Bienvenue à Marwen !
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Pays:
Américain
Thème (s):
Addiction, Guérison
Date de sortie:
2 janvier 2016
Durée:
1 heures 56 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Robert Zemeckis
Acteurs:
Steve Carell, Leslie Mann, Eiza Gonzalez
Age minimum:
Adolescents et adultes

 

Bienvenue à Marwen (Welcome to Marwen), drame et biopic américain de Robert Zemeckis, 2018. Inspiré du documentaire Marwencol de Jeff Malmberg, 2010. Avec Steve Carell, Leslie Mann, Diane Kruger, Merritt Wever, Janelle Monáe, Eiza González, Gwendoline Christie, Leslie Zemeckis, Siobhan Williams et Neil Jackson.

Thèmes

Guérison, addiction.

Derrière cette autothérapie d’autant plus heureuse, voire sucrée, qu’elle est un biopic (une histoire vraie), Robert Zemeckis ne nous livre-t-il pas une fable plus amère sur l’un des pires maux de notre société ?

 

L’histoire est si transparente que l’on hésite à en proposer une relecture. Mark Hogancamp est victime d’un trouble de stress post-traumatique (SSPT) doublé d’une amnésie post-traumatique. Et, à une époque où l’on n’a pas mis ces maux en mots – que l’on se souvienne des inquiétants héros de Taxi driver (Martin Scorsese, 1976) ou d’Apocalypse now (Francis Ford Coppola, 1979), tous les deux créés-décréés par la guerre du Vietnam –, il s’invente lui-même une originale psychothérapie, recyclant ses talents de dessinateur en photographe et créateur d’un pseudo-village belge pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce faisant, il peut rejouer le choc inaugural et, après avoir été blessé, voire menacé de mort, faire subir à ses ennemis bien pire que ce qu’ils lui ont fait subir.

Seul problème – mais il est dirimant –, ces nazis ne cessent de ressusciter, mystérieusement et, semble-t-il, quotidiennement, dans des scènes créativement différentes, mais psychiquement toujours aussi perturbantes. De plus, il lui faut, à chaque fois, bénéficier de l’aide d’un gynécée aussi sexy qu’efficace.

Conséquence : Mark vit cloîtré ou plutôt, si l’on demeure fidèle à la symbolique de l’adjectif, claustré, dans son univers : un domicile, maison et jardin, qu’il a entièrement configuré à l’image de son imaginaire. Et à qui il demande de satisfaire tous ses désirs, eux-mêmes gravitant autour des deux pulsions majeures, éros et tanatos, concupiscible sexué et irascible vengeur.

Ajoutons un élément thérapeutique qui est loin d’être négligeable : à l’instar de ses personnages imaginaires, le village réel, lui, s’est satellisé autour de ce phobique somme toute innocent et distrayant. Un doute ne peut toutefois s’empêcher de germer : à force de rentrer dans le jeu de Mark, les habitants n’entretiennent-ils pas secrètement sa névrose – l’effet néfaste le plus toxique du Sauveteur étant de pérenniser le Victimaire dont il prétend prendre soin ? Voire, ne traitent-ils pas eux-mêmes ainsi leur culpabilité d’avoir hébergé et laissé faire une bande de néo-nazis hyper-violents ?

 

Telles étant les conséquences, quelles sont les causes – non pas du trauma qui est trop évident pour tous, sauf, on va le voir, pour Mark, mais – de cette répétition traumatique ? Certes, la première est le souvenir destructeur que chaque agression, même minime, ne cesse de réveiller, plus, de raviver. Submergé par une attaque de panique incontrôlable, Mark doit fuir à quatre pattes, humilié autant qu’impuissant, lorsqu’il ne fait qu’entrevoir, pourtant latéralement, le chef de bande arborant son tatouage en svatiska (une obsession chez Zemeckis, si l’on se souvient que, dans Contact, 1997, ce symbole était la première image envoyée ou plutôt renvoyée par les extra-terrestres prenant… contact avec la Terre).

