L’homme et l’animal. Une altérité corporelle significative

Pascal Ide, « Der Mensch und das Tier. Eine signifikante körperliche Andersartigkeit », trad. Katja Naumann, François-Xavier Putallaz et Bernard N. Schumacher (Hrsg.), Der Mensch und die Person, Darmstadt, WBG, 2008, p. 171-182. Trad. de : « L’homme et l’animal. Une altérité corporelle significative », François-Xavier Putallaz et Bernard N. Schumacher (éds.), L’humain et la personne, Colloque de l’Université de Fribourg (Suisse), 7-9 novembre 2007, Paris, Le Cerf, 2009, p. 281-299.

« Le cœur de l’homme modèle son visage [1] ».

Plaider pour une altérité signifiante entre l’homme et l’animal au plan corporel étonne voire inquiète. Pour deux grandes raisons. D’une part, du point de vue biologique, il ne semble pas y avoir davantage de différences entre les hommes et les animaux qu’entre deux espèces animales. Voilà pourquoi l’expérimentation médicale se fait sur les animaux [2] ; voilà pourquoi aussi, lorsque l’on désire mettre les hommes à l’abri de certaines mani­pulations technologiques, la mise à distance de l’homme et de l’animal s’opère en convo­quant des notions non corporelles comme la dignité. D’autre part, envisager les animaux comme des corps conduit souvent à les traiter comme des machines. Loin d’être seule­ment cartésienne [3], la thèse de l’animal-machine présente une actualité, particulièrement dans le cadre de l’élevage intensif [4].

Ainsi, aujourd’hui, ceux qui récusent l’objectivation instrumentalisante de l’animal au tra­vers d’une conception du corps (comme celle de la machine) n’opposent pas tant une autre vision somatique, qu’ils insistent sur la conscience et l’altruisme de la bête [5], sa capacité à souffrir égale à celle de l’homme [6], ou sur la dimension culturelle et morale de la vie animale en général [7], ou plus singuliè­rement celle du primate [8], voire du chimpanzé et du bonobo [9].

Si la première posture incline vers un mépris de l’animal, la seconde est affine d’un déni de la différence anthropologique [10]. Mais les deux ont en commun de lorgner vers l’esprit (ou, en termes plus actuels, vers la culture), soit pour le séparer du corps, soit pour l’écra­ser sur lui.

Voilà pourquoi, afin de conjurer ce risque, je ferai appel à une autre perspective, phénoméno­logique (3), partant au ras de ce qui apparaît des corps animal et humain, notamment en leur figure [11] – rappelant, contre le mécanisme ou un certain dualisme, que, s’il y a quelque chose de commun entre les hommes et les animaux, c’est bien leur corps [12] et, contre l’antispécisme et ses versions moins idéologiques, que, sur fond de similitude, se lit une altérité qui, bien située, évite toute arrogance. Cette approche phénoménologique sera encadrée par un bref recueil de quelques données scientifiques (2) et une réflexion méta­physique (4), le tout précédé d’une brève analyse d’Aristote qui avait anticipé bien des conclusions (1).

1) Philosophus dicit

Dans le monde de la Grèce antique où « une communion perpétuelle existe entre l’homme et la nature [13] », la hiérarchie n’en est pas moins marquée. Déjà, Platon faisait du corps – par exemple animal – le signe de l’âme et de sa valeur [14]. Concentrons-nous sur le plus fin connaisseur antique de la zoologie qui conjugue les trois approches scientifique, phé­noménologique et métaphysique [15].

Pour approcher la différence homme-animal, Aristote adopte deux démarches. La première part des opérations propres et remonte, par induction, à la nature qui en constitue le principe [16]. Or, si l’homme partage avec l’animal, la sensorialité, il s’en distingue par son intellect ; pour autant, le Stagirite ne réduit en rien l’animal à une chose : en différenciant sens externe et sens interne chez l’animal [17], il affirme sa capacité à se représenter le monde. Ce point est trop connu pour qu’il vaille la peine de le développer. L’autre démarche, complémentaire autant que nécessaire, part du corps [18] : il n’y a pas d’âme animale sans corps animal, d’âme humaine sans corps humain.

Certes, il existe une continuité entre organisme animal et humain [19], mais ce dernier présente un certain nombre de traits qui lui sont propres. La liste est longue, qu’il s’agisse des caractères généraux, comme la station verticale – « seul de tous les animaux, l’homme se tient droit [20] » –, la finesse de la peau [21], corrélative de la délicatesse du toucher [22] et la capacité au chatouillement, ou de caractères localisés limités à une partie ou un organe comme le visage, la variété de la couleur des yeux [23], la taille relative du cerveau [24] et la présence de cheveux [25], la voix, la main, l’existence de fesses [26], la bipédie, la taille relative des pieds [27].

Or, ces différentes propriétés somatiques sont étroitement corrélées à l’intelligence hu­maine. Ainsi la taille du cerveau annonce l’intelligence, la protection des cheveux l’impor­tance de ce qu’elle protège, la finesse de la peau la subtilité de l’esprit [28], etc. Ces traits ne se contentent pas de signifier l’intelligence, ils l’effectuent : l’ouïe « contribue à la pensée pour une très grande part [29]« ; le corps sensible au chatouillement permet le rire [30] qui vient de la perception des incongruités significative de l’intellect [31]. Et si ces caractéris­tiques signalent et réalisent l’esprit, cela tient à ce que celui-ci en est leur cause finale. Loin d’être juxtaposées comme le laisseraient entendre l’énumération ci-dessus, les pro­priétés du corps humain, sont finalisées par l’intelligence, en général par la médiation de la posture erectus [32].

