Baby Driver
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Thème (s):
Don, Salut
Durée:
1 heures 53 minutes
Directeur:
Edgar WRIGHT
Acteurs:
Ansel Elgort, Kevin Spacey, Lily James, Jamie Foxx, Jon Hamm et Eiza Gonzales

 

 

Baby Driver, film d’action américain d’Edgar Wright, 2017. Avec Ansel Elgort, Kevin Spacey, Lily James, Jamie Foxx, Jon Hamm et Eiza Gonzales.

Thèmes

Salut, don.

Ce croisement improbable, mais innovant et plutôt réussi, entre La La Land et Drive (plus que Fast & Furious) pose, avec le recul, un problème, soigneusement évité par les critiques : comment Baby s’éveille-t-il à la conscience morale et donc à son humanité ?

 

Au point de départ (succulente scène d’ouverture, prolongée dans un épatant et subjuguant plan-séquence), Miles dit « Baby », apparaît comme un surdoué du volant décalé sinon désaxé, limite Asperger (autiste intelligent et ici hypermnésique). On nous explique (plus qu’on ne nous suggère avec finesse…) que ce jeune à peine sortir de l’adolescence fut victime d’une sorte de stress post-traumatique dû à la vision en direct, sur la banquette arrière, de la mort de ses parents dans un accident routier; mais aussi et d’abord sur fond de disputes parentales de plus en plus violentes, verbales et même physiques, dont la dernière les a conduits à cette mort. De même que les cicatrices multiples sur le visage de Baby signalent ses traumas psychiques, de même la mort physique de sa maman et de son papa symbolise la mort spirituelle du lien qu’est la dispute au quotidien.

De plus, le scénario semble voir dans ce stress la matrice de ses talents, puisque, dans son goût pour les chansons, Baby reproduit la profession de sa mère, qui était chanteuse, et dans sa création artistique où il pulvérise, déforme et refond les voix entendues et enregistrées au quotidien, il répète l’éclatement des corps dans l’accident, celui de sa confiance dans l’amour en son cœur et celui de sa famille dans la vie (il fut ensuite placé chez un tuteur). Voire, a-t-il choisi sa profession de chauffeur par surcompensation de l’imprudence de sa mère au volant ? Est-il devenu sauveteur de son entourage en réparation de son impuissance face au naufrage du couple de ses parents?

 

Tout semblait donc conduire l’idylle amoureuse avec cette serveuse douce, fraîche et romantique qui partage sa passion de la voiture et de la musique pop rock (« Nous deux, la route et la musique »),vers le road movie assassin, type Bonnie and Clyde, ou suicidaire, type Thelma et Louise, dans un apologue transgressif de la singularité amorale et une discrète critique sociale du rêve américain qui a échoué à intégrer ces originaux en quête de sens.

Or, alors que tout est en place (topologiquement et comportementalement) pour que leur voiture arrêtée au milieu du pont finisse soit mitraillée soit en vol plané, nous entendons cette parole inattendue : « Tu n’as rien à faire dans ce monde-là » (le monde délinquant et déviant de Baby) qui, jointe au geste de s’emparer de la clé de contact scelle le refus de la fusion mortifère, devient parabole du changement intérieur de Baby. Le spectateur passif de sa vie est devenu l’actif héros qui est né à la conscience de l’autre (Debora) et, plus encore de l’altérité (« autre monde »), donc de l’universalité, et bientôt, quand il sourcillera à la sentence du juge, à l’objectivité de la loi.

En effet, les précédentes et prétendues explications réductionnistes ne peuvent rendre compte de cette intelligence kinesthésique hors du commun qui lui permet autant de danser sa vie – dans la rue comme dans son appartement – que de virevolter avec un véhicule – toujours différent – dans les espaces les plus confinés et les plus dangereux.Plus encore, elles ne peuvent éteindre la conscience morale qui, présente en chaque homme, l’avertit – par émotion ou inclination interposées – de la bonté ou de la malice de l’acte à poser. D’un côté, Baby semble l’avoir étouffée : il ferme les yeux sur les crimes commis par les gangsters qu’il convoie – leur violence physique ajoutant à leur violence morale – et il ferme ses oreilles à ce monde traumatique, comme autrefois déjà il se retranchait, par iPod interposé, dans un univers enchanteur de chansons pour ne pas entendre cette même double violence parentale, physique et morale. En ce sens, Baby n’est pas si loin de Maboule qui, avant chaque cambriolage, se justifie en invoquant un raisonnement à la Proudhon (« La propriété, c’est du vol ») appliqué aux clients des banques. Mais, de l’autre côté, divers signes attestent cette conscience. Par exemple, apercevant les cris et les coups de feu lors des braquages, son visage se crispe et il détourne le regard. Les rares fois qu’il aperçoit les cris ou la violence, les traits de son visage tressautent. Au plan somatique, les acouphènes sont donc plus un prétexte qu’une raison authentique de se retrancher du monde et, au plan psychologique, sa playlist apparaît plus comme un mécanisme de défense que la raison profonde de son mutisme obstiné.

