Sacerdoce, documentaire français de Damien Boyer, 2023.
Thèmes
Sacerdoce.
Sacerdoce, documentaire sur les prêtres ? Le terme est trop distancié. Il s’agit plutôt d’un témoignage de grande qualité – ce qui ne signifie pas sans défaut – sur les prêtres – plus que sur la prêtrise.
Mettons-nous d’emblée à l’écoute de certaines objections.
Ennuyeux ? 90 minutes à entendre des prêtres, n’est-ce pas « rasoir » comme une homélie interminable ? Le spectateur n’entendra pas tant de paroles qu’il ne verra des actes. Il voyagera à Manille, sera transporté dans (et peut-être par) les montagnes, tremblera avec un cycliste pour savoir si, après être tombé, il pourra se redresser, après avoir perdu, il gagnera, etc. À ce sujet, je demeure stupéfait que le cinéaste ait filmé sur le vif cette chute violente et ce relèvement, cet échec et cette victoire. Je suis plein de gratitude que, au lieu du récit a posteriori, la Providence ait gratifié le réalisateur de cette anecdote aussi réaliste que symbolique.
Inopportun ? À l’époque de la Ciase, n’aurait-il pas mieux valu garder le silence ? Au lieu d’éluder cette objection, le film s’ouvre justement sur elle.
Triomphaliste ? Loin de starifier les prêtres, le film ne donne pas leur nom. Loin de montrer un prêtre tout-puissant, les témoignages attestent leur vulnérabilité. Loin de centrer l’attention sur lui, le prêtre cherche à rendre grâce à Celui qu’il veut re-présenter et servir en ceux en qui Il est présent. Si gloire il y a, chacun des prêtres la fait remonter jusqu’au Christ.
Non représentatif ? Assurément ! Des prêtres en col romain, jeunes en majorité, que l’on ne voit guère officier en paroisse, ce n’est pas l’échantillon représentatif sur lequel la sociologie fonde ses inductions !
Bancal ? Certains regrette(ro)nt qu’on ne voit pas le prêtre confesser, adorer, prier Marie, en lien paternel avec son évêque et fraternel avec ses confrères. Assurément aussi, et l’on pourrait continuer la liste ! Du moins, certains choix peuvent-ils se justifier : par exemple, je trouve heureux que l’on attende la fin pour voir le prêtre en son lien intime et aimant avec le Saint-Sacrement – sur fond de cet admirable chanson « Regardez l’humilité de Dieu ». La clé en est donnée par le père François : l’on définit souvent le prêtre par ce qu’il fait et non par ce qu’il est. Sacerdoce a voulu passer de l’être à l’agir qui apparaît alors comme un débordement de l’être.
Imprudent ? Est-il convenant qu’un prêtre témoigne devant tous, en particulier devant des jeunes, de ses fragilités, affectives et sexuelles ? S’il est bon, voire souhaitable, qu’il montre parfois sa vulnérabilité, il y a des domaines qui, me semble-t-il, devraient être réservés, en particulier ceux qui concernent l’affectivité et la sexualité. Parce qu’ils suscitent le voyeurisme, la curiosité. Parce qu’ils fragilisent les plus fragiles (les jeunes) et suscitent implicitement une permission de transgression. Parce qu’un saint Augustin peut en témoigner, mais seulement lorsqu’il a durablement mis en place une vie vertueuse.
Et puisque les prêtres parlent de leur personne, que je témoigne à mon tour de ce qui m’a touché et demeure gravé en moi. Une image. Celle du père Gaspard qui, en haut d’une montagne, comme le voyageur contemplant une mer de nuages de Caspar David Friedrich, adore son Créateur dans la lumière mordorée de la création. Une parole. Celle du père François, dont on sait combien elle est incarnée dans sa chair malade : « Je vais finir par y laisser ma peau ». Une énergie. Celle du père Paul qui chute et se relève. Avec une admirable persévérance. Qui continue le combat. Encore et toujours.
On l’a assez dit, ce film s’est rendu proche de l’humanité de ces prêtres. Le miracle, non pas du film, mais du sacerdoce, c’est que, en donnant à voir qu’ils sont des hommes parmi les hommes, ils nous parlent de Dieu. Loin de m’arrêter en chemin – pour être séduit ou agacé –, ce témoignage m’a (trans)porté jusqu’au Christ lui-même. À quand un film similaire sur le mystère du mariage ?
Pascal Ide
Sacerdoce suit le quotidien de cinq prêtres aux profils et parcours très différents. Il conte l’histoire de leur vocation et leur ministère, leurs joies et leurs difficultés : le Père Antoine Reneaut, prêtre itinérant du diocèse de Pamiers ; le Père François Potez, curé de Saint-Philippe-du-Roule à Paris ; le Père Paul Bénézit, prêtre à la paroisse Gien-Briare, dans le diocèse d’Orléans, et cycliste amateur ; le Père Matthieu Dauchez, prêtre versaillais, en mission auprès des enfants des rues et des habitants des bidonvilles de Manille ; le Père Gaspard Craplet, prêtre de la Société Jean-Marie Vianney et alpiniste.