Enfin, dans la description qu’en donne le Stagirite, le corps humain apparaît à la fois comme possédant une figuralité propre et comme indéterminé. Cette forme est principa­lement corrélée à la stature verticale qui est signe de l’esprit et même du divin : « Seul il [l’homme] a une part du divin. […] Le haut de l’homme est dirigé vers le haut de l’univers [33] » et ce qui est le plus élevé [34]. Mais, si déterminée, si repérable soit cette Gestalt, elle est conjuguée avec une ouverture infinie, une capacité à tout devenir. Cela est particulière­ment vrai et bien connu pour la main qui, grâce à son pouce opposable, est « capable de tout saisir et de tout tenir [35] » ; mais la singularité humaine de la peau tient aussi à sa plas­ticité et celle de la voix à son amplitude imitative [36]. Cette universalité se déploie au double plan de l’effectivité (par exemple pour la main, la bipédie) et de l’expressivité (par exemple pour le visage [37], la voix, les yeux [38]). L’homme apparaît donc, en sa manifesta­tion corporelle, comme un universale concretum. Pour autant, l’approche phénoménolo­gique du Stagirite s’arrête au seuil de ce paradoxe sans le penser.

2) Approches scientifiques

Les sciences – confirmant souvent bien des données de l’expérience commune, elles-mêmes relevées par Aristote – montrent que si la configuration macroscopique [39] de l’or­ganisme humain présente de nombreux points communs avec celle du corps animal, elle s’en différencie aussi sur bien d’autres. Double est la différence, dans la détermination et dans l’indétermination.

a) Une figure déterminée

Le corps présente une forme précise autant dans le détail que dans la globalité [40].

Aristote avait déjà proposé une longue liste de spécificités localisées. Ajoutons-en quelques-unes dans un domaine qu’il n’a guère exploré : l’altérité sexuelle. Dans un petit livre bien enlevé, dont le titre consonne avec notre propos, Michel Serres montre que la sexualité humaine s’enracine dans une longue tradition animale : « l’attirance in­vincible entre les sexes ; les appels pathétiques que l’un lance à l’autre – signes colorés, prières musicales, fumets odorants, fulgurations thermiques ou caresse tactiles, sans compter les signaux que nous ne pouvons pas intercepter ; l’approche lente, patiente, fou­droyante, exhibition, secret, pudeur, coquetterie […] ; la jalousie, les luttes au moins […] rapprochent les vivants universellement [41] ». Mais plus encore, il relève l’originalité hu­maine. Pas moins de cinq bifurcations (entre homme et animal) ouvrent au spécifique éro­tique de l’humanité. Relevons seulement la première qui est corporelle. Chez l’animal su­périeur (le mammifère), « la femelle montre ses organes alors que le mâle les cache » ; en revanche, chez l’homme, « nu, le mâle montre ce que la femelle cache ». Donc, « tout change. […] Nous nous écartons ainsi des mammifères proches [42] ». Cette différence ana­tomique entraîne une différence comportementale : la manière de s’unir sexuellement, avec ou sans face à face. Et le philosophe français risque l’hypothèse osée mais suggestive, selon laquelle l’acte d’amour serait « une origine probable du langage [43] ». Conclusion : en amour, nous ne sommes pas des bêtes – contrairement à ce que bon nombre d’actuels manuels d’éducation sexuelle, soulignant seulement le continuum organique animal-homme, pourraient faire croire.

Mais l’organisme humain doit être considéré comme un tout, ainsi que l’a montré Kurt Goldstein dans un ouvrage décisif [44]. Plus encore, il dessine une figure originale. Ce qu’Aristote savait de manière statique – « seul de tous les animaux, l’homme se tient droit [45] » –, nous pouvons le com­prendre de manière historique, à partir de l’apparition de l’homme. Dans une suggestive synthèse, l’anthropologue André Leroi-Gourhan corrèle évolution, figures et fonctions de l’animal, depuis l’invertébré élémentaire jusqu’à l’homme [46].

Le métazoaire inférieur est immobile, attendant l’advenue de la nourriture de la bonne fortune du milieu ; sa structure somatique est alors le plus souvent à symétrie sphérique, en roue ou en buisson. Avec l’arthropode apparaît l’auto-mobilité qui permet la re­cherche active de l’aliment ; cette fonction tend à constituer une structure longitudinale. Avec le vertébré, la symétrie axiale devient le schème structural ex­clusif et se différencie en trois parties : en avant, la tête, centre de commande ; en arrière, le corps et les organes de locomotion ; au milieu, le membre antérieur qui oscille entre re­lation et propulsion. Cette structure évolue en cinq stades. 1. le poisson ; 2. l’ascen­sion des organes de relation chez les premiers amphibiens terrestres ; 3. l’apparition du cou avec les reptiles et les oiseaux ; 4. l’affranchissement du contact au sol grâce aux sauriens ; 5. la progressive différenciation de la main et du museau chez les mammi­fères. L’ultime évolution conduit à l’Homme. Le primum movens est l’acquisition de la posture verticale, l’attirance vers le haut. Celle-ci entraîne toutes les autres modifications décisives : la main est totalement dégagée des contraintes locomotrices, la bouche peut servir à parler, la face se raccourcit et devient visage expressif et le cerveau s’en trouve li­béré, permettant le développement du cortex préfrontal.

