F1
Loading...
Pays:
Américain
Thème (s):
Autrui, Blessure, Changement, Communion, Don, Guérison
Date de sortie:
25 juin 2025
Durée:
2 heures 35 minutes
Évaluation:
****
Directeur:
Joseph Kosinski
Acteurs:
Brad Pitt, Damson Idris, Javier Bardem
Age minimum:
Adolescents et adultes

F1, drame sportif américain de Joseph Kosinski, 2025. Avec Brad Pitt, Damson Idris, Kerry Condon, Tobias Menzies, Javier Bardem.

Thèmes

Changement, autrui, don, communion, blessure, guérison.

Dans la même veine humaniste voire spirituelle que son très successfull Top Gun : Maverick (2022), le réalisateur nous raconte une histoire de maturation sur fond d’une activité d’exception, la Formule 1 – qui en devient à la fois la cause, le théâtre et le symbole. C’est ce qu’atteste de manière limpide le déploiement linéaire, intrigue qui n’a pas besoin de multiplier de manière acrobatique les allers et retours entre présent et passé (faudrait-il ajouter aujourd’hui à la règle des trois unités, la simplicité ?).

 

  1. Au point de départ, Sonny Hayes apparaît comme un homme blessé.

Blessé dans sa relation à l’autre. Dès la première scène, on le voit se battre pour la première place au mépris des règles de sécurité, ainsi qu’au mépris d’adversaire qui le lui rend bien. Or, qui exclut doit s’attendre à être exclu. Nos actes ayant des conséquences, ce solitaire non solidaire devient un esseulé isolé et désolé qui est non seulement sans épouse ni descendance, mais presque sans ami. À preuve, lorsqu’un ancien coéquipier vient lui proposer l’affaire de la vie, Sonny demande conseil, pour cette décision décisive, à la bar-woman.

Cette blessure de l’altérité est symbolisée autant que concrétisée par un corps constamment douloureux. Il ne s’agit pas uniquement de reposer son corps après l’effort sportif dans ce très peu attractif bain d’eau glacé. La souffrance commence pour Sonny dès qu’il plonge dans ce cercueil ambulant qu’est le bolide, caisson bourré d’électronique, inconfortable et claustrophobe qui semble tolérer plus que l’accueillir. Et nous apprendrons très tardivement, lors de la rupture avec Ruben Cervantes, que la fracture qui rigidifie son corps et brouille parfois son esprit est si haute dans le rachis (C5) que le pilote est passé juste à côté de la tétraplégie définitive.

Mais ces traumas psychiques et physiques ne sont rien face à la cause la plus profonde, la plus existentielle et la plus spirituelle de la navrure. Lors du prime échange avec la serveuse évoqué plus haut, Sonny ne saurait y accéder tant elle est profondément enfouie et douloureusement indicible. Ce sera en présence de Kate, une autre femme, mais dans une relation autrement gratuite et autrement aimante (là où insiste l’amour), qu’il pourra enfin nommer la frustration fondamentale de sa vie, celle qui dit en creux la raison pour laquelle il court en plein (Lorsque le film sera accessible par streaming ou en DVD, il vaudra la peine de reprendre le détail verbal de cet aveu auquel seule la patience attentive et attentionnée de l’amour lui permet d’accéder : « Je vole… »). Mais cet avers torturant est le révélateur d’un revers comblant, donc nous parlerons au terme.

 

  1. Et Joshua « Noah » Pearce ?

Certes, ce jeune loup est aussi un jeune coq surdoué qui doit encore grandement mûrir et manque cruellement de figures identificatoires paternelles. Ce haut potentiel automobilistique (HPA !), dégoté par Ruben, se prend déjà pour le roi du pétrole : à peine remporte-t-il quelques victoires qu’il se croit au sommet de la gloire et de la compétence et méprise l’expérience de ce « vieux » sur le retour qu’est Sonny. S’il vit par lui-même, Joshua vit également pour lui-même : il n’entretient que des relations utilitaires, y compris avec sa mère. En réalité, cette estime de soi est aussi haute que fragile, ainsi que l’atteste la jalousie qui l’étreint avec une telle force qu’elle le conduit à l’accident dès son retour sur la piste.

On saluera à ce sujet la prouesse d’un scénario qui s’est refusé à l’intrigue simpliste et même téléphonée qui, après l’éclipse et l’épreuve, aurait transformé ce retour dans l’aurore du salut. En évitant ce lieu commun qui, trop souvent, fait croire à l’automaticité du délai et de l’épreuve, il montre que le temps ne travaille passivement en nous que si la liberté nous laboure activement, et que le négatif porte son fruit seulement si celle-ci lutte de toutes ses forces contre le ressentiment. La conquête de soi est d’abord une libre quête de la vertu – dont l’entraînement est aussi rude et chicanier que l’entraînement sportif.