Mais, heureuse trouvaille du scénario, la répétition mortifère est aussi et d’abord due à une autre instance intérieure symbolisée par la sorcière belge, Deja Thoris, aussi froidement belle que destructivement jalouse. En effet, à la faveur de l’agression de Kurt (Neil Jackson), l’ex-mari violent de Nicol (sans e !), et, plus encore, de son douloureux échec amoureux avec celle-ci, la mémoire offusquée est réactivée et oblige Mark à s’affronter aux souvenirs refoulés par survie. Il la reconnaît enfin pour ce qu’elle est : une espionne nazie qui préside à sa destinée et lui interdit le bonheur. La psychologie lui a donné un nom : la culpabilité – qu’il ne faut surtout pas confondre avec le repentir ou même le remords. Son message est simple que, désormais il se passe dans une boucle qui le boucle : certes, ce sont bien les cinq délinquants qui l’ont férocement agressé. Mais c’est lui, qui, le premier, les a agressés en révélant son tropisme pour les chaussures féminines ; plus encore, ayant bu, il les a, à son tour, assaillis au lieu de les fuir. Il partage donc la responsabilité de son lynchage. Coupable de l’agression sinon de l’agressivité, Mark ne mérite donc pas de vivre et doit désormais se contenter de survivre, terré dans son village-simulacre.

Le processus de guérison avait été amorcé, lorsque, par exemple, Mark avait accepté de se rendre chez Nicol sans son rassurant objet transférentiel et transitionnel ; ou, lorsque sa même voisine avait refusé, gentiment mais fermement (suaviter et fortiter), en vérité mais non sans la charité, d’être purement et simplement identifiée à la Barbie rousse portant son nom – et donc, d’entrer dans un jeu où il est difficile de faire la part de l’inconscience et de la complaisance. Mais ce cheminement était lent, très lent, et combien incertain. La brutale prise de conscience de l’identité de son bourreau intérieur permet surtout un traitement tout aussi soudain et salutaire : témoigner au tribunal ; se rendre à l’exposition ; faire le deuil des épousailles avec sa charmante voisine ; se risquer à inviter à aller goûter des sushis, la si fidèle, si amoureuse et si célibataire Roberta – dont le magasin semble n’exister que par lui et pour lui.

 

Demeurent deux faits inexpliqués.

D’où vient cet attachement aux chaussures féminines que Nicol, d’emblée et sans ambage, qualifie de fétichiste, avec une justesse que Mark s’empresse de dénier pour mieux se forclore dans son petit monde névrotique ? Omniprésentes dans ses histoires (dès la première où ses viriles rangers sont dénigrées et aussitôt remplacées par des chaussures à talon haut) et dans la maison de poupées entée sur sa propre maison, elles sont aussi ubiquitaires dans ses rêves, son regard (l’apparition de Nicol l’identifie à celle de ses chaussures) et sa demeure où il collectionne, depuis bien avant le basculement traumatique, ces 287 paires de chaussures. Est-ce, lorsqu’elle a découvert cette collection intouchée dont même la plus coquette des femmes n’oserait rêver, que Wendy est partie (ou a fui) ? Expliquer avec Mark que la chaussure est « la pépée, pardon, la femme » en sa quintessence, ne fait que reculer la question d’un pas : pourquoi cette identification de la femme à cette partie de son vêtement ? Et pourquoi le besoin de s’y identifier ? L’idéologue se réjouira d’une promotion secrète de la perversion queer, la psychanalyse émettra mille hypothèses (par exemple, que signifie la relation manquée avec cette femme au prénom lui-même étrangement marqué par le manque du « e » féminin ?).

Deuxième énigme : pourquoi le nom donné à ce personnage de Deja Thoris, aussi extérieurement irréel qu’intérieurement réel ? En effet, tous les noms propres inventés par Mark ont leur origine et leur explication. En particulier, les autres personnages du village et celui-ci même, conjuguant, plus, « conjugalisant » selon une logique très onirique, Mark et Wendy en Marwen. Mais, pour Deja, nous en sommes réduits à des hypothèses et reconduits à notre imagination : « Déjà », disait l’anglophile avec qui je partageais film et soirée, est un terme français volontiers employé par les Américains, par exemple dans l’expression « déjà vu ». Celle qui ne mourra pas, mais disparaîtra dans un véhicule en tous points apparenté à celui utilisé par Marty McFly dans la trilogie Retour vers le futur (1985, 1989 et 1990), nous dit-elle qu’elle ne cesse de revenir comme la culpabilité qu’elle incarne ?

 

Demeure la leçon derrière la fable. La sorcière porte en fait un double nom : le premier, culpabilité, n’étonne pas ; en revanche, le second surprend : « Addiction ». Certes, Mark est possédé par un besoin compulsif de vivre dans son monde de poupées et avec ses chaussures. Mais ne pourrait-on pas voir dans cette histoire la métaphore d’une triste pathologie actuelle qui vient de faire son entrée dans : la dépendance aux jeux vidéos ? Le tout dernier numéro de la revue Cerveau & Psycho (décembre 2018) lui consacre un article dont j’extrais ces quelques statistiques : 24 % des jeunes de 12 à 24 ans jouent au moins 2 heures par jour et 4 % plus de 8 heures. Désormais, l’Organisation mondiale de la santé reconnaît cette addiction aux jeux vidéo dans sa dernière édition du système de classification, comme trouble mental à part entière.

