banlieue de Los Angeles. Cherchant aussitôt à prendre contact avec Yon-Rogg, des agents du SHIELD [1] arrivent sous la responsabilité de Nick Fury (Samuel L. Jackson), accompagné d’un jeune agent, Phil Coulson (Clark Gregg). Après une course-poursuite haletante, Fury découvre les pouvoirs de transformation des Skrulls et Vers le convainc de leur origine extra-terrestre.
La jeune femme comprend alors qu’elle est d’origine terrienne et que tout le monde la croit morte dans un accident d’avion il y a six ans avec Wendy Lawson. Grâce à Fury, elle retrouve Maria Rambeau (Lashana Lynch), son ancienne partenaire pilote et grande amie de cœur. Celle-ci lui donne son vrai nom : Carol Danvers, mais surtout lui exprime toute la souffrance de l’avoir perdue, et sa perplexité de la voir réapparaître…
[1] Il s’agit de l’acronyme de « Strategic Homeland Intervention Enforcement Logistics Division »), qui est une agence de renseignement, d’intervention et de contre-terrorisme de fiction appartenant à l’univers Marvel (Entrée « SHIELD », Encyclopédie Wikipédia consultée le 8 mars 2019).