Le combat de JP consistera donc à sortir de son narcissisme pour aller vers un authentique compagnonnage et un efficace équipage. De ce point de vue, comment ne pas s’interroger sur le rôle très ambivalent de l’agent de Noah (Samson Kayo) ? S’il l’aide en servant et dopant l’image de lui, il le dessert en survalorisant l’importance de l’opinion extérieure et en l’aliénant aux pseudo-valeurs véhiculées (sic !) par les réseaux : look, performance, argent. En gonflant son ego, il rétrécit son moi.

Plus complexe est la relation de Joshua à sa mère, dont on ne peut que s’étonner de l’omniprésence. Y a-t-il régression œdipienne, au point que Sonny s’imagine qu’il vit chez elle ? Un tel jugement oublierait que c’est elle qui, avec insistance, exige de son fils qu’il s’excuse après son intervention calamiteuse lors de la première interview ; autrement dit, elle endosse la figure paternelle si cruellement absente. Mais le vrai transfert se fera bien sûr avec Sonny lui-même. Voilà pourquoi ce dernier essuiera ses colères et son rejet adolescent de l’autorité, et avec d’autant plus de bénignité qu’ils viennent nourrir l’auto-exclusion suscitée par son syndrome de l’imposteur. Quoi qu’il en soit de ces rejeux déniés, Joshua demeure le cadet qui apprendra imitativement de son aîné : volontairement en épousant ses méthodes d’entraînement (trop facile opposition de l’ancien old school et du nouveau hightech) et involontairement en adoptant ses expressions.

 

  1. Le chemin de Sonny pourrait convoquer l’apprentissage de toutes les vertus morales, à commencer par le juste courage qui est médiété à l’égard des deux extrêmes du défaut qu’est la lâcheté et, pour nos pilotes, surtout de l’excès qu’est l’intrépidité. Il pourrait aussi faire appel aux différentes figures médiatrices, masculines et féminines – entre les paroles de vérité prononcées par Bernadette Pearce, qui seule ose se permettre de menacer Sonny quand il met en danger la vie de son fils, les paroles de justice vociférées par Ruben qui sanctionne radicalement par l’exclusion un Sonny aveuglé par une colère qui le conduit une nouvelle fois aux frontières de la mort, et le silence bienveillant, plus, aimant, de Kate qui lui permet d’accéder enfin à la vérité de son appel le plus profond.

Nous sélectionnerons un triple moyen qui constitue trois passages obligés. En effet, l’amour est communion, don de soi et abandon jusqu’au sacrifice. Or, c’est eux que le superbe dernier acte met en scène.

  1. C’est d’abord le travail d’équipe qui transparaît dans la victoire. Notamment à travers l’élimination du concurrent numéro 2. Superbe image que cet encadrement par les deux F1 de Sonny et Joshua qui, enfin conjuguées par l’amitié, vont conduire (sic !) à l’éviction de la voiture encadrée. Ce que le « je » échoue à accomplir, le jeu du « nous » y réussit.
  2. La communion qui est échange de dons surgit de la donation de soi. Sans étonnement, l’un des deux conducteurs de l’APXGP doit consentir à s’effacer pour que l’autre triomphe. Ne serait-ce que parce que ce sport est non point aristocratique, mais monarchique par excellence : quand les chrono sont quasiment micrométrés, il ne peut y avoir qu’un seul vainqueur. Sans étonnement non plus, c’est l’aîné qui se retire. Mais, c’est avec une réelle et heureuse stupéfaction que nous découvrons que le cadet cède sa place à celui qui, longtemps considéré comme un rival, est devenu un véritable ami. Et derrière cet acte intérieur bien plus héroïque que les réussites sportives les plus audacieuses, se lit la logique la plus profonde du don : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10,8), cette gratitude qui suscite le retour et donc la communion. Ayant reçu cette première place offerte avec désintéressement, Joshua salue l’acte en la cédant à son tour et par surcroît dans le même esprit de gratuité. Bouleversant coup de théâtre qui nous fera goûter avec grande émotion la séquence et la récompense finales. De même que la reconnaissance est le sentiment le plus transformant, de même est-elle l’affect scénaristiquement le plus gratifiant.
  3. Enfin, ce don qui se transfigure en abandon rappelle qu’il n’advient à lui-même que par le travail du négatif. Non pas celui de l’esprit (Hegel), ni même seulement celui de la liberté (Fessard), mais celui de l’amour-don (pour qui, la dia-lectique devient dia-logique). Grâce à celui-ci, la négation abstraite et soustractive se transmue en une ab-négation concrète et positive (Chapelle). De ses multiples attestations, je retiens la toute dernière : Sonny a tellement appris à recevoir des autres qu’au dernier moment, il donne sa coupe à Ruben, un autre ancien adversaire devenu proche.

