Burning
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Pays:
Sud-coréen
Année:
2018
Thème (s):
Acédie, Amour, Violence
Durée:
2 heures 28 minutes
Évaluation:
Moralement médiocre
Directeur:
Lee Chang-Dong
Acteurs:
Yoo Ah-In, Steven Yeun, Jeon Jong-seo
Age minimum:
Adultes

Burning (littéralement « Brûlant »), thriller dramatique sud-coréen coécrit et réalisé par Lee Chang-dong, 2018. Adapté d’une nouvelle Les Granges brûlées de Haruki Murakami (1983), qui est elle-même lointainement inspirée de L’incendiaire (Barn Burning) de William Faulkner (1939). Avec Yoo Ah-in, Steven Yeun, Jun Jong-seo.

Thèmes

Amour, violence, acédie.

Je n’aurais pas laissé de commentaire de ce film ennuyeux, voire prétentieux, si la critique n’avait été aussi dithyrambique jusqu’à en faire, lorsqu’il fut projeté le mercredi 16 mai à Cannes, le candidat pour la Palme d’or. Égrénons brièvement les attitudes des trois personnages de ce banal triangle amoureux qui s’avère être un tout aussi banal triangle maléfique (Ben le Bourreau, Haemi la Victime et Jongsu le Justicier-Sauveur).

 

Dans la scène qui est le climax du film selon le cinéaste, Haemi danse au coucher du soleil dans la campagne, sur fond de montagne (et de bétail). Comment ne pas songer à la danse symbolique des Bushmen que, en souvenir de son voyage, la jeune fille a mimé, quelques soirs auparavant, de manière limpide et candide devant Ben et ses amis lors de la soirée dans un quartier chic de Séoul ? Or, par le passage de la « petite faim », celle qui s’assouvit aisément, à la « grande faim », celle que rien ne comble, cette danse résume la recherche du sens de la vie. Voire, au terme de la séquence, la caméra se détache des personnages et se centre sur le paysage et plus précisément sur un arbre se profilant sur fond de ciel crépusculaire et automnal ; puis, en un beau plan ascendant, elle s’élève à l’instar des bras de Haemi, à la recherche d’un sens qui rime avec transcendance. Pourtant, loin d’être comblée en ses désirs (aimer quelqu’un qui l’aime, être nue en harmonie avec la nature nue), la jeune femme se tourne vers les deux hommes, le visage inondé de larmes – revivant donc le même drame intime que celui qui l’a si intensément fait vibrer lors d’un autre coucher de soleil, dans le Kalahari.

Pour Jongsu, son passé traumatique d’orphelin psychique, si je puis dire (sa mère l’a quitté voici 16 ans et n’a pas cherché à le voir depuis son départ ; et son père n’est présent qu’à travers ses rages et ses transgressions), semble se répéter dans un présent enfermé, décalé, désœuvré, hébété (le réalisateur a tenu à ce que l’acteur, habitué des films d’action, garde au contraire la bouche légèrement et passivement entrouverte). Jusqu’au jour, en rien provoqué, où il s’éveille amoureux et bientôt détective collectant patiemment et minutieusement les trois indices qui assoiront sa certitude d’avoir affaire à un Corean Psycho (la montre rose et les bijoux dépareillés, le chat sans figure mais pas sans nom, et la serre métonymique). Mais tout bascule dans l’ultime scène où, au lieu de prévenir la police (l’appartement regorge d’indices suffisamment nombreux pour condamner le criminel), il s’invente une posture de justicier qui n’est en fait qu’une basse vengeance assassine, comme s’il était voué à répéter de manière fataliste, voire héréditaire, la fureur endémique de son père ; plus encore, lors de cette soirée fameuse à la ferme, soirée de toutes les révélations, l’aveu de la destruction arbitraire et symbolique des serres se joignait à celui des accès de rage paternelle (« Comme une bombe. Je déteste mon père »), suggérant ainsi que le second était la réponse obligée du premier, que l’impulsion de Jongsu était le reflet de la compulsion de Ben.

