La Belle et la Bête, comédie musicale fantastique américain de Bill Condon, 2017, adaptant le film d’animation des mêmes studios Disney, datant de 1991 et inspiré du conte lui aussi éponyme de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, publié en 1757. Avec Emma Watson, Dan Stevens, Kevin Kline et Luke Evans.
Thèmes
Amour, homosexualité
Si je me suis fait un devoir de visionner le film pour en parler en toute connaissance de cause, plus d’une personne de mon entourage a, avec cohérence, refusé d’aller le voir en famille. Au nom de la parole si avisée et toujours plus d’actualité du bon pape Jean xxiii : « Acheter un ticket de cinéma, c’est mettre un bulletin de vote dans l’urne ».
On imagine sans peine que ce pur produit des studios Disney remportera un certain succès : les chansons de la comédie musicale seront reprises par nos chères têtes blondes, en même temps que les plaisanteries (à en juger par les quelques rires enfantins qui fusaient dans l’assistance) ; la décoration est soignée ; l’on ne peut que saluer l’idée originale d’une histoire devenant film devenant dessin animé redevenant film (qui en reprend partiellement personnages, histoire, décors, chansons, etc.).
Mais pourquoi avoir introduit cette apologie aussi appuyée que déplacée de l’homosexualité (présente jusque dans l’avant-dernière image) – apologie qui rime avec idéologie, puisque rien dans le conte ne l’appelait et que rien, dans la nouvelle trame, ne s’en trouve enrichi – ? Je discerne deux raisons principales.
Tout d’abord, La Belle et la Bête est le plus genré des contes traditionnels : il n’y a pas femme plus douce et plus aimante que Belle, d’autant que le conteur la contredistingue de ses deux autres sœurs toutes à leur conquête du mari et, à travers elle, de leur ego ; il n’y a pas plus rude homme que cette Bête puissante et dominatrice. Or, la reprise du conte par les studios Disney opère des déplacements en vue de brouiller les identités sexuées (et ainsi favoriser celui des orientations sexuelles) : la jeune fille rêveuse et grande liseuse est devenue une conquérante très décidée qui étouffe dans ce petit village et aspire à l’aventure ; les sœurs ont disparu au profit de ce personnage inventé autant qu’insupportable qu’est le chasseur machiste, vantard, lâche, narcissique, menteur, assassin (n’en jetez plus…). Bref, nous nous retrouvons face au dipôle très actuel et valorisé par l’idéologie du genre (à distinguer des études de genre), d’une femme dotée d’attributs symboliquement masculins et d’un homme (vir) d’une telle violence qu’il ne peut même plus s’excuser de l’être (un homme).
Ensuite, le message profond du conte est détourné et enrôlé, là encore subrepticement mais point subtilement, au service de la « morale » qui nous est imposée (!). Le message du conte peut se résumer dans une parole de la Belle empruntée à la première version (1740) de La Belle et la Bête, due à Gabrielle-Suzanne de Villeneuve : « Vous m’apprîtes à démêler les apparences qui déguisent toutes choses. Je sus que l’image trompe, et nos sens et nos cœurs » (éditions Folio, Femmes de lettres, 2010, cité d’après Wikipédia, qui est plus fiable qu’on ne croit !). Or, s’y substitue un message de la nouvelle pseudo-vertu universelle, la tolérance : ne vous fiez point à la simple apparence que sont la différence des sexes et celle des orientations, elles déguisent toutes choses ; l’essentiel est l’amour. En effet, c’est au nom de l’amour qu’une minorité très agissante et très influente invente le lissage de la différenciation la plus structurante de l’humanité, celle de l’homme et de la femme ; et dévitalise l’amour de sa double et splendide énergie : la fécondité et l’altérité, autrement dit la procréation et la communion.
Ainsi, non seulement la transformation-déformation de La Belle et la Bête en hymne implicite à l’idéologie LGBT défigure la portée initiale du conte, mais elle en vit comme un parasite qui le vampirise.
Pascal IDE
Est-il besoin de rappeler cette histoire connue de tous ? Il était une fois, un jeune prince égoïste et indifférent (Dan Stevens), qui dans un somptueux château, identique à celui du logo Disney, multipliait des fêtes dispendieuses auxquelles il ne conviait que ses admirateurs. Jusqu’au jour où, ayant refusé, de plus avec mépris, d’héberger une vieille mendiante, celle-ci – qui était une fée déguisée – le punit en le transformant en une bête monstrueuse. Tout en lui promettant le pardon et la délivrance du sortilège qui frappe son château et ses habitants, si enfin, il aime une femme et en est aimé en retour – du moins avant qu’une rose magique ne perde son ultime pétale.
Non loin du château, dans un petit village français, Villeneuve, vit une belle jeune fille que son père Maurice (Kevin Kline), un inventeur un peu rêveur et veuf, a justement appelée Belle (Emma Watson). Celle-ci est courtisée par Gaston (Luke Evans), un chasseur arrogant qui, attirant toutes les filles du village, désire la seule qui ne soit pas aimantée par son charme (prétendument) irrésistible. Comme chaque année, le père de Belle s’absente, non sans avoir recueilli la demande de sa fille : lui rapporter une rose. S’étant perdu en chemin, il arrive au mystérieux château de la Bête et y cueille la rose – une autre que la rose enchantée – pour Belle. C’est alors que son effrayant propriétaire surgit et, pour le punir de ce vol, l’emprisonne à vie. Suivant le cheval de son père revenu seul, Belle arrive au château et s’offre à la place de son père tendrement aimé. Alors que le moment où la malédiction deviendra irréversible approche à grands pas, comment un amour réciproque pourrait-il naître entre cette Bête, qui ajoute à l’égoïsme, l’amertume de la punition et la colère contre la fille de ce père voleur, et Belle, d’autant plus repoussée par cet être à l’apparence répugnante qu’il a condamné très injustement à une peine démesurée l’être qui lui est le plus cher au monde ?