Dans les deux cas – Mark et le gamer –, nous nous trouvons face à l’invention d’un monde parallèle, d’une réalité qui, au début, stimule l’esprit et même l’inventivité, voire crée des liens nouveaux ; mais bientôt, coupe de la « vraie vie », du « monde réel » interdit l’engagement, auto-entretient la phobie sociale et accentue la maladie qu’au début, elle paraissait traiter. Bref, le remède est pire que le mal. Le tout sur fond de déni : « Je ne fais de mal à personne ! » Si ! À toi ! Et à ceux à qui tu pourrais (voire, devrais) te donner !

Le premier pas (reconnaître que l’on est vraiment malade, que l’on ne s’en tirera jamais tout seul, que l’on se ment à soi-même en permanence, que l’on a mille fois essayé de s’en sortir et que mille fois on est retombé, qu’un passé aussi répétitif ne peut qu’assurer un avenir identique, que l’on s’illusionne à cause de périodes, toujours brèves, de sobriété, etc., etc.) est déjà la moitié de la guérison…

 

Le réalisateur de Forrest Gump nous offre un nouvel éloge non seulement de la différence – qui rime avec innocence, patience et tolérance –, mais de la compassion – qui rime avec attention et affection. Ajoutons que si la méthode employée par Mark n’est pas dénuée de valeur très lentement curative, existent des ressources, elles, véritablement efficaces pour sortir de la phobie sociale, du stress post-traumatique, des addictions – comme l’EMDR, l’hypnose éricksonienne, etc.

Pascal Ide

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’intrépide Cap’n Hogie / Mark Hogancamp (Steve Carell) pilote un avion de chasse alors qu’il est pillonné par le feu ennemi. Touché et forcé d’atterrir, il doit changer ses Rangers dont les semelles ont été brûlées. Il les troque contre des chaussures féminines à talon. En même temps, avec sa peau plastifiée et ses articulations mécaniques, Mark apparaît de plus en plus au spectateur comme une poupée… Quoi qu’il en soit, il tombe soudain sur une escouade de soldats allemands dirigés par un chef nazi. Ils se moquent de ses chaussures féminines, le blessent au visage et s’apprêtent à l’émasculer, lorsque surgit un commando de jolies femmes armées jusqu’aux dents qui mitraillent sauvagement les militaires et sauvent Mark : Roberta (Merritt Wever), GI Julie (Janelle Monáe), Caralala (Eiza González), Wendy (Stefanie von Pfetten) et Anna (Gwendoline Christie).

Mais une prise de photo inattendue vient interrompre cette scène de massacre, et nous découvrons alors que toutes ces figures sont des figurines, qui peuplent la reproduction en miniature d’un village belge portant le nom imaginaire de Marwen. Ces poupées correspondent d’ailleurs à des personnages réels qui, toutes, sont en relation avec le « vrai » Mark : Wendy, son ex-petite amie ; Roberta, une chère amie qui tient la boutique de jouets ; Julie, une travailleuse sociale, elle aussi devenue amie, qui lui a réappris à marcher après son agression ; Caralala, employée au bar où Mark travaille et devenue sa confidente ; Anna, l’énergique russe chargée de ses soins. En revanche, une dernière femme, Deja Thoris (Diane Kruger), une allemande aux cheveux verts qui empêche Cap’n Hogie de s’approcher trop de ces femmes et menace même de les envoyer vers le futur, ne correspond à aucune des femmes de l’entourage de Mark.

Nous découvrons surtout que tout ce monde de Barbies modifiées sert de thérapie de substitution depuis que Mark fut violemment agressé et laissé pour mort dans le bar de cette même ville du nord de l’État de New York par cinq jeunes. Mais tout change quand arrive une nouvelle et belle voisine seule, Nicol (Leslie Mann), dont Mark tombe vite amoureux – à moins que ce ne soit de sa paire de chaussures. Si elle éprouve de l’amitié pour cet homme pas comme les autres, partage-t-elle son amour ? Mais, avec la jalouse et toute-puissante Dejo, comment Mark pourra-t-il retrouver une vie normale ? Au fait, d’où vient-elle ?

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