Sans un bruit : Jour 1 (A Quiet Place: Day One), science-fiction américain de Michael Sarnoski, 2024. Troisième film de la franchise Sans un bruit. Avec Lupita Nyong’o, Alex Wolff, Djimon Hounsou.
Thèmes
Désespérance.
Ce mauvais film (si déjà le deuxième volet de la saga ne l’enrichissait pas, pourquoi en ajouter un troisième qui nous laisse dans une totale expectative ?) n’a qu’un seul intérêt : placer sous un verre grossissant les croyances et les désespérances de notre temps.
- Passons les facilités que se donne le scénario, multipliant les scènes souterraines ou enfumées, frustrant systématiquement notre désir de voir complètement une créature et profitant de manière indécente du silence imposé pour régulièrement faire sursauter le spectateur par un bruit intempestif.
Longue est la liste des désappointements, d’autant que le titre engendre des attentes. Notamment sur les motifs de l’invasion, l’identité des créatures et les raisons de leur hyperviolence. Aux déceptions se joignent les contradictions. Comment un alien mû par la seule violence destructrice et impulsive bénéficie-t-il d’un développement technique qui requiert une intelligence supérieure ? Si l’œil est le sens député à la très longue distance, comment une entité aveugle peut-elle franchir les silencieux espaces intersidéraux que seuls peuvent parcourir les rayons lumineux ? Comment un organisme très évolué, requerrant donc un mode de reproduction mammifère (tant le perfectionnement est systémique, donc total), peut-il être ovipare ? En quoi les événements mis en scène qui auraient pu se dérouler n’importe quel autre jour sont-ils caractéristiques du jour inaugural notifié par le titre ?
- Mais venons-en au plus révélateur qui est aussi le plus problématique. Les choix scénaristiques qui sont ceux de la facilité sont aussi ceux des plis ou des pentes de notre monde. En ce sens, ce long-métrage plutôt détestable devient un utile test projectif. Encore faut-il s’interroger sur ce qu’il aurait pu être en creux. Tout tourne autour de l’espérance.
- La dystopie révèle d’abord la désespérance majeure de notre humanité. Loin du désir de sauver toute l’humanité qui soulève Robert Neville, l’admirable héros de I am Legend (dystopie américaine de Francis Lawrence, 2007), les protagonistes n’ont ici qu’un seul objectif très court-termiste : préserver leur peau, leur propre peau. Les collapsologues défaitistes ont gagné.
- On objectera que, au terme, Sam cherche à sauver la vie d’Eric, jusqu’à mettre la sienne en danger. Avec un courage exemplaire. Mais, d’abord, l’on ne sait pas si sa motivation première n’est pas de protéger Frodon, son chat qui se trouve au centre de la lettre finale sensée nous arracher les larmes des yeux. De fait, l’animal devient un protagoniste à part entière : c’est lui qui, par exemple, sert de médiateur entre les deux personnages principaux. De sorte que le spectateur se convainc que, mesurée à l’intensité de l’attachement ressenti, la valeur du non-humain est équivalente à celle de l’humain.
Ensuite, quelle valeur accordée au don d’une vie sans avenir ? Nous sommes loin de Gran Torino (Clint Eastwood, 2008) où Walt Kowalski qui, lui de même, est rongé par une tumeur incurable, atteste, au terme, le changement profond de son existence en multipliant paisiblement les actes centrés sur autrui. Or, malgré l’acte héroïque par lequel elle détourne l’attention des créatures sur elle, Sam demeure centrée sur sa motivation régressive, manger une dernière pizza chez Patsy’s, qui est la répétition de la fusion archaïque avec le père adoré. Plus encore, en poussant la musique à fond, la jeune fille pose cet acte nihiliste encore plus que suicidaire d’appeler sur elle la violence des aliens. Si le don d’elle-même avait métamorphosé sa vie, elle ne pourrait pas, l’instant d’après, la jeter en pâture à ces monstres.