Ce remarquable tableau invite à tirer au moins cinq conclusions : la corrélation étroite entre fonction et figure, donc entre agir et être, le premier étant la finalité du second et le second le fondement du premier ; l’économie des moyens ; leur parfait ordonnancement qui ne peut pas ne pas évoquer un processus finalisé ; la lente mais irrésistible montée vers la verticalité ; l’originalité de la configuration humaine. « L’homme – en déduit Leroi-Gourhan – n’est pas, comme on s’était accoutumé à le penser, une sorte de singe qui s’améliore, couronnement majestueux de l’édifice paléontologique, mais, dès qu’on le saisit, autre chose qu’un singe [47] ».

b) Une ouverture indéterminée

Cette évolution orientée montre aussi la structure du vivant passer de la forme uniforme et arrondie à une figure différenciée et linéaire, de plus en plus ordonnée à la réceptivité, chaque membre, chaque organe acquérant une disponibilité maximale. L’invertébré sphérique peine à sortir de la clôture de lui-même ; avec la structure longitudinale apparaissent les organes de la vie relationnelle et la progressive libération du cerveau, de la voix, du vi­sage et des mains qui, chez l’homme et lui seul, sont totalement ordonnés et donnés aux trois ouvertures fondamentales de son esprit, le vrai dans la connaissance gratuite, le bien dans l’amour et l’autre dans la relation. L’ontogenèse résume ici la phylogenèse. Cette in­détermination croissante se traduit, en effet, par un phénomène désormais bien connu ap­pelé retardation, fœtalisation ou néoténie : chez l’homme persistent quantité de traits fœ­taux qui disparaissent dans la croissance et la maturation des autres animaux. Par conséquent, cette biopersistance des caractères larvaires « oppose l’homme à l’animal [48] ».

De fait, les organes humains se spécialisent tous vers la… non-spécialisation, qu’il soient surtout extérieurs et notamment présents aux extrémités – la main (outil d’outils), le pied (tout-terrain), le visage (omni-expressif), la peau glabre (nudité) – mais aussi intérieurs – le système digestif (omnivore), le système immunitaire (dirigé contre tout non-soi). Une illus­tration particulièrement frappante et dont l’évidence n’est que toute récente est fournie par le cerveau. Jusqu’à encore très peu de temps, les histologistes vivaient sous le coup des postulats édictés par le neurobiologiste espagnol Ramon y Cajal, Prix Nobel 1906, assu­rant que les neurones étaient totalement dépourvus de potentialité régénératrice. Or, au­jourd’hui, l’on sait, tout au contraire, que le cerveau ne cesse de se remodeler et de se ré­parer. Il est significatif qu’un récent numéro du mensuel La Recherche porte comme sous-titre : « comment notre cerveau se répare, se remodèle, se régénère ». La première caracté­ristique de l’encéphale s’avère désormais être la plasticité. Trois signes : le cerveau récupère ses fonctions cognitives après un accident vasculaire cérébral ; pendant le sommeil, les neurones répètent les activités d’apprentissage pour favoriser le souvenir ; une nouvelle matière grise se forme après un sevrage alcoolique [49].

3) Approches phénoménologiques

Ne pouvant que décrire l’altérité homme-animal et non pas en cerner la signification quidditative, les données scientifiques engrangées deman­dent à être réinterprétées dans une perspective philosophique, et d’abord phénoménolo­gique.

a) Les mondes d’Uexküll

L’approche phénoménologique s’intéresse surtout au comportement animal pour l’étu­dier non pas de l’extérieur, mais de l’intérieur. Elle applique à l’animal une distinction élaborée d’abord pour l’homme, celle du corps objet et du corps sujet. Ce faisant, elle refuse le dualisme classique et ses avatars actuels comme le behaviourisme, souvent présent en éthologie, et développe à son insu la première voie ouverte par Aristote.

Jakob von Uexküll est l’un des pionniers dans l’exploration de l’intériorité de la bête. Nous croyons souvent que les animaux se meuvent dans un environnement à peu près semblable au nôtre. La thèse centrale du biologiste berlinois est que chaque espèce animale vit dans un monde qui lui est propre, différent des autres espèces animales. Uexküll l’appelle Umwelt (« environnement »). En négatif, celui-ci s’oppose à l’Umgebung (« entourage ») qui est l’espace objectif où se meut le vivant. En positif, il se définit comme l’environnement subjectif tel que l’animal le connaît et le res­sent.

Précisément, l’Umwelt découpe le milieu en deux types d’éléments : ceux qui sont « por­teurs de signification » (Bedeutungsträger) et les autres. De plus, un récepteur de significa­tion est corrélé à un facteur ou un porteur de signification. La nature obéit ainsi à un ordre contrapuntique – à chaque point répond un contrepoint – ou à une structure sujet-objet – ce qui signifie que l’animal présente une subjectivité. Illustrons ce propos à partir d’un exemple que notre auteur a rendu fameux, la description de l’Umwelt d’Ixodes ricinus, plus connu sous le nom de tique. Uexküll nous fait imaginer la tique grimpant à une branche lors d’une bucolique journée d’été alors que bourdonnent les abeilles et qu’éclatent les parures des fleurs des champs. Un chien passe. Ses glandes sudoripares émettent de l’acide butyrique. Le parasite tombe sur la peau du chien. Il cherche la place la plus glabre possible et s’y enfonce pour aspirer un flot de sang chaud usque ad nau­seam et même ad mortem. En réalité, la tique est privée de vue, d’ouïe… et même de goût ; elle n’est que toucher et odorat. Encore faut-il préciser que son toucher est réglé sur la seule chaleur de 37 degrés ainsi que sur la seule texture de la peau des mammifères, et son odorat sur la seule odeur de l’acide butyrique contenu dans la sueur de tous les mammifères. Son Umwelt est donc composé de trois Bedeutungsträger : « La richesse du monde qui entoure la tique disparaît et se réduit à une forme pauvre qui consiste en trois caractères perceptifs et trois caractères actifs – son milieu [50] ». Il n’y a plus grand chose de com­mun avec la vision romantique du vampire… [51]

b) Une différence de nature ?