Enfin, si Ben apparaît d’abord courtois et souriant, il dévoile rapidement une personnalité narcissique (les signes, jusqu’à l’aveu presque ingénu de l’intense jalousie, sont tellement patents qu’ils dessinent un tableau clinique) voire, au terme, une personnalité perverse (pourquoi continuer à voir Jongsu après son crime, sinon pour jouir de la souffrance de celui à qui il a ôté la cause de son bonheur ?). Comme si cet homme, depuis toujours mort au dedans, attendait la mort du dehors comme unique voie de salut…

 

Ainsi, alors que ces anti-héros semblent sortir d’une vie esthétique (au sens kierkegaardien d’existence autocentrée et hédoniste), en réalité, aucun d’entre eux ne franchit le seuil les conduisant à la vie éthique (qui, toujours selon le philosophe danois, se caractérise par le décentrement de soi, l’engagement et la prise en compte de l’altérité ou des médiations objectives). Voire, au moment où un diagnostic spirituel s’ébauche (les trois héros sont frappés par l’acédie : autant et sans surprise les plus riches que, ce qui, là, est une heureuse surprise, les plus démunis, tout s’effondre dans une noirceur lacérée de violence.

Oui, en sortant, le film hante le spectateur, mais pour le pire, parce qu’il ente en nous une complaisante désespérance.

Pascal Ide

Jongsu ou Jong-soo (Yoo Ah-in), un jeune homme introverti, travaille dans Séoul à mi-temps comme livreur et à mi-temps comme écrivain débutant. Au cours d’une livraison, il rencontre Haemi (Jeon Jong-seo), une animatrice d’événements commerciaux, dansant à la porte des solderies. Alors qu’il ne la reconnaît pas, cette ancienne camarade de classe originaire du même village, Paju, l’identifie. Elle ne tarde pas à l’inviter dans son petit studio où elle vit avec Choffo, son chat, et où, toujours à son initiative, ils ont une relation intime.

Jongsu retourne à la ferme familiale à Paju, tout près de la frontière nord-coréenne, pour s’occuper notamment du veau restant. En effet, son père, un ancien militaire violent et fier, vient d’être emprisonné et doit passer en jugement parce qu’il a lancé une chaise sur un policier et lui a cassé le bras. Haemi le contacte alors : s’apprêtant à partir en voyage dans le désert du Kalahari, elle demande à Jongsu de bien vouloir nourrir son chat pendant son absence. Jongsu accepte et, avec le pick-up agricole rouillé de son père, il se rend quotidiennement dans le studio de Haemi pour nourrir le chat qui toujours se cache à son arrivée. Excité par le souvenir de la jeune fille, il s’y masturbe à chaque fois.

À son retour, Haemi lui téléphone pour lui demander de l’attendre à l’aéroport. A la surprise et à la déception de Jongsu, elle se trouve en compagnie de Ben (Steven Yeun), un Coréen un peu plus âgé qu’elle, beau, très liant et millionnaire, qu’elle a rencontré à Nairobi. Le trio part manger dans un restaurant ; au cours du repas, Haemi décrit un coucher de soleil sur le Kalahari qui lui a brisé le cœur et fond en larmes, en avouant qu’elle aurait souhaité disparaître elle aussi. Ben s’étonne de ses pleurs, indiquant qu’il n’a jamais pleuré même lorsqu’il était triste. Pendant le repas, quelqu’un ramène à Ben sa Porsche Carrera. Au sortir du restaurant, Haemi choisit d’être ramenée chez elle par Ben…

La jeune fille saura-t-elle choisir entre Jongsu, sans argent ni brio, mais riche d’amour pour elle, et Ben, brillant et fortuné, mais qui, insensible, ne semble aimer que lui-même ? Mais, au fait, d’où ce Gastby le Magnifique made in Corée du Sud tire-t-il son argent ? Et, plus inquiétant, que deviennent ses multiples conquêtes ?

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