Assurément, Sam est révoltée et misanthrope par amertume ; elle est dépressive et désespérée de ce cancer au stade terminal qui la fauche en pleine jeunesse. Est-ce une raison pour projeter sa haine sur l’infirmier sans ensuite demander pardon ? La souffrance sous toutes ses formes est devenue aujourd’hui l’excuse imparable à toutes les manifestations victimaires.
- On objectera aussi que, à l’instar de Sam, Eric apprend par l’épreuve à sortir de ses peurs démesurées qui, exprimées, mettent en péril le groupe, et donc à s’arracher à son ego. Comme pour la jeune fille, je saluerai cette ébauche de chemin salvateur. Mais j’interrogerai aussi son inscription sur ce fond si pessimiste de dystopie animaliste et de bashing anti-viriliste où l’homme (masculin) est voué soit à la disparition physique (Reuben) soit à la mort symbolique qu’est l’angoisse démesurée (Eric).
Une confirmation de cette anthropophobie réside dans le message en inclusion. La première image introduit d’emblée le diagnostic : « New York, niveau sonore : 90 décibels. Comme un cri permanent ». Et la dernière image propose le remède : « Combien cette ville chante quand on se tait ». Est-ce à dire que ce retour au silence rédempteur justifie la survenue des Aliens ? Faut-il être à ce point désespéré de notre avenir pour que la seule issue à la pollution sonore soit l’extermination de sa cause anthropique ? Si tel est le message du film, assurément, il innove vis-à-vis des précédents. Mais, de récit dystopique, il devient une fable grinçante de notre présent. À moins que, cherchant à « sauver la proposition du prochain », on ne voit dans ces exterminateurs descendus du ciel comme les révélateurs maudits de notre noirceur irrémédiable l’envers de ce que confesse notre Credo : « pour nous et notre salut, il descendit du ciel »…
- L’on objectera enfin que, du moins, l’histoire montre une histoire d’aide mutuelle. Loin de nous de le nier. Mais sachons déchiffrer en creux le manque abyssal : cette relation d’aide ne se transforme ni en amitié (les deux protagonistes principaux sont séparés irréversiblement ; Sam finit comme elle a commencé, seule, avec ses rêves et son passé), ni, faut-il le préciser aujourd’hui, en amour. En effet, malgré le corps à corps intime qu’implique la maladie et son remède, la pose du patch, pas la moindre ébauche d’une idylle amoureuse ni même d’un émoi érotique : certes, la dégradation corporelle jointe au stress ambiant anesthésient la libido. Mais surtout, notre époque désabusée ne croit plus au grand amour et sa puissance salvatrice. Elle refuse la grande leçon des grandes romances : de Roméo et Juliette jusqu’à Autant en emporte le vent (Pearl Harbor, etc.), la macro-histoire poignante qui est le contenant potentialise la micro-histoire de la rencontre amoureuse qui est le contenu. Le schéma s’est inversé : dorénavant, c’est la grande histoire dramatique, voire, dans les dystopies, tragique, qui passe au premier plan, de sorte que la petite histoire des relations d’entraide, a fortiori amoureuses, n’est plus qu’un appendice soulignant combien la solidarité est une exception, face à l’égoïsme individualiste qui a conduit à l’effondrement. Bref, à l’espérance de l’amour qui ouvre à l’éternité (« Éternel est son amour ») se substitue la désespérance en une humanité sans avenir.
Pascal Ide
Samira « Sam » (Lupita Nyong’o), une patiente pessimiste et atteinte d’un cancer en phase terminale, vit dans un hospice à l’extérieur de New York avec son chat, Frodon. Reuben (Alex Wolff), un infirmier empathique, convainc Sam, réticente, de se joindre à une sortie de groupe pour assister à un spectacle de marionnettes à Manhattan. En ville, le groupe remarque des objets ressemblant à des météores tombant du ciel. Peu de temps après, des créatures extraterrestres hostiles attaquent la foule rassemblée et les passants. Dans le chaos qui s’ensuit, Sam perd connaissance.