Assurément, le baron von Uexküll met en crise une vision mécaniste de l’animal. Assu­rément aussi, il montre que l’Umwelt de l’animal et donc son Innerwelt (monde intérieur) sont différents mais aussi moins riches que ceux de l’homme. Mais comment qualifier leur différence ?

Se fondant notamment sur les travaux d’Uexküll, Maurice Merleau-Ponty [52] estime que, dans l’évolution, « l’homme est entré sans bruit [53]… » Cette parole de Teilhard de Chardin qui enchante le philosophe français résume bien sa conviction : la morphologie humaine présente « peu de nouveautés » ; il n’y a « aucune rupture » ; « par suite le rapport homme-animalité n’est pas un rapport hiérarchique mais un rapport latéral [54] ». Son intention est, surtout, de prolonger sa réflexion sur l’unité dans la chair du visible et de l’invisible, donc la co-donation de l’animalité et de l’humanité au sein du tout de l’être.

Partant aussi des analyses d’Uexküll, Buytendijk ou Merleau-Ponty, la principale représen­tante en France de l’approche phénoménologique de l’animal, Florence Burgat, se refuse à une détermination privative de la bête – elle serait un être dénué de langage, de conscience, de liberté, etc. – et en souligne la mêmeté avec l’homme, son « prochain » [55]. La présence dramatique de l’inquiétude – déjà reconnue par Hegel – et de la liberté chez l’animal le différencie du végétal et lui fait partager, dans sa corporéité même, la condition existentielle de l’homme [56].

Ces lectures continuistes sont-elles la seule herméneutique possible de la découverte d’une intériorité animale ? Développant les § 12 et 13 de Sein und Zeit sur la structure de « l’être-au-monde » propre au Dasein, Martin Heidegger va faire appel aux travaux d’Uex­küll qu’il honore comme « ce qu’il y a de plus fructueux que la philosophie puisse s’appro­prier dans la biologie aujourd’hui dominante ». Or, lors du cours de semestre d’hiver 1929-1930, il les interprète en un sens résolument hiérarchique. En un mot, l’animal « pauvre en monde » (weltarm) s’oppose à l’homme « formateur de monde » (weltbildend) et à la pierre qui est « sans monde » (weltlos) [57].

La relation de l’animal avec son Umwelt se caractérise par un mode d’être particulier : la stupeur (Benommenheit). C’est elle qui faisait dire à Baudelaire « Je jalouse le sort des plus vils animaux / Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide / tant l’écheveau du temps lentement se dévide [58] ». Le substantif allemand, construit sur le verbe nehmen, « prendre », renvoie à benommen, « étourdi ou « empêché » mais aussi à Benehmen, « compor­tement ». Or, étourdi s’oppose à pleinement conscient et se comporter à agir, se conduire (sich verhalten). Heidegger signifie donc que, face à son environnement, l’animal est ac­caparé, absorbé ; il ne peut donc pas agir mais seulement se comporter. Pour illustrer son propos, il rapporte une expérience décrite par Uexküll. Une abeille est placée devant un bol empli de miel qu’elle commence à aspirer. On lui sectionne alors l’abdomen, de sorte que le miel s’écoule à travers celui-ci. Contre toute attente, l’insecte continue à boire tranquille­ment. Il « continue de pousser son activité pulsionnelle – explique Heidegger – précisé­ment parce qu’il ne constate pas qu’il y a encore du miel qui se trouve là. L’abeille est simplement prise par la nourriture [59] ».

À cette attitude subjective de l’animal qu’est la stupeur correspond un certain rapport au monde. Pour aller, là encore, au cœur : à l’animal est soustrait (genommen) l’accès à l’étant. « Dans la stupeur, l’étant n’est pas révélé [offenbar] [60] ». Le terme est précis : offen­bar, « dévoilé » (littéralement « ouvrable ») s’oppose à offen, « ouvert ». Il définit le statut ontolo­gique de la relation de l’animal à son environnement. Il n’est pas affirmé que l’étant n’est pas ouvert à l’animal mais, dans l’autre sens, qu’il ne lui est pas accessible car il lui demeure opaque. Or, qui dit absence dit pauvreté. Voilà pourquoi l’animal est « pauvre en monde ». Uexküll ne disait-il pas que la « forme » de la tique est « pauvre » ? « L’ouverture dans la stupeur est un avoir essentiel de l’animal. C’est sur le fond de cet avoir que l’animal peut être privé [entbehren], qu’il peut être pauvre [61] ». En regard, la pauvreté en monde chez l’animal qui s’éprouve incapable de laisser advenir l’étant, devient « le véritable arrière-plan sur lequel peut à présent se détacher l’essence de l’homme [62] ». À la stupeur constitutive de l’essence de l’animalité répond la Stimmung fon­damentale de l’homme : l’« ennui profond » (tiefe Langeweile) qui seul révèle l’étant au Da­sein [63]. L’approche phénoménologique de l’animal conduit donc Heidegger à souligner la transcendance de l’homme sans réduire la bête à une mécanique dénuée d’intériorité.

c) La phé­noménologie de la figure animale

L’animal se donne à voir dans son comportement ; il se manifeste aussi dans sa forme. Cette seconde via inventiva aristotélicienne n’a – malheureusement – été explorée que par un seul penseur d’une taille équivalente à celle d’Uexküll, Adolf Portmann, injustement écarté à cause de son attention à la finalité [64].

