On sait combien la toute récente Déclaration Fiducia supplicans sur la signification pastorale des bénédictions, émise par le Dicastère pour la Doctrine de la Foi, 18 décembre 2023, suscite une polémique au sein de l’Église universelle. Pour que ce texte, qui jouit d’une autorité magistérielle d’importance, soit accueilli, il requiert différentes conditions, qui sont autant de moyens de conjurer des causes de méconnaissance. J’en isole trois parmi d’autres.
- Trop de passion interdit la raison. Par exemple, la sagesse populaire dit de la colère qu’elle est une courte folie. Une peur exagérée déforme notre vision. Or, la déclaration déclenche chez certains de grandes craintes (celle d’une rupture dans l’enseignement magistériel, celle d’un scandale chez les personnes qui, fidèles, se refusent à entrer dans une situation désordonnée, etc.). Et la peur fait le lit de la colère, toutes deux brouillant l’intelligence. « Troublez l’eau. Vous y voyez-vous ? / Agitez celle-ci comment nous verrions-nous ? ». Le rayon de la lumière ne traverse l’eau que si elle cesse d’être agitée. Éloignons-nous des excès passionnels, dans un sens comme dans l’autre, mettons-nous à l’écart et accueillons d’un cœur serein ce texte inédit.
- Lire comme on voudrait être lu. Combien critiquent ou louent la déclaration qui n’en ont lu qu’une interprétation ? Lisons ce texte comme nous voudrions qu’on lise un texte que nous aurions écrit : dans sa totalité, dans ses nuances, dans ses distinctions. Avec attention et humilité.
- La confiance avant le contenu. La foi est autant enseignement (ce que l’on appelle fides quæ, la foi que l’on croit) que confiance (ce que l’on appelle fides qua, la foi par laquelle on croit). Souvent, nous réduisons la foi à son contenu, par exemple, au Credo. Alors qu’elle est aussi et, en fait, d’abord, une attitude de docilité confiante à celui qui se révèle. L’adulte que nous sommes devenus s’en souvient. Si, enfant, nous avons cru ce que disaient nos parents, c’est parce que nous sentions qu’ils nous aimaient, donc voulaient notre bien, et ce premier bien qu’est la vérité. Jésus rencontre ses disciples, leur montre son attention aimante et, alors, seulement, se met à les enseigner longuement. De même, cette Déclaration requiert d’abord que nous l’accueillions dans la confiance, avant d’en scruter l’enseignement.
C’est ainsi que j’ai lu la Déclaration, comme un texte émanant du magistère ecclésial et approuvé par le successeur de celui à qui Jésus a dit : « Pierre, j’ai prié pour que ta foi ne défaille pas ». Donc, avec confiance. Et c’est dans cette lumière que j’en ai mieux compris les apports novateurs, tout en s’inscrivant dans la continuité – ce que l’on appelle le « développement » du dogme : la distinction entre la bénédiction liturgique et la bénédiction non-liturgique ; le couplage entre la bénédiction liturgique et les conditions de réception du sacrement, qui demeurent toujours les mêmes ; le découplage entre la bénédiction non-liturgique et la perfection morale. `
Je ne dis pas que je comprends tout et que je sais répondre à toutes les difficultés. Par exemple, à propos de la notion de « couple », je réponds aujourd’hui avec le n. 31, qui me semble éclairant : « se reconnaissant indigents et ayant besoin de son aide, [ils] ne revendiquent pas la légitimité de leur propre statut, mais demandent que tout ce qui est vrai, bon et humainement valable dans leur vie et dans leurs relations soit investi, guéri et élevé par la présence de l’Esprit Saint ». Faut-il dire plus ? Je sais seulement que c’est dans la confiance dans le ministère pétrinien que je comprendrai mieux : « Crois pour comprendre ».
Pascal Ide