Sam se réveille plus tard à l’intérieur du théâtre de marionnettes avec Frodon et d’autres survivants, dont Henri (Djimon Hounsou), qui lui fait signe de rester tranquille. Les annonces des hélicoptères militaires avertissent les civils de rester silencieux et cachés jusqu’à ce que les autorités puissent les secourir. Sam voit alors des avions de combat bombarder et détruire les ponts menant à Manhattan, empêchant les créatures de quitter l’île. L’un des survivants est pris de panique et Henri le tue accidentellement en essayant de le faire taire.
Le réseau électrique est coupé pendant la nuit, provoquant l’activation bruyante du générateur de secours du bâtiment. Reuben l’éteint, mais attire une créature qui le tue en entendant sa chemise se déchirer. Sam, désemparé, prend Frodon et part pour Harlem. L’armée annonce qu’elle se prépare à évacuer les civils par bateau depuis le port de South Street, car les créatures sont incapables de nager. Des groupes de personnes commencent à quitter les bâtiments en direction du point d’évacuation, mais le volume de leurs mouvements alerte les créatures qui les attaquent et provoquent une bousculade. Sam s’enfuit dans la direction opposée et est séparé de Frodon.
C’est alors que nous croisons Eric (Joseph Quinn), un étudiant britannique en droit désemparé et esseulé. Il s’échappe d’une station de métro inondée, rencontre Frodon et le suit jusqu’à Sam. Celle-ci tente de le convaincre d’aller vers le sud jusqu’au point d’évacuation, mais Eric est sous le choc et suit Sam jusqu’à son appartement. Là-bas, Eric apprend, et nous aussi, que Sam est une poètesse reconnue. Le lendemain matin, Sam part seule pour Harlem, mais Eric la retrouve et ils continuent le voyage ensemble. Alertées par accident, les créatures poursuivent Sam et Eric qui s’enfuient dans un métro inondé. Sans autre issue, ils sont obligés de patauger dans les eaux profondes, réveillant finalement une créature endormie qui les attaque, mais finit par se noyer dans les eaux qui montent. Les deux jeunes gens réussissent à s’échapper et se retrouvent dans une église en ruine.
Pendant que Sam se repose, Eric s’aventure seul pour lui procurer des analgésiques dans une pharmacie. Il sauve ensuite Frodon d’un chantier de construction, découvrant un groupe de créatures dirigé par une plus grande se nourrissant des restes d’une gousse organique ressemblant à un œuf. Ayant retrouvé Sam, Eric l’entend lui révéler que lorsqu’elle était enfant, elle regardait son défunt père jouer du jazz dans un club de Harlem et allait ensuite manger une pizza avec lui chez Patsy’s, quelque chose que Sam a toujours voulu faire avant de mourir. Eric réalise le souhait de Sam en l’emmenant au club, en récupérant des pizzas dans un autre magasin et en effectuant un tour de cartes magiques pour lui remonter le moral.
Eric et Sam voient alors que des bateaux remplis de survivants fuient Manhattan du South Street Seaport. Mais les créatures qui commencent à se rassembler le long du rivage, leur bloquent l’accès. Sam donne à Eric sa veste et Frodon, puis attire les créatures en brisant les vitres des automobiles. Attirées par les alarmes, les créatures s’éloignent du littoral. Eric et Frodon profitent de la ruse pour sauter à l’eau et embarquer dans un bateau où il retrouve Henri. Dans la veste, Eric trouve alors une note écrite par Sam, lui disant de prendre soin de Frodon et le remerciant de lui avoir rappelé de vivre.
On retrouve Sam marchant dans une rue déserte alors qu’elle écoute Feeling Good de Nina Simone sur son iPod. Acceptant sa mort imminente, Sam sourit alors qu’elle débranche ses écouteurs et laisse la chanson retentir, faisant apparaître une créature qui s’approche derrière elle…