Alors que la tendance en biologie est de mépriser la forme (Gestalt) de l’animal au profit de ce qui est – prétendument – plus profond, à savoir sa physiologie, le zoologue suisse [65] constate que le paraître est un besoin de l’animal, autrement dit que l’organisme cherche à développer autant son appa­rence extérieure que les organes internes commandant sa vie physiologique. À l’instar de la tique chez Uexküll, l’expérience de la forme de l’aile du papillon ou de l’oiseau est décisive pour Portman. D’un côté, une plume d’oiseau est en partie cachée, en partie extérieure ; or, la partie visible dessine une figure bien précise et harmonieuse en continuité avec les autres plumes, alors que la par­tie invisible est dénuée de couleurs. De l’autre côté, les deux parties présentent une conti­nuité structurale. Par conséquent, l’apparence (ou plutôt l’apparition) répond à des lois qui ne sont pas celles édictées par l’anatomie ou la physiologie. Et, alors que celles-ci sont commandées par la fonctionnalité, la forme, elle, obéit à une logique non utilitariste, celle de l’expression.

Or, qui dit expression, dit intériorité s’exprimant dans une forme extérieure. Aussi, à l’instar de Uexküll, Portman affirme-t-il la présence au sein de l’animal d’une subjectivité distincte de sa Gestalt. Voilà aussi pour­quoi, ajoute-t-il à l’approche de son collègue allemand, la forme est révélatrice et éloquente de l’espèce. Plus encore, il se dessine une hié­rarchie des animaux repérables à partir de leur figure [66]. Se fondant sur le critère objectif qu’est l’index de céphalisation, Portman montre que le rang de l’animal est corrélé à son apparence : par exemple, la tête est souvent mise en valeur par certaines co­lorations. Ainsi le zoologue helvète en déduit que la figure originale de l’homme et sa capacité expressive signalent une différence à l’égard de l’animal. En accord avec Heidegger, il affirme donc une corporéité spécifiquement humaine [67]. Mais, alors que le premier se fonde sur l’ouverture et la capacité de possibilisation (l’indétermination), le premier se réfère à la figuralité déterminée de l’homme.

4) Approches métaphysiques

La phénoménologie opère un dépassement du behaviorisme vers l’intériorité et souligne la hiérarchie homme-animal. Mais permet-elle d’affirmer une différence d’espèce ? Ne faudrait-il pas prolonger le premier dépassement par un second, d’ordre proprement métaphysique, qui le fonderait ?

a) Une différence interne

Suffit-il d’affirmer la vie intérieure, voire subjective de l’animal pour en rendre compte ? Cette question n’est pas neuve et renvoie à un débat qui a traversé la grande scolastique médiévale, celui de la relation entre l’essence de l’âme et de ses puissances [68]. Pour faire simple, deux positions s’affrontent : celle des augustiniens (Guillaume d’Auvergne) – proche, tout en s’en différenciant, de l’école franciscaine (Bonaventure et Alexandre de Halès) – et celle de Thomas d’Aquin. Selon la première, les puissances de l’âme s’identifie à son essence, de sorte que l’âme est prin­cipe immédiat de ses opérations ; dès lors, la diversité des puissances se prend des rap­ports que l’âme soutient avec ses actes, autrement dit des multiples rôles qu’elle peut jouer [69]. Plus nuancé, Bonaventure estime que les puissances se ramènent à l’essence par reductio [70] ; mais la conclusion conduit à effacer la consistance ontologique des potentiæ. Selon la seconde, l’âme ne pose d’actes que par la médiation de différentes puissances. Deux arguments principaux le montrent qui sont autant de critiques des positions augustinienne et franciscaine. D’abord, puissance et acte sont corrélatives ; or, l’essence est ordonnée à l’acte qu’est l’être alors que les potentiæ de l’âme sont ordonnées à l’opération ; celles-ci ne peu­vent donc pas coïncider avec l’essence de l’âme. De plus, l’essence est une, comme un est son acte d’existence ; or, les puissances se diversifient selon leurs actes qui sont eux-mêmes spécifiés par leurs différents objets (formels) [71].

En plein, Thomas pense la distinction de l’essence et des puissances en faisant appel à la seconde grande différence structurant la métaphysique aristotélicienne, celle de la substance et de l’accident. En effet, l’âme est co-principe essentiel de l’être humain, avec le corps ; par ailleurs, l’opération ne peut subsister par elle-même ; puisque l’accident de­meure en un sujet, l’âme et la puissance qui est source de l’opération, se distinguent comme substance et accident.

On pourrait craindre qu’une telle distinction ne rime avec division et introduise la sépara­tion que la phénoménologie permettait de congédier. L’Aquinate propose une précieuse distinction, trop oubliée, entre l’accident prédicamental et l’accident prédicable [72]. Le premier se différencie de la substance sans intermédiaire, alors que le second permet d’en in­troduire un, en l’occurrence ce que l’on appelle le propre ou la propriété qui se carac­térise comme ce qui découle de l’essence comme de son principe sans se confondre avec elle ; et tel est le cas des puissances qui « fluent [fluant] de l’essence de l’âme [73] ». Cet in­termédiaire doit donc être considéré comme une médiation ontologique (et non pas seu­lement logique) entre essence de l’âme et opérations. D’un côté, celle-ci est source de la puissance. Un axiome de Boèce pourrait en faire douter : forma simplex subjectum esse non potest. Mais, bien qu’en acte, l’âme comporte encore une part de puissance, précisé­ment à l’acte second qu’est l’opération. Ainsi, comme l’affirme avec densité Aimé Forest, « en tant qu’il est en puissance, le sujet reçoit les accidents, que sont les puissances ; en tant qu’il est en acte, il les produit [74] ». De l’autre côté, l’âme s’extériorise dans l’opération ; elle se manifeste au dehors par la médiation de la puissance. Et là réside le cœur de la doc­trine thomasienne de la distinction essence-puissance : « L’essence se termine à soi-même, tandis que le propre des puissances c’est de mettre l’être en rapport avec le de­hors. […] Si les puissances se distinguent de l’essence, c’est qu’elles la portent au delà de sa nature [75] ».