 

Entre ce terminus ad quem (le point d’arrivée) et le terminus a quo (le point de départ), quel terminus per quem (le point intermédiaire) explique-t-il la métamorphose de Baby – qui est autant guérison que conversion?

L’on pense spontanément à la grande nouveauté qu’est la rencontre avec Debora. Le corps chantonnant et dansant de Baby sait avant lui qu’il est amoureux. De fait, à son contact, le taiseux se met soudain à parler et même à se raconter – prononçant plus de mots en une soirée qu’en une année. De même que le réalisateur (qui est aussi scénariste) fusionne avec maestria image et musique, de même, les amoureux très fifties ne vont pas tarder à conjuguer leur sentiment et leur commune passion.

Mais ce choc béni qui fracture sa bulle auto-protectrice et lui fait enfin croire à l’amour n’explique pas tout et ne doit pas faire passer sous silence (sic !) les multiples attestations quotidiennes de l’autre dont le tempérament sauveteur n’est que la suradaptation déformée : de son tuteur, comme lui handicapé de l’audition jusqu’à en être muet, de l’employée de la banque, de la femme à qui il vole pourtant sa voiture, de la serveuse, du chauffeur intrépide qui les prend en chasse, voire de son boss. Bref,cette conscience morale toujours en éveil le travaille.

Surtout, deux faits doivent attirer l’attention. Le premier est le déplacement constant que Baby introduit dans les équipes de Doc. Toujours l’un des gangsters se sent agressé par sa présence paradoxalement d’autant plus dérangeante qu’elle est plus discrète. Or, la raison vient de ce que sa différence, certes physique (la présence permanente des écouteurs qui le fait surnommer par Léon dit « Maboule », « Écoute »), mais surtout spirituelle, joue le rôle de test projectif : son innocence sert de révélateur à la culpabilité des truands. Le même sociopathe, « Maboule », l’a très bien compris, qui exige de lui qu’il vive aussi le baptême du sang, non pas tant pour qu’il s’intègre dans l’équipe que pour lui salir les mains et pervertir sa conscience afin qu’il cesse de questionner la leur.

Le second est le devenir inattendu de Doc. Ce mafieux d’Atlanta qui ne semble travailler que pour ses propres intérêts, manipule ses équipes sans jamais s’exposer, en liquide sans scrupule les membres problématiques et menace sauvagement Baby d’assassiner ses proches et de le mutiler lorsqu’il émet le désir de raccrocher, s’avère au final être le père protecteur de substitution qui lui manque tant, qui paye son dîner dans le meilleur restaurant de la ville et dont les paroles répétées sur l’amitié et le travail en équipe, s’avèrent, au terme, d’une poignante vérité. Comment l’exemple de son sacrifice pour Baby ne pousserait-il pas celui-ci à l’imiter en sauvant Debora d’elle-même ? Or, le don de soi est la vérité ultime sur l’homme.Baby est donc enfin né à son humanité accomplie.

 

Loin d’être cet « instinct divin » préformé que loue le Vicaire savoyard, la conscience morale est bien plutôt, selon l’image heureuse d’un disciple fameux du cardinal Newman, le pape Benoît XVI, non pas cet oracle dont parle l’Émile de Rousseau, mais un organe toujours en croissance et en formation. Baby, le surnom trouvé par Doc pour dire le mutisme et l’attente de son éveil à la parole, est plus encore la métaphore de son ouverture à sa conscience morale, donc à l’autre, donc à l’amour, donc au bonheur…

 

Pascal Ide

Les écouteurs vissés dans les oreilles, dansant à la musique qui en sort,le jeune « Baby » (Ansel Elgort) attend devant une banque. Soudain en surgissent trois braqueurs armés qu’il emmène dans une course poursuite survoltée dans les rues d’Atlanta. Ayant réussi à semer les nombreuses voitures et jusqu’à l’hélicoptère de la police, ils se retrouvent autour de leur commanditaire, Doc (Kevin Spacey), qui fait le partage et lui donne une faible part, correspondant à une dette mystérieuse. L’on comprendra plus tard que Baby a cherché à l’arnaquer et s’est trouvé pris au jeu de l’arroseur arrosé. Mais, ayant repéré en Baby l’as du volant dont il rêvait pour ses casses, Doc se l’attache. Jusqu’au jour où Baby rencontre la fille de ses rêves, Debora (Lily James), qui travaille comme serveuse dans un dîner, et lui donne envie de quitter cette vie criminelle. Mais le cerveau qui organise les braquages acceptera-t-il et comment le vivront ses coéquipiers, les amants terribles, Jason dit « Buddy » (Jon Hamm) et Monica dite « Darling » « Eiza Gonzales), et surtout le très inquiétant Léon dit « Bats » (Jamie Foxx) ?

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