 

  1. Ce cheminement intime est confirmé en creux par le bad guy. Certes, elle s’identifie à Peter Banning, le membre le plus riche du Conseil d’Administration qui s’avèrera encore plus retors que cupide : « Vous êtes un killer, diagnostique lucidement Sonny. – Non, un winner! », corrige Banning. En réalité, celui-ci se justifie. Car, de fait, il est un manipulateur machiavélique (au sens technique et non pas figuré) jusqu’à l’improbité, donc un narcissique qui campe au-dessus de l’autre et des lois, comme il surplombe symboliquement l’écurie de Sonny en frayant avec les grands de la F1 du haut de la tribune de Ferrari. Plus rude sera la chute… Mais cet homme demeure étranger au monde du sport, d’autant qu’il avoue son ignorance. En effet, lors de leur première et quasi seule rencontre, Sonny ne cesse de chercher à se débarrasser de ce rémora !

Par ailleurs, le pilote insiste sur le combat, au point que cette parole devient le gingle du son écurie, qu’il demande à Kate rien moins qu’une « voiture de combat », qu’il enchaîne les tours même lorsque ses pneus sont usés jusqu’à la gomme et qu’il s’extirpe des situations les plus perdues parce qu’il ne cède jamais face à l’ennemi. Nous serions donc en droit d’attendre à ce qu’il s’affronte à un adversaire que, au choix, on diaboliserait par son sans-scrupule, ou que l’on réduirait au « grand capital » qu’est ce monde si peu économique et si peu écologique qu’est l’écosystème F1. Mais, et c’est l’un des points les plus stupéfiants et les plus signifiants du film, on n’apercevra que de loin les héros des pistes, à commencer par le septuple champion du monde. Que la figure du mal soit minimisée et quasi annulée nous signifie donc que l’enjeu ne réside pas dans le corps-à-corps, le spectaculaire et l’extérieur, mais dans le spirituel, la surprise et l’intérieur. Et la dramatique n’est pas moindre, qui emprunte à la gigantomachie du combat de Jacob (cf. Gn 32,23-33). Oui, F1 donne à voir dans l’asphalte solide des bolides le ciel des fluides.

 

  1. Mais, selon le triptyque augustinien, l’intérieur ne s’achève que dans le supérieur. En effet, la confession-témoignage de Sonny à Kate introduit dans le registre non plus du privatif, mais de l’éminemment positif, non plus du limitatif, mais de l’excessif. Il y va du sens de sa vie, plus, du flow, plus encore, de ce désir naturel d’une transcendance qui fait que l’homme n’est homme qu’en l’outrepassant infiniment.

Dans ce monde extime (celui de la Formule 1) qui paraît cumuler les tares les plus détestables du néocapitalisme contemporain (course à l’argent jusqu’à la cupidité, concurrence jusqu’à la déloyauté, virilité jusqu’au phallocratisme, empreinte carbone jusqu’à l’hypocrisie, etc.), cette aspiration intime vers le sublime qui dynamise le pilote plus puissamment que le sillage tourbillonnant du bolide le précédant, constitue la motivation concrète autant que secrète de Sonny. Comment ne pas lire dans cet en-avant qui est un au-delà l’aphorisme de Pascal « l’homme passe (infiniment) l’homme » où le scientifique mystique condense toute la vocation de cette nature humaine si singulière qu’elle est convoquée au surnaturel ? N’est-ce pas ainsi qu’il convient de relire l’épisode final (la course de buggy dans le désert maghrébin) qui n’est ni la compulsion de nouveauté couplée à une phobie de l’engagement, ni même la réalisation d’un rêve d’enfant, mais l’inquietudo d’un cœur in via qui ignore encore que son repos n’est pas de ce monde (in Patria) ?

Pascal Ide

Le pilote de course Sonny Hayes (Brad Pitt) était autrefois considéré comme un talent majeur en Formule 1, mais il a été contraint de mettre un terme à sa carrière après un grave accident en 1993. Après plusieurs mariages ratés et une addiction au jeu, plus de 30 ans plus tard, il est au bord de la faillite et doit survivre en participant à des courses de catégorie inférieure. Alors qu’il s’apprête à remporter les 24 Heures de Daytona, il est contacté par son ancien coéquipier, Ruben Cervantes (Javier Bardem), désormais propriétaire de l’écurie de Formule 1 Apex Grand Prix (APXGP). Son équipe n’a toujours pas marqué le moindre point au Championnat du monde, ce qui explique l’abandon d’un de ses pilotes en milieu de saison. Ruben risque également d’être remplacé si APXGP ne remporte aucune course d’ici la fin de la saison.