Ici, notamment, convergent métaphysique et phénoménologie : celle-ci concluait à l’expression et l’effectivité ; et celle-là montre que cette corrélation, manifestative et dynamique, ne peut se comprendre que sur fond de puissance et d’essence, ou plutôt sur fond d’essence à travers la médiation de la puissance. En ce sens, l’approche phé­noménologique présente des affinités avec la perspective augustinienne plus « concrète » qui « désigne l’essence en même temps que la puissance », selon leur unité dans « le sujet concret, entièrement achevé », par opposition au point de vue plus « ontologique » de Thomas qui distingue les natures avant d’opérer leur « unité profonde [76] ».

b) Une différence spécifique

Ces principes métaphysiques éclairent les questions qui furent posées au début et chemin faisant.

Ils obligent d’abord à conclure à une différence de nature, donc à une hiérarchie entre l’homme et l’animal, restant sauve leur continuité [77] : la diversité de leur apparition (figure et comportement ou opération) se fonde sur celle des puissances qui elles-mêmes renvoient nécessairement à des principes substantiels différents. En ce sens, autant le dualisme que les actuelles philosophies de l’animal nient trop l’altérité corporelle homme-bête. En ce sens aussi, l’on ne saurait prédiquer la personne de l’animal, qu’on entende celle-ci selon son sens métaphysique [78] ou dans une perspective plus phénoménologique [79], voire narrative [80].

Ces mêmes principes rendent aussi compte, mais désormais par voie descendante, de l’originalité figurale de l’homme. Nous avons vu que les puissances dérivent (oriantur) de l’âme, et Thomas précise : « per modum activi principii [81] ». Or, qui dit causalité active, dit communication d’actualité. Par conséquent, commente Joseph de Fi­nance, dès que « la forme humaine est apparue, le psychisme subit une transmutation profonde. Il n’est plus seulement une imitation ou une attente de l’esprit ; il est l’effet de l’esprit dans la matière [82] ». Dit autrement, l’irruption de l’intelligence configure de l’intérieur le corps. Cela transparaît singulièrement dans la situation paradoxale de la sensibilité : supérieure à la vie végétative ou biologique, elle est pourtant toute tournée vers cette dernière chez l’animal. Or, ce phénomène est sans équivalent : la vie n’est pas au service du minéral, ni l’ange de l’homme. Ce « paradoxe se résout en l’homme » : « L’animal n’a pas sa raison d’être, sa finalité en lui-même », alors que l’homme est, « dans un sens plus plein que ne pouvait le penser saint Thomas, finis totius generationis [83] ». Il transforme en profon­deur la nature de la vie sensitive, ainsi que sa finalité, le service plus haut de l’esprit.

Enfin, le paradoxe de la forme humaine, finie et infinie, déterminée et indéterminée, trouve ici son lieu le plus élevé de résolution. Autant la substance doit être singulière et donc s’incarner dans une figure définie, autant l’opération qui s’enracine en elle peut s’ouvrir à l’universel – ce qu’expriment et effectuent les organes indéterminés principalement situés aux extrémités et donc portés par le reste de l’organisme [84].

[1] Ancien Testament, Siracide 13,25.

[2] Cf., par exemple, Charles Pilet, L’animal médecin, Arles, Actes Sud, 2005.

[3] Sur l’animal-machine cartésien, cf., notamment, Jean-Luc Guichet, Rousseau, l’animal et l’homme. L’animalité dans l’horizon anthropologique des Lumières, coll. « La nuit surveillée », Paris, Le Cerf, 2006, première partie ; Thierry Gontier, « Les animaux-machines chez Descartes », Corpus, 16/17 (1991), p. 3-16.

[4] Cf., notamment, Catherine Larrère et Raphaël Larrère, « Actualité de l’animal-machine », Les Temps Modernes, 630-631 (2005/2006), p. 143-163.

[5] Cf. Élisabeth de Fontenay, Le silence des bêtes. La philosophie à l’épreuve de l’animalité, Paris, Fayard, 1998.

[6] Cf. Jeremy Bentham, Introduction to the Principles of Morale and Legislation, New York, Methuen, 1982, chap. 17, section 1. Cf. aujourd’hui, Peter Singer, par exemple Questions d’éthique pratique, trad. Max Marcuzzi, Paris, Bayard, 1997, p. 65 s.

[7] Cf., notamment, Dominique Lestel, Les origines animales de la culture, Paris, Flammarion, 2001 ; L’animal singulier, Paris, Seuil, 2004 ; Les amis de mes amis, Paris, Seuil, 2007.

[8] Cf. Frans de Waal, De la réconciliation chez les primates, trad. Marianne Robert, Paris, Flammarion, 1992 ; La politique du chimpanzé, trad. U. Ammicht avec Bernard Thierry, Monaco, Le Rocher, 1987, rééd. coll. « Opus », Paris, Odile Jacob, 1995 ; Le bon singe. Les bases naturelles de la morale, trad. Centre national du livre, coll. « Sciences », Paris, Fayard, 1997.

[9] Cf. Id., Bonobos. Le bonheur d’être singe, trad. Jean-Paul Mourlon, Paris, Fayard, 2001 ; Le singe en nous, trad. Marie-France de Paloméra, coll. « Le temps des sciences », Paris, Fayard, 2006.

[10] Ce déni se retrouve, mutatis mutandis, dans l’actuelle confusion homme-machine (cf. intervention de Jean-François Mattéi dans le même volume : François-Xavier Putallaz et Bernard N. Schumacher (éds.), L’humain et la personne, Colloque de l’Université de Fribourg (Suisse), 7-9 novembre 2007, Paris, Le Cerf, 2009).

