Volte-face, drame américain de John Woo, 1997. Avec John Travolta, Nicolas Cage, Joan Allen.
Thèmes
Violence, terrorisme.
Le film Volte-face, est une excellente occasion de nous interroger sur la violence au cinéma. Certes, ce film est vivement déconseillé aux personnes sensibles, a fortiori aux enfants. Pour autant, la violence n’est pas gratuite et y présente un sens inattendu. Le très physique John Woo, l’enfant terrible de Hongkong, n’oublie pas d’être métaphysique !
La première scène nous montre un père jouant aux chevaux de bois avec son fils. Teintes pastels, ralenti, complicité des regards et des sourires, tout nous dit la joie de la paternité qui se croit éternelle comme ce manège enchanteur qui tourne toujours. Mais un tireur embusqué tue l’enfant (William) et blesse le père (Sean Archer).
Dès lors, Sean, qui s’avère être un superflic, ne vit plus que de sa vengeance. Toute son énergie et son intelligence sont tournées vers la capture du criminel, Castor Troy. Il en sacrifie sa vie familiale, sa fille est en pleine crise d’identité. Sean n’est plus que haine. C’est pour cela qu’il sera incapable de se réjouir, lorsqu’il aura réussi à attraper et tuer (du moins le croit-il) Castor : « Tu ne me rendras jamais ce que tu m’as enlevé », dira plus tard Sean.
Ici se vérifie la constatation de Pascal selon laquelle celui qui hait s’identifie à celui qu’il hait. Ainsi, lorsque la science lui offrira la possibilité de se métamorphoser en Castor, la substitution des visages ne fera que consommer et révéler la transmutation des âmes opérée depuis longtemps.
Encore un film sur la fascination de l’homme pour la proximité des contraires (ici flic et voyou) ? Non, car tout va basculer. Dans un récit, Elie Wiesel fait parler un jeune homme qui doit tuer un autre homme. Celui-ci se met à expliquer qu’il a un fils. « Il ne faut pas que j’écoute son histoire, me dis-je. C’est mon ennemi ; l’ennemi n’a pas d’histoire. » Sean va devoir épouser toute la vie de celui dont il connaît déjà chaque geste, chaque manie. Or, en vivant la vie de son ennemi, Sean va rencontrer non pas d’abord un ennemi, mais un homme. Plus encore, un père. Castor a un fils de cinq ans.
Dans la splendide scène finale, Sean apparaît comme ressuscité, dans un espace saturé de lumière, accompagné de l’enfant de Castor. Certes, comme William, l’enfant a cinq ans et lui passe la main sur le visage. S’agit-il d’un transfert ? La logique de la haine aurait plutôt voulu qu’il se venge sur l’enfant de la mort du sien. Sean a pardonné, et cela parce que le père, en lui, a toujours déjà pardonné. Dès lors, sa fille lui est rendue, réconciliée avec elle-même. Quant à sa femme, c’est parce qu’elle est toujours demeurée fidèle que Sean a pu retrouver le chemin de la maison.
Symbolique est la cicatrice de la balle tirée par Castor. Au médecin qui remodèle son corps, Sean demande de refaçonner sa blessure, le jour où il retrouvera son visage : il a besoin de ce point de repère comme il a besoin de cette haine pour vivre. Une fois rené, ce signe ne devient pas superflu, mais insignifiant, au sens propre du terme, car sa raison de vivre est ailleurs : « Je n’ai plus besoin de la cicatrice près de mon cœur. »
Cette histoire ne parle pas de l’éternelle lutte du Bien et du Mal, comme le clame Castor dans l’église : la vie ne se répète pas. Elle parle du choix entre pardon accepté et refusé. Et cette acceptation est une grâce : elle vient de ce que le Bien n’a jamais été détruit ; Dieu est, dès l’origine, Dieu des pardons et l’homme, un être fait pour le pardon.
On le voit, la violence de ce film, sans doute superlative, est au service d’un sens profond. Le discerner suppose une éducation du regard et de l’imagination.
Lecture conseillée : Emmanuel Dumont, Guide de la télévision en famille, Paris, Droguet et Ardant, 1997, p. 81-111.
Pascal Ide
Castor Troy, dangereux terroriste, est tombé dans le coma à la suite d’un affrontement avec Sean Archer, agent de la CIA. Grâce à une intervention chirurgicale, Archer prend le visage de Troy pour faire avouer au frère de ce dernier l’emplacement d’une bombe. Mais Troy sort du coma et prend à son tour le visage d’Archer.