Valérian et la Cité des mille planètes, film de science-fiction français de Luc Besson, 2017. Avec Dane DeHaan, Cara Delevingne, Clive Owen, Rihanna. Même si le titre évoque le deuxième album de la saga en bande dessinée française Valérian agent spatio-temporel (rebaptisée en 2007 Valérian et Laureline) scénarisée par Pierre Christin et dessinée par Jean-Claude Mézières, L’Empire des mille planètes (1971), l’histoire suit très librement le sixième album, L’Ambassadeur des Ombres (1975).
Thèmes
Adolescence, amitié, amour, courage, étranger.
Il est attendu notre blockbuster français de l’été – une première pesant quelque 197 millions d’euros (on nous l’a assez dit). Bon, français en partie, avec une bande son originale en anglais et les deux acteurs principaux, américain et britannique. En tout cas, le moins qu’on puisse dire est qu’il divise la critique, entre adorateurs et contempteurs («Un navet spatial », titre Libération !).
Disons-le d’emblée, je fais partie du deuxième groupe : ce super-joujou qui, pour les effets spéciaux, lorgne du côté d’Avatar – la surprise en moins – m’a déçu. Oh, ce n’est pas que le film manque de mérites. Il multiplie les scènes spectaculaires et les plans enchanteurs. Ah, la scène d’ouverture féerique sur la planète Müll, la beauté éthérée et nacrée du peuple Pearl, les échanges suaves et lumineux entre ces créatures pacifiques parce que pacifiées (qui, soit dit en passant, n’ont rien d’androgynes), cette harmonie prélapsaire entre la nature, les mortels et le sacré… Saluons aussi la trouvaille qu’est Big Market – où Valérian et Laureline doivent retrouver le transmuteur – : cette ville transformée en un hypermarché caché dans une autre dimension n’est visible qu’aux touristes chaussant une paire de lunettes adaptées et abrite une prolifération créative d’aliens les plus improbables – certes, déjà rencontrés sur Tatooine relookée dans la nouvelle version de l’épisode 4 de Starwars (Un nouvel espoir) –. Allez, un dernier exemple : l’original numéro transformiste de Bubble (la chanteuse Rihanna), dont l’absence d’identité devient la métaphore douce-amère des apatrides, et sa mort physique, teintée de nostalgie, celle de leur mort sociale.
Bref, Besson sait subcréer un monde et ici, des mondes. Il n’a pas perdu ce talent qui lui valut un succès mérité, voici vingt ans, avec Le 5e élément.
Alors pourquoi cette frustration ? Pour trois raisons principales.
Une raison générale n’étonnera pas mes lecteurs. Si le cinéaste-scénariste sait faire rêver, il ne sait pas raconter une histoire. Une nouvelle fois, le spectaculaire a dévoré le narratif. Un signe : on ne s’endort jamais ; on ne se passionne jamais. À la même époque, l’an dernier, un film fantastique aussi ambitieux, lui aussi inspiré d’une histoire, Le BGG, m’enchantait, parce qu’il avait su, avec des moyens aussi considérables, raconter une histoire émouvante et drôle. Le réalisateur, il est vrai, s’appelait Spielberg et acceptait qu’un autre que lui écrive ses scénarios.
En émoussant le côté dramatique, si présent dans l’émule déjà nommé, Avatar, le film perd beaucoup de son intensité. Certes, le drame est présent dans la scène initiale sur Müll ; mais l’incertitude sur son caractère onirique la dissout et la multiplication des intérêts latéraux la fait perdre de vue. Certes, elle pourrait resurgir avec la menace sur Point central (pardon, Alpha !) ; mais cette dernière n’apparaît que tardivement et n’est pas mise en relation avec la figure peu effrayante, voire peu crédible du « méchant » de service, le Commandeur Arün Filitt (Clive Owen). Au fait, pourquoi le transmuteur n’est-il plus grognon ? L’exemple est insignifiant, mais il est révélateur.
On rétorquera à juste titre que les aventures de Valérian ne se prêtent guère à ce tragique (encore que la destruction de la Terre, présente dès le premier album – La Cité des eaux mouvantes – et éclairée seulement dans le dernier – L’ouvre-temps –, engendre une tension qui n’est peut-être pas assez relevée), avec leur ton déplacé, entre écologisme, féminisme et anarchie.