[11] Ce travail s’inscrit dans le prolongement d’une recherche figurale sur l’embryon humain : « Is the human embryo a person? Status questionis and determination », The human embryo before implantation. Scientific aspects and bioethical considerations, Elio Sgreccia and Jean Laffitte (éds.), Città del Vaticano, Libreria Editrice Vaticana, 2007, p. 240-286, ici p. 270-277.

[12] Il est très significatif que le récent, et par ailleurs remarquable, Dictionnaire du corps (ichela Marzano éd., Paris, p.u.f., 2007) ne réserve aucune entrée à l’animal et ne comporte pas cette précision : Dictionnaire du corps humain.

[13] Louis Ménard, De la morale avant les philosophes, Paris, Didot, 1860, p. 22.

[14] Cf. Luc Brisson, « Le corps animal comme signe de la valeur d’une âme chez Platon », Barbara Cassin et Jean-Louis Labarrière (éds.), Gilbert Romeyer-Dherbey (dir.), L’animal dans l’Antiquité, coll. « Bibliothèque d’histoire de la philosophie », Paris, Vrin, 1997, p. 227-246.

[15] Nous nous aidons des développements de Bertrand Souchard, Aristote, de la physique à la métaphysique, coll. « Écritures », Dijon, Éd. Universitaires de Dijon, 2003, p. 62-73.

[16] Cf. Physiques, II, 1.

[17] Cf. De l’âme, III, 1-3

[18] De l’âme, II, 2, 414 a 20-28.

[19] Cf. Histoire des animaux [HA], VIII, 1, 588 a 19 s.

[20] Les parties des animaux [PA], II, 10, 656 a 12-13.

[21] « La nature a donné à l’homme la peau la plus fine » (De la génération des animaux [GA], V, 2, 781 b 21-22. Cf. Problèmes, X, 5 et 31).

[22] Le toucher humain est toujours supérieur au toucher animal (HA, I, 15, 494 b 16-19).

[23] « L’homme est le seul, ou presque le seul qui ait les yeux de couleurs variées » (HA, I, 10, 492 a 5-6).

[24] PA, II, 7, 653 a 27-28.

[25] « C’est chez l’homme, que la tête est la plus velue » (PA, II, 14, 658 b 2-10) et c’est chez lui aussi « que se remarque la calvitie » (GA, V, 3, 783 b 8-784 a 22).

[26] « Pour l’homme, il n’est pas facile de demeurer dressé tout droit, et son corps a besoin de se reposer et de s’asseoir » (PA, IV, 10, 689 b 19-20).

[27] Pour tenir debout et supporter son poids, il « a les pieds les plus grands proportionnellement à sa taille » (PA, IV, 10, 690 a 27-30).

[28] De l’âme, II, 9, 421 a 20-27.

[29] Du sens et de la sensation, 1, 437 a 11-12.

[30] « Si l’homme est le seul animal à être chatouilleux, cela tient d’abord à la finesse de sa peau, mais aussi au fait qu’il est le seul animal qui rit » (PA, III, 10, 673 a 7-8)

[31] Problèmes, XXXV, 6, 964 b 14-17.

[32] Par exemple la main (PA, IV, 10, 687 a 6-8).

[33] Ibid., II, 10, 656 a 7-12.

[34] HA, I, 15, 494 a 26-37.

[35] PA, IV, 10, 687 b 5.

[36] « La voix est chez nous la partie la plus apte à toutes les imitations » (Rhétorique, III, 1, 1404 a).

[37] HA, I, 8, 491 b 8-14. « Le visage révèle le caractère des gens » (Problèmes, XXXVI, 1, 965 b 1-2).

[38] Contrairement à l’animal (GA, V, 1, 779 a 30), l’homme s’exprime par son regard (Problèmes, XXXI, 7, 958 a 14-18).

[39] Sur l’objection tirée d’une prétendue quasi-continuité génétique entre l’homme et, surtout, le chimpanzé (seulement 1,6 % du génome diffère), cf. Pascal Ide, Le zygote est-il une personne humaine ?, coll. « Questions disputées : Saint Thomas et les thomistes », Paris, Téqui, 2004, p. 135-144.

[40] Cf. Pascal Ide, Le corps à cœur. Essai sur le corps, coll. « Enjeux », Versailles, Saint-Paul, 1996, 2e partie, chap. 3 et 4.

[41] Michel Serres, En amour sommes-nous des bêtes ?, coll. « Les Petites Pommes du Savoir », s. l., Le Pommier, 2002, p. 18 et 19.

[42] Ibid., p. 23-24. Cf. Id., Variations sur le corps, version texte, coll. « Essais », s. l., Le Pommier, 2002, p. 17.

[43] Ibid., p. 25.

[44] Cf. La structure de l’organisme. Introduction à la biologie à partir de la pathologie humaine, trad. E. Burkhardt et Jean Kuntz, Paris, Gallimard, 1951.

[45] Les parties des animaux, II, 10, 656 a 12-13.

[46] André Leroi-Gourhan, Mécanique vivante, coll. « Le temps des sciences », Paris, Fayard, 1983, p. 245-250 et Le Fil du temps, même collection, 1983, p. 112-121.

[47] Id., Le Geste et la Parole. I. Technique et Langage, Paris, Albin Michel, 1965, p. 166.

[48] François Dagognet, Le corps multiple et un, coll. « Les empêcheurs de tourner en rond », Le Plessis-Robinson, Laboratoires Delagrange, 1992, p. 123.

[49] Cf. La Recherche, 410 (2007) : les articles respectifs de François Chollet, « La contre-attaque du cerveau », p. 32-37 ; Pierre Maquet, « Les bonnes ondes du sommeil », p. 42-44 ; Patrick Philipon, « Quand la matière grise repousse », p. 58-61.