Ruben propose à Sonny de le remplacer pour les neuf dernières courses du Championnat du monde, ce que Sonny accepte, espérant une dernière chance de gloire. Lors d’un premier essai, Sonny a un accident au volant de sa voiture inconnue, mais il réussit à battre le meilleur temps établi par un pilote prometteur et ambitieux, mais trop novice, Joshua « Noah » Pearce (Damson Idris), alias « JP », également sous contrat avec APXGP et cornaqué par son agent (Samson Kayo). Les deux pilotes se considèrent mutuellement comme arrogants et prétentieux, ce qui a rapidement donné lieu à une rivalité interne. Lorsque Sonny, malgré les instructions du directeur de l’équipe Kaspar Molinski (Kim Bodnia), empêche Joshua, plus rapide, de le dépasser lors de son premier Grand Prix à Silverstone, un accident se produit, contraignant les deux pilotes à l’abandon.

Pour la deuxième course sur le Hungaroring, Sonny décide de sacrifier sa bonne performance pour permettre à Joshua de marquer des points. Pour cela, il fait appel à une tactique audacieuse : des accidents mineurs déclenchent la voiture de sécurité à plusieurs reprises, forçant les autres pilotes à s’arrêter aux stands, tandis que Joshua reste en piste et termine finalement la course à la dixième place, ce qui est une première. À Monza, Sonny adopte une stratégie similaire, freinant délibérément derrière les voitures qui le suivent pendant une course sous la pluie et empêchent les pilotes de devant de le dépasser, laissant Joshua prendre la deuxième position. Cependant, il n’exécute pas une manœuvre de dépassement suggérée par Sonny, quitte la piste et se retourne. Sonny réussit à extraire à temps Joshua de sa voiture en feu, mais les blessures de ce dernier le contraignent à manquer les trois courses suivantes où le remplace le pilote Luca Cortez (Luciano Bacheta).

Incité par son équipe à ne pas recourir à des astuces faciles lors des prochaines courses et, plus encore, tancé par Bernadette (Sarah Niles), la mère de Joshua, à ne pas mettre la vie de son fils en danger, Sonny consent à se battre loyalement et devenir moins casse-cou. Avec l’aide de Kate McKenna (Kerry Condon), directrice technique d’APXGP, il développe sa voiture afin qu’elle atteigne des vitesses plus élevées en virage. Cette petite révolution technique permet à Sonny de terminer plusieurs fois dans le top 10, faisant rapidement de lui le favori du public. Mais ces réussites ravivent la jalousie de Joshua, qui accuse Sonny de son accident et le percute en piste à son retour au Mexique. C’est seulement grâce à l’intervention de Kate que les deux pilotes parviennent à se réconcilier. Et quand la directrice technique découvre le fair play de Sonny, elle lui révèle combien elle l’aime.

Avant l’avant-dernière course à Las Vegas, l’euphorie de l’équipe est toutefois refroidie lorsque la FIA prend connaissance des pièces de la voiture modifiées par Kate et exige leur démontage. Fou de rage, Sonny est victime d’un grave accident en piste et est expulsé de l’équipe par Ruben. Il est alors contacté par Peter Banning (Tobias Menzies), membre du conseil d’administration d’APXGP, qui souhaite reprendre l’écurie à Ruben pour la nouvelle saison et placer Sonny à un poste de direction. Banning admet alors avoir informé la FIA de la présence de ces pièces afin d’empêcher une victoire du pilote APXGP et donc la prolongation du contrat de Ruben.

Face à cette trahison, Sonny rejette l’offre et convainc Ruben de le laisser participer à la dernière course qui a lieu à Abu Dhabi. Avec Joshua, il se hisse dans le top 5 avant d’être victime d’un accident qui déclenche le drapeau rouge. Cependant, contre toute attente, Sonny réussit ramener la voiture endommagée aux stands, où sa voiture est réparée en dix minutes avec succès pendant que les protections sont réparées. Après le redémarrage, lui et Joshua gagnent des places grâce à des pneus neufs, se retrouvant face à Lewis Hamilton, septuple champion du monde, qui se trouve en pole position et surtout grâce à leur coopération. Sonny simule une manœuvre de dépassement, que Hamilton doit repousser, permettant à Joshua de le dépasser. Dans la lutte pour la tête, une collision survient entre les deux pilotes, offrant contre toute attente la victoire à Sonny et permettant ainsi à Ruben de prolonger son contrat de trois ans avec APXGP.

Après sa victoire, Sonny se retire de la Formule 1 pour… participe à des courses de buggy dans le désert. Mais, juste avant son départ, Kate lui a promis de lui rendre visite…

[/vc_c

Les commentaires sont fermés.