Bodyguard, minisérie télévisée dramatique britannique, créé et écrit par Jed Mercurio, diffusée depuis le 26 août 2018 sur BBC One et la plateforme de streaming Netflix. 1 saison de 6 épisodes de 58 minutes. Avec Richard Madden, Keeley Hawes, Sophie Rundle.
Thèmes
Politique, stress post-traumatique.
Malgré quelques faiblesses, cette mini-série présente des points forts qui méritent d’être honorés.
Isolons brièvement quelques fragilités parmi d’autres. Tout d’abord, l’histoire linéaire, au début limpide et prenante, finit par se ramifier inutilement au terme, d’autant que la volonté méritoire de tout clarifier dans le dernier épisode conduit à multiplier les explications, concentrer les informations et surcharger la mémoire d’un spectateur qui est tenté de lire la notice Wikipédia pour se repérer entre les différents personnages. Ensuite, le retournement de plusieurs « méchants » qui passent aux aveux, là aussi en dernière minute, est psychologiquement peu crédible, quand on sait qu’ils se recrutent principalement chez les personnalités narcissiques qui grouillent singulièrement dans les sphères du pouvoir (étude américaine à la clé) et combien ces profils psychiatriques sont aussi inaptes à reconnaître leurs torts que très compétents pour brouiller les frontières du vrai et du faux, du juste et de l’injuste, du bien et du mal. Enfin, symétriquement, la figure du bodyguard blessé par son stress post-traumatique, plutôt bien brossé pendant une grande partie de l’histoire, manque au terme de cohérence, lorsqu’il se transforme en super-héros solitaire et invincible capable de forcer à l’aveu des personnalités hautement placées, protégées et problématiques.
Mais saluons plutôt les atouts de Bodyguard.
L’intrigue, nerveuse, multiplie les coups de théâtre, notamment le plus étonnant de tous : faire disparaître en plein milieu de la saison l’héroïne principale – à l’instar du tour de passe-passe de maître Alfred dans Psychose. Voire, n’ayant vu ni l’assassinat en direct, ni le cadavre après-coup, le spectateur est pris d’un doute au point de songer à une mise en scène qui accroît le suspense – jusqu’à ce qu’il se convainque qu’elle est réellement morte. À moins qu’elle en resurgisse dans la saison 2 actuellement en préparation. Voilà pourquoi j’ai écrit un prudent « disparaître ».
Contrairement au film éponyme avec Kevin Costner et Whitney Houston (Mick Jackson, 1992), ce feuilleton ne fraie pas avec le monde du show business américain, mais fait entrer dans les arcanes de la politique anglaise ; plus encore, il prend le temps de décrire les relations complexes entre les différents personnages et a le courage de montrer une héroïne conservatrice qui argumente ses positions et prend en compte les objections.
Par ailleurs, la série met en scène des personnalités complexes. Certes, par leur ombre, c’est-à-dire par leur histoire blessée – ce qui, assurément, enrichit, mais est devenu banal. Mais aussi au nom de leur face ténébreuse, c’est-à-dire de leur péché : c’est ainsi que David reconnaît auprès de sa femme Vicky lui avoir été infidèle. Et enfin par leur face lumineuse, qui est étroitement mélangée à leurs deux autres facettes. De ce point de vue, Julia Montague est le personnage le plus fascinant. Nous avons déjà parlé de son positionnement sur l’échiquier politique. Mais elle ne peut pas plus être caricaturée du point de vue éthique. Alors que, de prime abord, elle apparaît comme une femme de pouvoir briguant le 10, Downing Street, voire un animal à sang froid qui n’hésite pas à instrumentaliser autrui de manière machiavélique, son garde du corps découvre dans l’intimité, une femme de chair et de sang, non seulement vulnérable, mais compatissante. De même, Vicky que l’on pense animée par la seule amertume découragée s’avère, en un superbe retournement, capable de mettre sa vie en danger pour sauver celle de son époux.
Et tel est le dernier point que je souhaiterais souligner. Bodyguard se refuse aux solutions faciles et politiquement correctes. Par exemple, elle ne cède pas à la mauvaise conscience occidentale qui n’en finit plus de battre sa coulpe en s’accusant d’être la fabrique des terroristes djihadistes : c’est ainsi que, de victime, Nadia Ali apparaît au final comme une authentique manipulatrice sans recul ni remords. Par exemple aussi, au lieu de filer l’idylle attendue de l’agent de protection rapprochée avec le sergent Louise Rayburn (Nina Toussaint-White), le scénario nous fait au contraire espérer que les deux époux se réconcilient dans la dernière scène du dernier épisode. Serait-il donc possible que, au pays du Guardian, l’on croit encore à une happy end ?
Pascal Ide
Le sergent de police David Budd (Richard Madden), mariée à Vicky (Sophie Rundle), est un vétéran de guerre déprimé et souffrant de trouble de stress post-traumatique, qui travaille comme agent de protection rapprochée des personnalités, dans le Metropolitan Police Service de Londres. Après avoir brillamment empêché une attaque terroriste dans un train fomentée notamment par l’épouse d’un djihadiste Nadia Ali (Anjli Mohindra), David se retrouve promu à la protection de la Secrétaire d’État à l’Intérieur britannique, l’ambitieuse Julia Montague (Keeley Hawes), dont la politique néo-conservatrice (symbolisée par son projet d’extension de la loi RIPA) représente tout ce qu’il méprise.