[50] Jakob von Uexküll, Mondes animaux et monde humain, trad. Philippe Müller, Paris, Gonthier, 1965, p. 24.

[51] Le psychologue néerlandais Frederik J. Buytendijk développe les travaux de Uexküll et montre la présence d’une subjectivité de l’animal irréductible à sa physiologie et à ses comportements (cf. Traité de psychologie animale, trad. Albert Franck-Duquesne, Paris, p.u.f., 1952 ; L’homme et l’animal. Essai de psychologie comparée, trad. Rémi Laureillard, Paris, Gallimard, 1965).

[52] Maurice Merleau-Ponty, La Nature. Notes Cours du Collège de France, Dominique Séglard (éd.), coll. « Traces écrites », Paris, Seuil, 1995, p. 220-234.

[53] Pierre Teilhard de Chardin, Œuvres complètes. 1. Le phénomène humain, coll. « Essais », Paris, Seuil, 1955, p. 181 ; cf. p. 181-187.

[54] Maurice Merleau-Ponty, La Nature, p. 334-335.

[55] Florence Burgat, Animal mon prochain, Paris, Odile Jacob, 1997.

[56] Id., Liberté et inquiétude de la vie animale, Paris, Kimé, 2006.

[57] Cf. les clarifiantes analyses de Giogio Agamben, L’Ouvert. De l’homme et de l’animal, trad. Joël Gayraud, Paris, Rivages proche, Payot, 2006, p. 78-125. Certaines traductions lui sont empruntées.

[58] « De profundis clamavi », Les fleurs du mal, in Œuvres complètes, Claude Pichois (éd.), coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, tome 1, 1975, p. 33.

[59] Martin Heidegger, Les concepts fondamentaux de la métaphysique. Monde-finitude-solitude, trad. Daniel Panis, coll. « Bibliothèque de philosophie », Paris, Gallimard, 1992, p. 352-353.

[60] Ibid., p. 361.

[61] Ibid., p. 391.

[62] Ibid., p. 408.

[63] Cf. Ibid., toute la première partie, notamment l’ennui comme « possibilisation originelle » (p. 215-216).

[64] Cf. par exemple les critiques de Dominique Lestel, Les origines animales de la culture, p. 262-275 ; dans l’autre sens, cf. Maurice Merleau-Ponty, La Nature, p. 244-248.

[65] Cf. Adolf Portmann, Die Tiergestalt, 1948 : La forme animale, trad. Georges Remy, Paris, Payot, 1961; heureusement réédité et surtout retraduit par Jacques Dewitte, Paris, La Bibliothèque, 2013. Id., « L’autoprésentation, motif de l’élaboration des formes vivantes », Études phénoménologiques, 1996, p. 131-164.

[66] Cf. Susan Waldstein, The Theological Significance of Natural Hierarchy, Mémoire non publié de l’Institut Jean-Paul II, Roma, 2005, chap. 4 : « Natural Hierarchy and Appearance ».

[67] Cf. son ouvrage récapitulatif Adolf Portmann, An den Grenzen des Wissens. Vom Beitrag der Biologie zu einem neuen Weltbild, Wien-Düsseldorf, Econ Verlag, 1974, surtout les p. 81-107.

[68] Sur tout ce débat, cf. l’étude, à la fois historique et doctrinale, toujours remarquable d’Aimé Forest, La structure métaphysique du concret selon saint Thomas d’Aquin, coll. « Études de philosophie médiévale » n° xi, Paris, Vrin, 1931, chap. 7 : « Distinction de l’essence et des puissances ». Cf. aussi Joseph de Finance, Être et agir dans la philosophie de saint Thomas, Paris, Beauchesne, 1946, réédité Roma, Editrice Pontificia Università Gregoriana, 1965. Je renvoie aussi à la conférence de Bernard N. Schumacher qui fait appel avec rigueur à ces distinctions pour éclairer le débat sur la nature et les critères de la mort humaine.

[69] Cf. l’exposé de Thomas d’Aquin, Question disputée De anima, a. 12.

[70] Sur l’importance de la réduction, cf. Étienne Gilson, La philosophie de saint Bonaventure, coll. « Études de philosophie médiévale » n° iv, Paris, Vrin, p. 331.

[71] Cf. Thomas d’Aquin, Somme de théologie, Ia, q. 77, a. 1 et 2.

[72] Cf. Ibid., q. 77, a. 1, ad 5um.

[73] Ibid., a. 6.

[74] Aimé Forest, La structure métaphysique, p. 273.

[75] Ibid., p. 275.

[76] Ibid., p. 263.

[77] Cf. Pascal Ide, « L’homme et l’animal. Une différence sans indifférence », Liberté politique. Le nouvel âge écologique, n° 20 (juillet-août 2002), p. 73-99. Avec une ironie bienvenue, cf. Jean-Marie Meyer, entretiens avec Patrice de Plunkett, Nous sommes des animaux mais on n’est pas des bêtes, Paris, Presses de la Renaissance, 2007.

[78] Cf. l’intervention clarifiante de François-Xavier Putallaz dans François-Xavier Putallaz et Bernard N. Schumacher (éds.), L’humain et la personne.

[79] Cf. l’intervention de Philippe Cormier, Ibid.

[80] Cf. l’intervention de Thierry Collaud, Ibid.

[81] ST, Ia, q. 77, a. 7.

[82] « Animal raisonnable. Esprit incarné », in Personne et valeur, Roma, Editrice Pontificia Università Gregoriana, 1992, p. 23-41, ici p. 33.

[83] Ibid., p. 35.

[84] Il aurait été aussi possible de convoquer la réflexion blondélienne sur l’universale concretum.

17.3.2017
 

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