Alors les lecteurs fan de la saga de Christin – dont je suis – déploreront le deuxième manque: les références philosophiques – ah, la rencontre avec la copie conforme de Bachelard sous les traits de Chatelard dans Métro Châtelet direction Cassiopée ! –, voire clairement religieuses – si je regrette la mise en scène irrévérencieuse de la Trinité dans Les foudres d’Hypsis, je ne peux qu’être intéressé par la critique symétrique des idéologies dominatrices et New Age dans Les héros de l’équinoxe – et surtout la discrète et drôlatique critique sociale qui faisait l’un des charmes de la BD au succès planétaire (dix millions d’exemplaires, traduction en 21 langues) : où sont passées les notations délicieusement subversives sur la société de consommation chronolâtrique, sur le féminisme (qu’il faudrait actualiser, peut-être en revalorisant le masculin ?), sur l’exploitation de la nature ?
Mais peut-être la première question à se poser est-elle : à quel public Luc Besson s’adresse-t-il ? Le même que la dernière mouture de Spiderman (Homecoming), et pour la même raison : les post-adolescents pas encore adultes, bref, les 18-30 ans…Passons l’humour balourd et le choix d’acteurs sans charme qui, pour correspondre à cette tranche d’âge, les rend d’autant plus insignifiants (surtout Dane DeHaan) qu’ils doivent être universels. Un signe parmi beaucoup. Comme les jeunes de leur âge aujourd’hui, Valerian et Laureline ont déjà dépassé l’illusion du zapping et rêvent au grand amour. Dans leurs échanges entre Valerian et Laureline, on en retrouve toutes les composantes qu’on ne peut que signer des deux mains – l’élan passionné et l’admiration, la nécessité d’un choix et d’un engagement, le renoncement à la polygamie, le « pour toujours », même le don de soi et la confiance –, sans oublier l’ultime, qui annule tout et à laquelle Laureline ne veut surtout pas renoncer : l’idéalisation.
Dans ce premier space opera français qui louche tant vers Hollywood, Besson a pris le plus séduisant, mais aussi le plus dangereux de son grand voisin outre-atlantique, en en oubliant le meilleur : le sens de l’histoire.
Pascal Ide
À la suite de la rencontre historique Apollo-Soyouz en 1975, d’autres nations envoient des cosmonautes rejoindre la station spatiale. Peu à peu, décennie après décennie, siècles après siècles, la station s’amplifie et se complexifie, les rencontres se diversifient : entre nations terrestres, puis de l’homme avec des extraterrestres, eux aussi de plus en plus variés en nombre et en formes. Rebaptisée Alpha (et, plus poétiquement la Cité des mille planètes), la station trop massive qui menace de s’écraser sur la Terre doit être éloignée de la Terre vers Magellan, tout en continuant à croître. Nous la retrouvons en 2740, alors qu’elle loge 17 millions d’êtres vivants et plus de 8 000 civilisations différentes.
Sur la planète Müll, de grands et beaux êtres pacifiques vivent sur une plage où ils recueillent des perles dotées de pouvoirs, répliquées par de petits animaux que nous découvrirons être des transmuteurs et versées dans un puits lors d’un rituel. Mais brusquement, cette scène idyllique est interrompue par de sombres vaisseaux qui tombent du ciel. L’un d’eux s’écrase sur leur plage, explose et tue dans un déluge de feu dévorant une grande majorité de ses habitants…
C’est alors que nous découvrons que ce spectacle de désolation se trouve dans un rêve de Valérian (Dane DeHaan) qui, avec Laureline (Cara Delevingne), est agent spatio-temporel accomplissant des missions pour assurer le maintien de l’ordre au sein des galaxies. Les deux agents reçoivent la mission de retrouver un réplicateur qui ressemble beaucoup à celui vu sur Müll. Ce rêve serait-il réel ? Que seraient alors devenus les survivants ? Et puis, ce qui est étranger à la mission, mais pas à ceux qui l’effectuent, Valérian épousera-t-il Laureline qu’il demande en mariage et qui refuse, parce qu’elle le trouve encore cavaleur et immature ?